fbpx

2017, à la recherche de la confiance

Economie janvier 2017

2017, à la recherche de la confiance

La nouvelle année devrait sonner le rétablissement de la confiance dans la capacité du Maroc à émerger de son marasme économique. Une mission ardue au regard des déficits accumulés.

C’est sous le signe du blocage que semble démarrer cette année 2017. Blocage gouvernemental qui finira par créer une paralysie économique, notamment en termes d’investissement public et privé. «Le fait de ne pas encore avoir de Loi de finances va retarder les investissements publics d’au moins 4 mois», prévenait Abdellatif Jouahri lors de sa dernière sortie le 20 décembre dernier à l’occasion d’une conférence de presse. Cette situation rappelle celle de 2012, où le gouvernement n’avait été mis en place qu’en janvier pour cause de réforme constitutionnelle. Engendrant, de la sorte, une véritable année blanche qui s’est soldée non seulement par une croissance molle, mais surtout par des déficits à tous les niveaux, contraignant le Maroc à signer la fameuse ligne de précaution et de liquidité (LPL), avec ses conditions draconiennes, équivalentes à un mini-plan d’ajustement structurel.

Facteur politique
Il faut dire que depuis 2011, le facteur politique est omniprésent dans la sphère économique, impliquant un manque de confiance des opérateurs. En effet, ce ne sont pas moins de trois crises politiques majeures qui se sont succédé ces dernières années. La première en 2011, dans un contexte international trouble, a abouti sur une nouvelle Constitution et un gouvernement conduit par le PJD, un parti novice dans la gestion de la chose publique au niveau national. Une deuxième crise en 2013 avait, elle, débouché sur un remaniement gouvernemental ainsi que sur l’installation, à la tête de ministères clés, de technocrates repeints politiquement (ou pas). Last but not least, une troisième crise a suivi les dernières élections et la nomination de Abdelilah Benkirane pour former son troisième gouvernement. Il faut dire que lors des dernières élections, le patronat s’était plus ou moins positionné contre le PJD en soutenant de manière apparente ou plus discrète son rival, le PAM, et sa figure de proue Ilyas El Omari. Un pari risqué qui a fait débouler le patronat dans l’arène politique et qui, surtout, symbolise sa perte de confiance dans la gestion du PJD.
Dès le premier mandat islamiste, Miriem Bensalah, à la tête de la CGEM depuis 2012, n’a pas manqué d’occasions de croiser le fer avec le Chef du gouvernement. Un désamour d’ailleurs assumé, qui s’est manifesté à plusieurs reprises notamment lors de la présentation d’un mémorandum commun entre la CGEM, le GPBM et la banque centrale pour la relance de la croissance. En effet, en juin dernier, près de trois mois avant le scrutin, Bank Al-Maghrib, la Confédération générale des entreprises du Maroc et le Groupement professionnel des banques du Maroc ont adressé un mémorandum au Chef du gouvernement, le tenant presque pour responsable de la récession économique et de la stagnation des investissements que connait le Maroc depuis 2010. Un front commun entre préteurs et emprunteurs avec le soutien du régulateur pour mettre les points sur les difficultés d’investir et demander des mesures concrètes au gouvernement. Du jamais vu dans l’histoire du Maroc!

2017 sera sauvée par l’agriculture mais quid du PIB non-agricole ?

Essoufflement sectoriel
Il faut dire que ce qui inquiète le plus le landerneau politico-économique au Maroc, c’est le ralentissement de la croissance et surtout le manque de visibilité quant aux pistes de relance. En effet, depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2010, les relais de croissance sont de plus en plus restreints. La séquence grands chantiers-investissements publics-croissance semble être rompue. Et le taux d’évolution du PIB non agricole fait du surplace malgré tous les plans sectoriels et leurs corolaires en termes d’investissement public. Une réalité d’ailleurs rappelée par la Banque mondiale qui pointe du doigt la faiblesse de l’investissement privé en comparaison avec l’expansion budgétaire. Une faiblesse qui s’inscrit dans la durée malgré la baisse historique que connaissent les taux d’intérêts bancaires au diapason du taux directeur de BAM, qui a été revu 3 fois depuis 2014 pour atteindre 2,25% en 2016. «Durant les deux dernières années, les taux débiteurs moyens ont baissé plus que proportionnellement à la baisse du taux directeur. Ils ont baissé de 95 points de base alors que le taux directeur a baissé de 75 points», affirme ainsi Jouahri. Le taux moyen atteint 5,08% au 3e trimestre 2016 mais sans que cela ne se traduise par une augmentation significative des crédits octroyés par les banques. Le crédit n’a en fait crû que de 3,88% durant les trois premiers trimestres 2016, essentiellement tracté par les crédits à l’équipement (grandement dûs aux investissements massifs de quelques mastodontes publics de la place, notamment l’OCP) et l’évolution positive des crédits de financements corrélés aux difficultés de trésorerie des entreprises. BAM reste d’ailleurs prudente et table sur une croissance du crédit de 3,5% en 2016 avec une relative embellie en 2017 à 4%. Celle-ci sera provoquée par «la reprise prévue de la croissance du secteur agricole et les conditions monétaires accommodantes». Des taux trop faibles pour une réelle reprise de la croissance, surtout que les IDE stagnent et stagneront encore en 2017 selon toute vraisemblance. «La reprise en Europe n’est pas solide, ce qui fait que la demande extérieure adressée au Maroc ne va pas croître d’une manière importante», a ainsi déclaré le gouverneur de la banque centrale. Le PIB sera ainsi soutenu essentiellement par la croissance agricole à la faveur d’une bonne année attendue. Mais quid des autres secteurs non agricoles? Cette atonie de l’investissement démontre d’une part «le manque d’opportunité d’investissement mais surtout un manque de visibilité des opérateurs et aussi le manque de confiance qu’ils ont envers la gestion de l’exécutif, notamment ses plans pour le futur», affirme le directeur d’une banque de la place requérant l’anonymat.

Les échanges restent encore très limités entre le Maroc et l’Afrique malgré plus de 10 années de tournées royales

Opportunités manquées
Un manque d’opportunité notable, malgré l’activisme royal en Afrique qui ne trouve pas l’écho des opérateurs privés. Les échanges restent encore très limités entre le Maroc et l’Afrique malgré plus de 10 années de tournées royales et plusieurs milliards de dirhams d’investissements annoncés. «C’est essentiellement le BTP et l’immobilier, via des projets avec les gouvernements locaux qui se concrétisent rapidement, sinon il y a beaucoup d’effets d’annonce et très peu de concrétisations», commente notre banquier. Ainsi, malgré une augmentation moyenne de 14,7% par an depuis 1999, le volume global des échanges ne dépasse pas 1,6 milliard de dollars en 2014 contre 206,3 millions en 1999, faisant de l’Afrique subsaharienne le 46e partenaire du Maroc contre le 41e pour l’Algérie et le 38e pour la Tunisie. «En effet, en 2014, la part de l’Afrique Subsaharienne dans les flux commerciaux du Maroc s’élève à 2,7%» selon les données de la CNUCED rapportées dans une note de recherche publiée par l’OCP Policy Center (OCPPC) en novembre dernier. Un positionnement qui ne reflète pas la dynamique des IDE marocains en Afrique, qui sont passés de 18 millions de dollars à 443,6 millions de dollars, soit une croissance annuelle moyenne de 23,8% entre 1999 et 2014, toujours selon la même note de l’OCPPC. «Lors des visites officielles, et malgré la présence d’opérateurs marocains dans les pays africains, beaucoup de ministres présents se contentent de suivre le programme protocolaire et ne prennent pas l’initiative de parler aux opérateurs nationaux présents sur place pour s’enquérir des opportunités d’affaires ou de leurs difficultés. Ils les snobent presque…», se désole un banquier présent sur place. Le manque de suivi des projets et d’esprit d’initiative de nos gouvernants est ainsi patent et explique la faiblesse des impacts de la politique africaine du Maroc.
Entre opportunités ratées, faiblesse du dynamisme de l’exécutif et perte de confiance dans sa capacité de relance, en 2017 l’activité économique serait condamnée à ronronner sans réelle perspective de dynamique solide. Entre-temps, le chômage urbain – et notamment celui des jeunes – atteint des sommets, menaçant la stabilité sociale à court et moyen termes.

Le projet de Loi de finances 2017 se donne comme ambition de déployer le nouveau modèle de croissance basé sur la commande extérieure. Ainsi, le PLF suggère que l’accroissement des exportations sera de 2,5% contre 2% pour la demande interne. Un optimisme contradictoire avec la faiblesse de la reprise mondiale et surtout avec les moyens qui y sont mis. «Il n’y a rien dans le PLF qui puisse réellement rompre avec la dynamique actuelle», estime un banquier de la place. Ainsi, le budget 2017 annonce de grands objectifs comme l’industrialisation du pays, la relance des exportations ou encore la réduction des disparités sociales et territoriales. Pour cela, il prévoit de maintenir les budgets destinés au plan d’accélération industrielle et au plan Maroc vert. Mais rien parmi les mesures fiscales ou en termes de mesures d’accompagnement ne sort de l’ordinaire. Et le gros des niches fiscales est ainsi maintenu pour les secteurs qui en ont grandement bénéficié comme l’immobilier. Il maintient surtout une politique d’austérité visant la stabilisation des agrégats macroéconomiques et le maintien du déficit budgétaire autour de 3,3% ainsi que d’un endettement du Trésor autour de 65%.