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Un bon deal chèrement payé

Entreprises août 2012

Un bon deal chèrement payé

La transaction SNI/Danone portant sur Centrale Laitière intrigue par le montant du rachat. Une prime de +34% par rapport au cours du marché a en effet été offerte par Danone pour s’adjuger le contrôle de la Centrale. Une surcote jugée élevée.

L’opération de rachat des parts de SNI dans Centrale Laitière par Danone a été une demi-surprise, dans la mesure où l’opération de désengagement de SNI de ses filiales jugées «matures» était annoncée depuis sa fusion avec le Groupe ONA en 2010 et dûment consommée avec l’opération entre Sofiprotéol et Lesieur-Cristal. Par contre, la surcote de la valeur de Centrale Laitière de 34% est  une surprise pour les analystes. Selon plusieurs d’entre eux, l’annonce du rachat de 37,8% des actions de SNI par Danone au prix de 1.700 dirhams l’action est intrigante. En effet, son cours était de 1.268 dirhams au moment de sa suspension de la cote pour annoncer le deal et le cours cible de la valeur, fixé par les analystes, dépassait à peine 1.400 dirhams. Son potentiel de dépréciation était de 11% en avril 2012. Le cours boursier du leader laitier n’a d’ailleurs jamais dépassé les 1.600 dirhams depuis des années. Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette prime d’autant plus que le Groupe Danone n’est pas en bonne santé financière? Surtout aussi que la multiplication des annonces suite à l’élection du nouveau Président français, le socialiste François Hollande, faisait craindre une décélération des IDE français au Maroc.

Dans le pipe depuis 10 ans
Il est à noter qu’en avril 2001, lors de la deuxiéme opération de rapprochement entre SNI et Danone où le groupe français s’est renforcé dans le capital de Centrale Laitière, le pacte d’actionnaires prévoyait un droit préférentiel à Danone au cas où le Groupe ONA décidait de céder des participations additionnelles de Centrale Laitière. Le prix qui était fixé alors ne devait pas être inférieur à 14 fois le résultat. Conclu sous Mourad Cherif, cet accord aurait été par la suite jugé sous-estimé par le management de SNI, puisqu’il valorisait l’entreprise au-dessous de son cours de référence en Bourse. Il est vrai que le cours boursier de Centrale Laitière de 2002 n’a rien à voir avec celui de 2012. De plus, la baisse continue des parts de marché de Centrale Laitière ces dix dernières années (passées de 80 à 60%) sérieusement bousculée par la concurrence de la Copag et la baisse continue de ses résultats nets depuis 2007, ne favorisent pas une valorisation de ce type. La holding royale aurait-elle sciemment retardé les négociations en attendant l’écoulement du délai de prescription de cet accord qui était fixé à 10 ans? Ce retard tactique devait, si cela s’avère vrai, permettre à SNI de renégocier les termes d’un contrat scellé il y a 10 ans et de revaloriser l’entreprise.
Tout cela n’explique pas encore comment Danone a concédé de payer une surcote de 34% à SNI. L’hypothèse de la prime de «prise de contrôle» peut être évoquée, mais elle ne tient pas longtemps à l’analyse. En effet, il est systématique que toute augmentation de capital qui engendre une prise de contrôle industrielle donne lieu à une prime. Cela s’est déjà vu avec la prise de contrôle de Maroc Telecom par Vivendi et qui, d’ailleurs, est une pratique courante dans ce genre de deal. Mais beaucoup d’analystes sont étonnés de l’amplitude de cette prime dans le cas de Centrale Laitière qui représente 432 dirhams par action, soit 1,538 milliard de dirhams. Une prime équivalente à la prise de contrôle des sociétés de télécoms ou des nouvelles technologies (comprise entre 30 et 40% en moyenne). C’est d’autant plus étonnant que vu la chute des résultats de Centrale Laitière, sa perte de parts de marché au profit de ses concurrents locaux, notamment dans les produits laitiers basiques, ainsi que les perspectives de croissance des produits laitiers qui ne dépassent pas 7,5% par an au Maroc, avec une nette décélération en 2011 (2% de croissance) montrent que la surcote est très généreuse. Celle-ci ne devrait pas dépasser, selon plusieurs analystes, entre 15 et 20%, en ligne avec la croissance du secteur. «Ce genre de surcote vient du fait qu’elle donne accés au cash de la société et à la prise de décision stratégique» nous explique l’un d’eux.

«La surcote de la valeur de Centrale Laitière de 34% est estimée excessive par les analystes»

Une générosité excessive?
Une générosité d’autant plus incompréhensible que les perspectives ne sont pas très encourageantes pour un secteur de plus en plus concurrentiel, qui s’ouvre sur un accord de libre-échange avec l’Union européenne et qui de plus devra être l’un des secteurs les plus touchés par la décompensation. En effet, les charges d’exploitation de la Centrale sont directement impactés par la hausse des coûts du carburant inhérents à son activité (fuel industriel et diesel pour l’activité de ramassage et de distribution) mais aussi le sucre qui est l’un des intrants des yaourts et des différents produits dérivés du lait et qui devrait être décompensé sous peu.
Ce qui est sûr, c’est que Danone n’est pas un philanthrope. Si le leader mondial des produits laitiers a voulu s’implanter au Maroc, c’est sûrement pour réaliser des bénéfices. Et le prix payé à SNI a dû être rudement négocié. Une partie de la surcote servira-t-elle à payer un plan social de dégraissage du géant laitier? Ce n’est pas à exclure selon les bruit qui circulent sur le marché.
Selon les analystes, des synergies devront sûrement être dégagées suite au rapprochement entre Danone et Centrale Laitière. d’autant plus qu’avec une masse salariale de prés de 3000 employé pour un chiffre d’affaire de 6,609 mulliards de dirhams, Centrale Laitière est légrément au dessus des standart de Danone 19,318 milliards d’euros pour 88.000 salariés. La piste de l’externalisation de la logistique est ainsi la plus probable, d’autant plus que l’ancien ONA avait déjà impulsé une réflexion en interne à l’externalisation de toute sa logistique, notamment en consultant le logisticien américain Exel Logistics. Un plan de rationalisation logistique de la Centrale Laitière devrait aussi prendre fin en 2015 selon son rapport d’activité 2010. L’externalisation pourrait permettre à Centrale Laitière de se débarrasser d’un parc de 672 camions de distribution qui lui coûtent de plus en plus cher, non seulement en termes de masse salariale, mais aussi du fait du renchérissement des hydrocarbures.