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Comme l’OCP, Managem se met à la RSE

Entreprises mai 2012

Comme l’OCP, Managem se met à la RSE

Dans le sillage du Printemps arabe, les populations des zones minières demandent de bénéficier des richesses de leur région. Plombé par sept mois de conflit social dans sa mine Imiter, le Groupe Managem est plus que jamais appelé à initier une politique sociale durable à l’instar de l’OCP.

Le Groupe Managem affiche beaucoup de satisfaction quant à ses résultats de l’année 2011. Il annonce un chiffre d’affaires consolidé en hausse de 8% par rapport à celui de l’année 2010, avec 3 milliards de dirhams. le Groupe annonce aussi son engagement à déployer 1,4 milliard de dirhams comme enveloppe d’investissements dont 55% sont alloués au développement des nouveaux projets, particulièrement au Gabon et en République Démocratique du Congo. Mais au Maroc, la situation est loin d’être aussi reluisante. Le groupe se trouve en effet face à des tensions qui datent de plusieurs mois avec les populations avoisinant deux de ses principales mines, qu’il essaie de gérer tant bien que mal. En particulier pour la mine d’argent d’Imiter, exploitée par la SMI (Société métallurgique d’Imiter), filiale du groupe. En effet, malgré les résultats positifs de l’année 2011, Managem a enregistré une perte de 24% de sa production d’argent via la SMI, ce qui correspond à 57 tonnes. Coup de chance pour Managem, le cours d’argent a augmenté en 2011 (il est passé de 11,4 dollars l’once à 17,5), ce qui lui a permis d’équilibrer ses pertes. Cela n’empêche que les sept mois de ralentissement de production à Imiter ont eu des conséquences et la situation reste toujours congestionnée. «La priorité aujourd’hui est de régler le problème d’arrêt d’eau. Les forages alimentent actuellement la mine à 50%, ce qui veut dire que la mine tourne à 70% de sa capacité. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi la production de 2011 est en dessous de celle de 2010», lance Abdelaziz Abarro, président directeur général de Managem.
En effet, devant la non-satisfaction de ses revendications, la population a arrêté les vannes d’alimentation de l’usine en eau, action jugée illégale par le groupe minier. Qualifiées également «d’irréalistes» par le management du groupe, les revendications des habitants d’Imiter s’articulent pourtant autour des points vitaux pour la région.

«La solution pour Managem serait de mettre un vrai plan de partage des richesses avec les populations de ses mines»

Nappe phréatique en danger
L’un des principaux conflits que la SMI essaie de dénouer avec la population d’Imiter est l’eau. En effet, les habitants dénoncent une surexploitation de la nappe phréatique de la région par les forages de la mine. Il en découle, selon les déclarations des habitants, l’assèchement des sources d’eau potable et d’irrigation. Du côté de Managem, le management explique que les études d’impact réalisées depuis 2004 montrent clairement qu’il n’y a aucune relation entre les forages miniers très profonds et les eaux superficielles d’irrigation. «Nous avons proposé de réaliser des forages pour renforcer l’irrigation, mais la population a refusé», décrie Abarro.
En réalité, partout dans le monde, les exploitations de mines sont connues pour être de très grandes consommatrices d’eau aussi bien de surface que souterraine. Au nord-est de Nevada aux Etats-Unis, par exemple, les célèbres mines d’or de Carlin Trend ont pompé plus de 580 milliards de gallons d’eau entre 1986 et 2001, assez pour alimenter en eau une ville de la taille de New York pendant une année.
Plus encore, il est très rare de trouver de l’argent sous forme de métal natif (pur). Le plus souvent, il est associé à d’autres métaux et contenu dans de la roche superflue. Pour dégager le minerai de la roche, il est inévitable d’user de produits chimiques. Ainsi, dans les processus utilisés dans l’extraction de l’argent, on retrouve le drainage minier acide qui utilise l’acide sulfurique, et le cyanure surtout. Cet acide se déplace avec la pluie et l’eau du drainage, s’infiltre dans les cours d’eau superficiels et va jusqu’aux eaux souterraines.
Lors de la deuxième extension de l’usine de traitement du minerai extrait, le groupe a intégré le procédé de flottation entre la gravimétrie et la cyanuration. Ce traitement a permis d’augmenter la capacité de traitement pour arriver à 300 tonnes de métal par an. Vu sous cet angle, les populations ont donc toutes les raisons de s’inquiéter quant à la présence d’eau et de sa qualité, même si Managem tempère sur le danger sur la pollution en estimant que le village se trouve à 8 kilomètres de la mine…
Sur le site d’Imiter, la SMI a conçu une digue de flottation où il est question de garantir l’étanchéité du parc à résidus. Autrement dit, bloquer le passage des produits chimiques et résidus néfastes avec des matériaux argileux sur la surface interne de la retenue. Mais plusieurs études dans ce sens ont démontré que quel que soit le procédé utilisé, des produits chimiques polluants et les résidus peuvent s’infiltrer sur des périodes allant jusqu’à une centaine d’années (Environmental Mininig Council of British Columbia). La question de pollution des eaux de la région reste donc discutable malgré toutes les garanties qui sont données par le groupe minier.

Plus d’emplois, plus d’engagement
D’un autre côté, les populations locales, engagées dans la protestation depuis début août 2011, exigent plus de retombées économiques sur leurs régions. «Nous avons engagé des pourparlers avec les représentants de la population pour trouver une solution, sachant que ce sont des discussions sur la base de revendications irréalistes», note Abarro. La région abrite l’une des plus grandes et des plus anciennes mines d’argent en Afrique, dont les récifs remontent aux temps des Almoravides et des Almohades. La première monnaie marocaine en argent a été frappée sur l’argent extrait de cette mine. Certes, un arrêt total de la mine est peu probable, sachant qu’il ne peut pas forcément être lié aux problèmes sociaux mais aussi à des soucis d’exploitation. Mais le minerai d’argent qui constitue 26% du chiffre d’affaires du groupe a un impact important sur les résultats de celui-ci. Si ces tensions avec la population continuent, et avec les engagements d’investissement à l’international, les résultats de l’année 2012 risquent de prendre un coup dur. D’autant plus que le groupe est sur plusieurs fronts, notamment avec le risque social que présente la population avoisinant la mine d’or d’Akka, en prévoyance de l’arrêt de l’exploitation de la mine. Depuis le déclenchement des protestations à Imiter, plus d’une trentaine de réunions ont eu lieu avec les représentants des habitants. Les pourparlers continuent mais les chances de trouver une issue qui satisfait toutes les parties risquent d’être très minimes. Sauf si Managem décide de prendre la même voie empruntée par l’OCP: celle de mettre en place un vrai plan de partage des richesses avec les populations de ses mines.

Développement durable: la solution

La SMI a été créée par le Bureau des Recherches et Participations Minières à l’époque, pour exploiter la mine en 1970, dont les réserves ont été estimées à 2 millions de tonnes. 30% du capital de la société est acheté par Managem au moment de la privatisation de la Société, puis cette participation monte à 67% puis 80% en 1997. Aujourd’hui, sur les 1.000 ouvriers, 75% sont recrutés dans le village d’Imiter, le reste étant recruté dans le village voisin. Ce qui équivaut à 150 millions de dirhams de masse salariale qui vont à la région locale. Il s’agit au fait d’un accord qui a été signé avec le syndicat de la mine pour donner la priorité de l’emploi dans la région. Chose qui ne semble pas satisfaire la population. En effet, les jeunes de la région, étudiants et diplômés, demandent à être recrutés pendant les vacances d’été en tant que saisonniers dans la mine. Chose qui n’est pas réalisable aux yeux de la société. En plus des revendications sur l’eau et l’emploi, les habitants demandent un centre de formation dans les métiers d’orfèvrerie de l’argent, et la réalisation d’un village en faveur des coopératives locales spécialisées dans différents métiers d’artisanat. Plus encore, les paysans demandent un dédommagement sur leur perte causée par la rareté de l’eau. En somme, toute une démarche de développement durable dans laquelle Managem devra s’inscrire à l’instar de l’OCP.