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Tarik El Malki, Économiste et directeur de la recherche à l’ISCAE

Interview mars 2020

Tarik El Malki, Économiste et directeur de la recherche à l’ISCAE

Alors que le Maroc est plongé dans un attentisme insoutenable, les solutions présentées ne semblent pas convaincre. EE a rencontré le socialiste Tarik El Malki qui nous a livré son diagnostic économique et ses propositions pour sortir de la crise.

Vous avez sorti votre livre sur l’émergence du Maroc. Est-ce que vous pouvez nous parler des thématiques qui y sont traitées ?

Ce livre est le fruit d’une accumulation de travaux effectués dans le cadre de recherches personnelles et dans le cadre du Centre marocain de conjoncture (CMC) depuis quelques années maintenant et qui ont pour but de formuler des propositions relatives au nouveau modèle de croissance qui est une composante du modèle de développement. Nous avions publié dans le cadre du CMC un bulletin thématique en 2018 sur la base de simulations et de prévisions avec comme objectif de positionner notre économie sur les voies de l’émergence et d’atteindre des taux de croissance de 6 à 7%. J’ai décidé donc de contribuer modestement en proposant une esquisse du modèle de croissance basé sur quatre grands axes, à savoir les politiques économiques, les politiques sectorielles, l’environnement des affaires et le rôle de l’Etat et le développement de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Le deuxième élément contextuel est la publication en 2017 avec un collègue, Nabil Adel, d’un ouvrage qui s’intitule «Au-delà de tout clivage, regards croisés sur le Maroc de demain». L’idée était que chacun, selon son référentiel idéologique, progressiste pour moi et conservateur pour Nabil Adel, propose sa perception de l’évolution du Maroc sur les 20 à 30 prochaines années au niveau des dimensions politique, institutionnelle, culturelle et internationale, mais pas économique. Chose à laquelle j’ai essayé de remédier avec ce livre dont la parution a coïncidé avec le débat national autour de la question du nouveau modèle de développement. ...Retrouvez l'intégralité de l'article dans le Numéro chez votre marchand de journaux Ou achetez la version digitale

Justement, que pensez-vous des travaux de la Commission ?

Pour être tout à fait franc, j’avais au début, comme beaucoup de personnes, de nombreuses appréhensions par rapport à la CSMD. Pourquoi créer une commission nationale alors même qu’il y a déjà plusieurs rapports sur le sujet? Rappelez-vous le rapport général du cinquantenaire suivi par un certain nombre de rapports du CESE. A quoi servent donc ces rapports dès lors qu’ils ne sont jamais traduits par des initiatives et actions concrètes sur le terrain? Je tiens à préciser ici à titre personnel que la notion de modèle de développement ne me parle pas beaucoup dans le cas du Maroc car je considère que nous avons besoin plutôt d’un projet de société multidimensionnel et inclusif. On a besoin de définir une direction, un cap et une vision globale sur les 30 prochaines années.

Mais n’est-ce pas le but des travaux de la Commission ?

Ce n’est pas le rôle exclusif d’une Commission de définir un projet de société. Nous verrons ce que cela va donner mais pour moi, l’élaboration d’un projet de société doit se faire de manière participative et inclusive. Tout le monde doit se sentir partie prenante dans son élaboration. Il faut savoir que l’on ne part pas de nulle part. Le Maroc est un État-Nation plus que millénaire, avec une histoire, des valeurs, une culture et des traditions. Il faut qu’on arrive à façonner nous-mêmes notre propre modèle de développement et qu’on sorte progressivement des injonctions émanant des instances internationales telles que le FMI, qui depuis 30 ans définissent qu’on le veuille ou pas la politique économique et sociale du Maroc. Il faut qu’on se réapproprie notre souveraineté économique et financière et qu’on parte de là pour définir notre propre vision sur la base d’un certain nombre de ruptures avec comme objectif de renouer avec la confiance. Il y a en effet une défiance d’un ensemble de parties prenantes (citoyens, opérateurs, société civile) vis-à-vis de bon nombre d’institutions du pays; et cela à cause, entre autres choses, de la persistance de l’économie de la rente, l’absence de reddition de comptes, de la mauvaise gouvernance, etc. Or il n’y a pas de confiance sans institutions fortes et crédibles, et pas d’institutions fortes et crédibles sans la mise en place d’une culture de la responsabilité et de la reddition de comptes. Je préconise donc un nouveau contrat social, qui définisse les droits, les obligations et les responsabilités de tout un chacun avec la fin de l’impunité et de la rente.

Comment rétablir cette confiance dans le volet économique ?

Par des politiques économiques volontaristes qui doivent venir en soutien à ce modèle de croissance. Il faut une politique budgétaire contracyclique et expansionniste; keynésienne pour dire les choses clairement. Personnellement je préconise deux choses, un déficit budgétaire soutenable à court terme, on peut même le laisser filer à 5% à condition que ce déficit et la dette puissent générer des ressources à allouer à l’investissement public dans des infrastructures dont le Maroc a besoin, notamment les secteurs sociaux. Je préconise d’augmenter substantiellement l’investissement public dans l’éducation et la santé ainsi que dans les infrastructures avancées (fibre optique notamment). Et enfin l’infrastructure de transport. Il y a un maillage de routes rurales qui n’est pas ou mal fait sans oublier le réseau ferroviaire. Ce sont donc des dizaines de milliards de dirhams par an qu’il faut que l’État finance à travers le déficit et à travers les partenariats public-privé. L’État doit montrer la voie et il faut que le secteur privé assume ses responsabilités. L’État ne peut pas absorber seul toute cette masse d’investissement, j’ai fait un calcul sur la base des travaux du CMC et nous avons estimé sur 5 ans les besoins de base en infrastructures à environ 300 milliards de dirhams supplémentaires tous secteurs confondus. Il est donc impératif que l’État fasse intervenir le secteur privé dans le cadre des PPP.

Quid de la fiscalité ?

Je préconise un «choc fiscal» fort. Au Maroc, la pression fiscale sur le facteur travail est beaucoup plus importante que sur le facteur capital. J’en appelle donc à une réforme qui prenne en compte la fiscalité comme un instrument de justice sociale et de répartition équitable des ressources, notamment à travers le soutien d’abord au pouvoir d’achat des ménages et des classes moyennes qui ont été laminés ces dernières années. Donc commencer par alléger la pression fiscale sur les classes moyennes avec des baisses de taux substantielles et fusionner un certain nombre de tranches d’imposition. Sans oublier également la déductibilité de la base imposable d’un certain nombre de dépenses à caractère social prises en charge par les ménages (éducation, soins…). En général, le principe sous-jacent à tout cela est l’introduction d’une réelle progressivité de l’impôt, où les hauts revenus contribuent véritablement à l’impôt à hauteur de leur richesse. Il n’est pas normal que le dernier seuil d’imposition soit 38% et que quelqu’un qui gagne 20.000 dirhams paie la même proportion que quelqu’un qui gagne 200.000 dirhams. Je suis pour le fait d’introduire à partir d’un certain niveau de revenu de nouvelles tranches d’imposition pouvant atteindre les 60%. Vous savez, dans les années 1930 aux États-Unis, le dernier seuil de l’imposition du revenu était de 90%. Alors on va nous dire que c’était une situation exceptionnelle de guerre, mais je considère que nous sommes également en «jihad». Il est prouvé historiquement que la mise en place d’une vraie progressivité de l’impôt dans l’Histoire est positivement corrélée à la croissance. Il n’y a qu’à se référer à l’époque dite des «Trente Glorieuses».

On a l’impression que la gauche marocaine s’inspire beaucoup de Piketty ces derniers temps…

Parce qu’il a raison. Heureusement d’ailleurs que nous avons encore des penseurs dont on peut s’inspirer. Mais il n’y a rien de subjectif, il a fait des démonstrations statistiques qui sont vérifiées historiquement parlant. Vous me faites un exercice démonstratif sur la base de série historique avérée, je suis preneur. Ce n’est pas par dogmatisme idéologique particulier.

Et donc vous prônez une taxation des riches ?

Au fait, j’en appelle à une vraie progressivité fiscale sur les hauts revenus, sur le patrimoine et sur l’héritage pour que les gens aient le sentiment qu’il y a une vraie équité fiscale dans ce pays. Il faut aussi opérer une défiscalisation de certaines dépenses prises en charge par les classes moyennes, notamment les dépenses sociales et les ayants droit. Ensuite, pour générer du pouvoir d’achat pour les catégories les plus faibles il faut augmenter le seuil d’exonération de manière substantielle. Il y a aussi l’idée qu’après la taxation des revenus professionnels il faut compenser par des mécanismes de couverture sociale efficaces financés par l’impôt et là j’en appelle aussi à une réforme de la TVA. Le fait d’avoir trois taux de la TVA, un taux bas de 5% pour les produits alimentaires et les dépenses sociales (éducation, santé…), un taux moyen à 14% et un taux élevé pour les produits de luxe à 25%, peut générer un impact positif sur la consommation des ménages qui peut augmenter de 10%, voire plus et avec l’impact que ça pourrait avoir sur la croissance. Sans compter la réforme de l’IS, l’allocation des niches fiscales, le crédit d’impôt recherche pour soutenir la compétitivité des entreprises et les inciter à renouveler l’outil de production…, tout ça peut générer des recettes fiscales estimées entre 20 et 40 milliards de dirhams supplémentaires par an.

Et les entreprises dans tout cela, jouent-elles le jeu ?

Le problème du privé est qu’il attend tout de l’État de manière permanente. Au risque de choquer, je trouve que nous avons un secteur privé qui a été durant de nombreuses décennies biberonné aux subventions dans beaucoup de secteurs (immobilier, agriculture, textile…) sans parler des pléthores d’aides mises en place. Le secteur privé n’assume pas sa responsabilité dans le financement de l’économie, il préfère rester sur des schémas de rente où les rendements sont exponentiels et dans la facilité alors que nous avons besoin d’un secteur privé qui prenne des risques et qui investit dans des secteurs à forte valeur ajoutée tels que les métiers mondiaux du Maroc, les énergies renouvelables, l’agrobusiness, l’économie numérique, etc. Il y a un plan d’accélération industrielle mis en place en 2014 mais, à la lumière de certains indicateurs économiques liés à la compétitivité industrielle du Maroc, l’on assiste à une certaine désindustrialisation de notre économie mis à part quelques secteurs (automobile et aéronautique). Alors même qu’il y a des fonds de développement industriel qui sont mis en place, des exonérations, des subventions, un cadre réglementaire de plus en plus incitatif.

Mais pourquoi tout cela ne marche pas ?

Je crois qu’il y a un problème de mentalité. Le secteur privé reste prisonnier des schémas de penser du passé et il y a un problème de culture et d’appétence au risque. La culture entrepreneuriale n’est pas suffisamment valorisée, à mes yeux. Dans le système scolaire notamment. Notre économie reste peu dynamique en matière d’innovation. Il suffit de constater la faiblesse en termes d’investissements dans la R&D ; alors que si l’on se penche un peu sur les pays qui ont décollé (Turquie, Corée du Sud ou pays de l’Amérique Latine), tous ont pu le faire grâce au développement rapide de l’industrie et à des investissements dans l’innovation. Aussi, le secteur privé gagnerait à prendre plus de risques et être moins gourmand. C’est vrai que les rendements de l’industrie sont moins élevés que l’immobilier ou l’agriculture. J’en appelle à davantage de patriotisme économique de la part du secteur privé qui doit assumer sa responsabilité en matière d’investissement. Il y a une incohérence puisque le taux d’investissement global du pays est de 30%, l’un des plus élevés au monde, mais avec une prépondérance de l’investissement public et un faible impact de cet investissement sur la croissance et sur l’emploi.

Un autre sujet d’actualité qui a défrayé la chronique est le programme d’appui au financement Intelaka. Quelle lecture faites-vous de tout cela ?

Je pense que les problèmes des TPME ne se situent pas exclusivement au niveau des financements. L’initiative est louable puisqu’on parle de 8 milliards de dirhams. Il n’y a pas eu de sommes aussi importantes par le passé pour supporter ces petites structures. Il faut se rappeler qu’il y avait d’autres programmes, notamment le crédit Jeunes Promoteurs qui a été lancé il y a 25 ans sans rencontrer le succès souhaité. Cela aurait été plus judicieux de comprendre déjà ce qui n’avait pas marché. Faire croire qu’on va régler le problème des TPME en donnant de l’argent est illusoire, la question du financement est importante mais celle de l’accompagnement l’est tout autant sinon plus. Prêter de l’argent à des porteurs de projets qui n’ont pas des connaissances en finance ou en comptabilité, c’est vain. Sans oublier que tout le monde n’est pas au courant de ce que propose l’État. Selon une étude du HCP en 2019, sur 2 millions de TPME, à peine 10.000 avaient connaissance des programmes mis en place par Maroc PME et par la CCG. Et puis il y a un autre sujet qui pour moi est capital pour la dynamisation de l’entrepreneuriat qui concerne l’accès au foncier. C’est un véritable parcours du combattant pour un jeune d’accéder à un local ou à un terrain. Encore une fois c’est un problème de rente et de spéculation. Des terrains non bâtis qui sont «thésaurisés» plutôt que d’être mis au service de projets d’investissement dont le pays a besoin. Aussi, les pouvoirs publics doivent agir afin de réguler le parc foncier du Maroc à travers la mise en place de mesures fortes qui tendent à limiter les comportements spéculatifs.

Ne pensez-vous pas que les banques auraient pu concéder cet effort pour relancer la machine avant ?

En effet, pourquoi les banques, une fois de plus, ont attendu un coup de semonce royal pour réagir alors que ce problème perdure depuis plusieurs années. Hormis quelques initiatives émanant de quelques banques et qu’il convient de saluer, ces dernières ne jouent pas le jeu pour accompagner les jeunes porteurs de projets. Elles invoquent certes le risque excessif de ces porteurs de projets, mais il faut savoir que c’est cette capacité de l’économie nationale à créer à terme de jeunes startups innovantes qui formera le tissu des gazelles de demain et c’est ce tissu entrepreneurial qui créera les conditions de l’émergence. Aussi, en plus des volets liés à la fiscalité, au foncier et au financement, j’en appelle à un choc réglementaire dans le cadre d’un Small Business Act qui puisse un peu libérer toutes ces énergies et faire en sorte que les bailleurs de fonds privés, hors banques, qui souhaitent prendre le risque dans des projets d’investissements dont ils considèrent qu’il y a une rentabilité avérée à moyen et long termes puissent avoir l’outillage réglementaire pour le faire. Je sais par exemple qu’il y a beaucoup de gens et d’investisseurs potentiels qui veulent se lancer dans le crowdfunding mais qui en l’absence de cadre réglementaire ne se lancent pas. Vous ne pouvez pas imaginer la manne financière que cela peut générer et l’effet de levier qui s’ensuivra.

Vous citez le modèle coréen comme exemple alors que ce dernier a connu une époque autoritaire et dirigiste sur le volet économique. Au Maroc, on assiste ces derniers temps à une présence de plus en plus marquée du ministère de l’Intérieur sur les questions économiques (PLF 2020, CRI…). Est-ce une bonne chose ?

Vous savez, moi ça ne me gêne pas. Mais entendons-nous bien, schéma dirigiste ne veut pas dire approche sécuritaire. Chacun doit jouer son rôle. Le modèle sud-coréen a été porté par des méga-structures qui étaient chapeautées par le ministère de l’Économie et des Finances et de l’Industrie. Je ne pense pas que la gestion de la chose économique doit se faire à travers le ministère de l’Intérieur. On a plus l’impression qu’on répond à une situation d’urgence qui risque de frôler l’approche sécuritaire. Le résultat attendu ne sera pas le bon. Prenons l’exemple de l’AMDIE. Il y a eu une fusion entre l’ancienne AMDI et Maroc Export pour la création de la nouvelle structure, mais pourquoi n’y a-t-il pas eu une fusion de ces agences avec les CRI également? Ils y auraient gagné en efficacité grâce à une régionalisation de ces institutions. L’absence d’efficacité qu’on constate aujourd’hui est due à une absence de mutualisation des ressources dans un contexte où les prérogatives de chacun ne sont pas clairement déterminées, ce qui explique ce flou dans lequel on évolue. Il faut dépasser les personnes et les institutions et raisonner en termes d’efficacité et d’intérêt général.

Qu’est-ce que vous préconisez alors comme solution ?

Une fois que ce modèle de développement sera présenté devant le Souverain et validé par lui, on ne pourra pas faire l’économie de légifération. Il faudrait un ensemble de lois-cadres pour accompagner la nouvelle vision, et pas uniquement sur le volet politique et institutionnel. Sur le plan économique, je préconise par exemple ce que j’appelle un Pacte de croissance qui prend en considération les 4 dimensions que j’ai développées dans mon ouvrage; ce que j’appelle les conditions de l’émergence. Vous savez, le vrai enjeu, et c’est ce que beaucoup de personnes ne mesurent pas, c’est que ce n’est pas le diagnostic qui pose problème. Je suis sûr que la Commission produira un excellent texte à la fin de son mandat mais la véritable question qui se pose est celle de la cohérence politique et idéologique de la majorité gouvernementale qui portera demain ce projet de société.

Vous n’avez pas l’air confiant…

J’attends de voir comment sera portée la réforme du Code pénal qui nous donnera une bonne indication sur le chemin que prendra l’application des recommandations de la Commission. C’est également un texte majeur, important, qui comprend de véritables enjeux sur l’orientation que nous souhaitons pour la société. J’ai du mal à voir comment une majorité qui n’arrive même pas à se mettre d’accord sur son Code pénal va pouvoir porter un projet aussi important qu’un nouveau modèle de développement. Je pense que ni la réforme du Code pénal ni le projet de la CSMD ne seront portés par l’actuel gouvernement, il faudra attendre les prochaines échéances électorales et espérer une mise à niveau du champ politique de fond.

Beaucoup d’observateurs politiques ne pensent pas que les partis auront le temps de se réformer et que ça sera toujours les mêmes noms qu’on verra en 2021…

Et pourquoi cela? Les partis politiques, toutes idéologies confondues, regorgent de cadres talentueux qui gagneraient à prendre les devants. Il faut une nouvelle génération à la tête des partis politiques, des gens qui n’ont jamais assumé de responsabilité particulière ou ce qu’on appelle communément le sang neuf. Il y aura, à ma connaissance, un grand mouvement de nominations et des changements radicaux au niveau de la haute fonction publique dans les semaines qui viennent sous l’égide du chef de l’État. Et j’ai le sentiment que les partis politiques ne vont pas rester en marge de ce mouvement.

C’est une tendance qui se vérifie au niveau de l’USFP par exemple ?

Pour être tout à fait franc, pas suffisamment pour le moment. Ce que j’appelle de mes vœux n’est pas encore arrivé à l’USFP.

C’était une bonne idée de rejoindre la majorité ?

Je n’en suis pas certain. Mais c’est un choix qui a été fait par le parti.

Certains disent que c’était uniquement pour Driss Lachgar afin qu’il obtienne son portefeuille…

Si cela est avéré, l’histoire ne lui aura pas rendu justice (rires).

On vous dit très proche de lui, c’est votre mentor ?

Je n’ai pas de mentor. J’apprécie par contre le travail de l’actuel ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader. Le projet de réforme du Code pénal, qu’il porte avec courage, si ça ne tenait qu’à lui, aurait pris une autre direction. J’apprécie également Ahmed Chami. Je considère qu’il a toute sa place, demain, à l’USFP.

Votre père est, avec Abdelouahed Radi, l’un des doyens du Parlement qui refusent de céder leur place. N’est-il pas temps d’avoir du sang neuf ?

Vous savez, sa présence à l’USFP est un gage de cohésion et de stabilité en l’état actuel des choses et je pèse bien mes mots. Aujourd’hui, dans la situation de transition que l’on vit, nous avons encore besoin de lui. Et ce n’est pas uniquement moi qui le dis mais beaucoup de militants. Mais cela ne doit pas occulter la nécessité de former et de passer le relais à une nouvelle élite politique qui n’a jamais assumé de responsabilités politiques. Attention toutefois à ne pas sombrer dans le «jeunisme» à outrance qui n’est pas nécessairement synonyme de compétence et d’intégrité. Cette nouvelle élite doit être bien formée avec des valeurs, des compétences et de l’intégrité. Des gens qu’on ne connaît pas vraiment aujourd’hui. Cela devient plus qu’urgent.

Et vous pensez sincèrement que ce qui n’a pas eu lieu en plus de 20 ans pourra se produire dans 18 mois ?

S’il y a une volonté politique, oui. Lorsque feu Hassan II avait mis en place le gouvernement de l’alternance en 1997, c’est qu’il était parti de l’intime conviction que le Maroc était arrivé, selon ses propres termes, à une situation de crise cardiaque. Je pense que nous sommes aujourd’hui, toutes proportions gardées, arrivés à un moment charnière de notre Histoire. Il y a un fort degré d’attentisme qui risque de se transformer en immobilisme. Mais un responsable politique doit rester optimiste et se dire que notre pays a des acquis, des atouts, une forte résilience et une capacité à s’adapter et à se tourner vers l’avenir. Il faut rester optimiste même en temps de crise.