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Aérien Vent de restructuration

Entreprises février 2012

Aérien Vent de restructuration

Les compagnies low cost se retirent progressivement du Maroc à cause de la crise. Certaines ont enclenché une restructuration à grande échelle pour pouvoir survivre. Une chance pour la RAM afin de reconquérir ses anciennes lignes stratégiques?

L’année 2012 s’annonce charnière pour le secteur aérien au Maroc comme partout dans le monde. Les opérateurs aériens ont annoncé la couleur cet hiver en adoptant des stratégies de restructuration drastique. La RAM annonce la fermeture de plusieurs bureaux de représentation en France et entame un plan de restructuration de grande envergure. Jet4you annonce son alliance avec la compagnie belge JetAirfly. Air Arabia et Easyjet baissent la fréquence sur des lignes Maroc-France en début de cette saison. Easyjet s’est retirée du marché marocain à partir de l’Espagne, depuis janvier. Ces multiples changements confirment que la conjoncture n’est pas favorable dans la région. La succession de crises a frappé de plein fouet la compétitivité, et la rentabilité en a pris un coup. La crise financière qui a freiné le tourisme, ajoutée aux  fluctuations du prix de carburant, a impacté négativement le secteur. De surcroît, le printemps arabe a retardé la reprise du secteur touristique. Tout ceci a engendré des mesures d’adaptation.

Le gâteau est trop petit
L’euphorie qui a accompagné le démarrage de l’accord de l’Open Sky a rapidement disparu pour laisser la place à une compétition acharnée entre les compagnies aériennes low cost qui ont envahi le ciel marocain. Jet4you, la première compagnie low cost marocaine à avoir vu le jour a, dès le départ, a souffert de cette concurrence. Malgré qu’elle soit une filiale du premier Tour Operateur Européen TUI, et soit chapeautée à l’époque par JetAirFly, la compagnie aérienne belge et filiale de TUI Belgium, Jet4you, a démarré avec un déficit.
En effet, face aux autres compagnies internationales, sa taille et sa flotte n’étaient pas à son avantage à l’époque. D’ailleurs, cette concurrence avait assommé la filiale de la RAM, Atlas Blue, qui était sensée être le bras low cost de la compagnie nationale, et qui a fini par disparaître aussi rapidement qu’elle a été créée. Aujourd’hui, Jet4you, qui a survécu malgré cet environnement hostile, a fini par s’allier à son partenaire opérationnel historique belge. «Avec cette alliance, une nouvelle synergie dans la structure de coût va s’instaurer. La compagnie issue de cette fusion aura une plus grande taille et saura mieux affronter la concurrence internationale», explique Myriam Kadmiri, porte parole de Jet4you. Et d’ajouter: «Bien sûr, le nom commercial Jet4you va disparaitre au profit de Jetairfly, mais l’ancrage au Maroc sera maintenu, et seuls 39 postes, directement liés à la maintenance des avions sur le sol marocain vont disparaître».
Cette restructuration de la compagnie est d’autant plus avantageuse pour la compagnie qu’elle va lui permettre d’honorer convenablement le nouveau contrat qu’elle a décroché auprès du TO français Marmara, ce qui constitue un grand marché pour la compagnie. Marché qui, rappelons-le, était acquis par la RAM pendant longtemps, mais a changé de main justement à cause des prix et du peu de  flexibilité de la compagnie.
Dans une récente sortie du directeur général adjoint commercial de la RAM Abderrafie Zouiten, celui-ci avait déclaré «qu’il fallait réduire de 20 % le coût par siège pour rester compétitif». C’est que la compagnie nationale est parfaitement consciente de cet aspect qui la pénalise. Ce qui explique, en partie, le chantier de restructuration grandissime que la compagnie entame depuis un bon moment. Le management de la RAM justifie ainsi le retrait des 10 avions de la flotte et la fermeture des bureaux de représentation en France se trouvant en province (Lyon, Marseille, Nice, Strasbourg, Bordeaux, Nantes) et la réduction du personnel de moitié sur ces zones, par ce souci de rationalisation des coûts. Il s’agit pour la compagnie nationale de maîtriser ses coûts et de se concentrer sur son métier de base. Une explication qui justifie également la récente cession de ses actifs dans sa filiale hôtelière Atlas Hospitality, pourtant très performante. Toutes ses mesures semblent néanmoins insuffisantes pour relancer cette grande machine qu’est la RAM.

«Jet4you se restructure. Air Arabia et Easyjet baissent leurs fréquences Maroc-France et Easyjet se retire du marché marocain»

Réactivité vitale
Dans cette conjoncture difficile, les compagnies low cost sont les plus réactives peuvent, grâce à leur flexibilité, se repositionner sur le court terme. Ainsi, Air Arabia Maroc a réduit sa flotte pour ne compter que trois avions. La compagnie devait également fermer certaines destinations (Tunis, Alexandrie…). Supprimer une ligne qui n’est pas rentable est une action qui est tout à fait normale pour une compagnie low cost. «Certes, toute compagnie aérienne effectue une étude de marché au préalable avant d’ouvrir une ligne aérienne. Mais elle peut, face à une conjoncture difficile, réduire la fréquence de ses vols pour cette ligne ou, dans des cas extrêmes, supprimer cette ligne le temps d’une saison ou deux», explique Kadmiri.
La stratégie des low cost dans l’exploitation des lignes aériennes est simple: celles-ci sont rapidement mises en service lorsqu’il y a du potentiel commercial et rapidement supprimées en cas de non rentabilité. Pour Ryanair, par exemple, à la fin du mois d’octobre, celle-ci annonce fermer les vols entre Marseille et Tanger, Agadir, Nador et Marrakech à partir du début de 2011. Seule la ligne entre Marseille et Fès sera conservée en direction du Maroc. Le 5 novembre, elle a dit qu’elle lançait sept nouvelles destinations au départ de Paris Beauvais: Fès, Nador, Marrakech, Tanger, Séville, Valence et Vérone. Ces annonces rapprochées dans le temps révèlent à quel point les compagnies low cost accordent de l’importance à la rentabilité des lignes qu’elles exploitent. Cette réactivité est d’autant plus possible puisque les compagnies low cost investissent juste le nécessaire pour assurer leurs vols.
De plus, comme le secteur connaît deux saisons dans l’année, l’hiver et l’été, les plans de vols et les fréquences sont déterminés à l’avance, puisqu’ils sont souvent relatifs aux contrats avec les Tour Operateurs. «Les prévisions sur les destinations dépendent de beaucoup de paramètres chez une compagnie aérienne. Cela dépend de la disponibilité des appareils, de la demande sur la destination et du contexte touristique», explique un expert dans le domaine aérien. Et d’ajouter: «ce qui se passe aujourd’hui chez plusieurs compagnies low cost est parfaitement cohérent avec la conjoncture dans la région. D’ailleurs en Egypte et en Tunisie la situation est pareille sinon pire». Mais de manière générale, dans l’aérien, la saison de l’hiver est en régression par rapport à celle de l’été, notamment du fait qu’il y a moins de vacances en cette saison. Cette réactivité est donc rendue possible par un système de veille continue.

Réévaluation continue
En effet, ces compagnies réétudient constamment leurs marchés. C’est le propre du low cost: évaluer la rentabilité d’une ligne pour continuer ou arrêter de la desservir. Il y a des TO qui annulent, d’autres qui reportent des réservations face à une conjoncture particulière. D’ailleurs, beaucoup de TO opérant dans les pays de l’Est se sont rétractés récemment, nous rapporte un opérateur touristique, car c’est une période d’élections et de mouvements sociaux qui font baisser la demande sur les voyages à l’étranger. «Les compagnies qui desservent ces destinations réagissent en réduisant les fréquences des vols ou en les supprimant, selon l’ampleur de la demande», explique notre expert.
Néanmoins, un autre élément doit être pris en considération pour analyser cette politique chez les compagnies low cost. Pour être compétitives et attaquer les marchés où il y a du potentiel, la phase d’étude du marché n’est pas suffisamment exploitée. L’évaluation du potentiel est, de ce fait, souvent faussée par la volonté de décrocher des parts de marché rapidement. C’est ce qui est arrivé au Maroc. L’Open Sky qui a trop ouvert la porte, et qui a coïncidé avec la vision touristique ambitieuse du plan Azur, a provoqué trop de concurrence pour un marché limité. L’entrée rapide et en grand volume des compagnies low cost internationales a d’une part porté un coup fatal à la compagnie nationale à cause des prix compétitifs. D’autre part, les compagnies low cost se sont marchés sur les pieds, puisque la compétitivité obligeait tout le monde à baisser davantage les prix, ce qui n’était à l’avantage de personne.
On assiste aujourd’hui à un repositionnement stratégique des compagnies aériennes opérant sur le marché marocain. Qu’il s’agit de la compagnie nationale ou des compagnies low cost, c’est une période où il est primordial de redistribuer ses cartes pour passer cette période de stagnation en attendant la reprise de l’activité.
Une chose est sûre, avec le retrait des compagnies low cost, la RAM a devant elle une opportunité historique pour se repositionner sur ses anciennes lignes stratégiques qui assuraient pendant longtemps une grande partie de son chiffre d’affaires. En plein plan de restructuration, la compagnie nationale pourrait tirer profit du retrait progressif des low cost.

Assurer ses arrières avec les TO

Le secteur aérien est intimement lié au secteur touristique. Il faut savoir que toutes les compagnies aériennes adoptent un modèle hybride: le B to C ou la vente directe au client final, et les contrats avec les Tours Opérateurs. «Dans son plan de restructuration, et avec le récent contrat qu’elle a scellé avec le TO français Marmara, Jet4you consacre plus de 60% de ses sièges à ses partenaires TO», explique Myriam Kadmiri. Ces 60% incluent plusieurs contrats avec les TO, mais avec une forte contribution de Marmara qui est l’un des plus gros émetteurs de touristes vers le Maroc. En 2009, un touriste français sur cinq a assuré son voyage via le TO Marmara. On imagine alors l’ampleur de la perte qu’assume son ancien client la RAM avec la perte de ce marché. Ce genre de contrat constitue une garantie pour toute la saison. Il est donc un facteur déterminant pour une compagnie aérienne d’avoir dans son portefeuille plusieurs TO comme partenaires. Sachant que les clients individuels ne sont pas rentables, puisque les prix des sièges sont beaucoup moins chers que lorsqu’ils sont vendus en package. En parallèle, les compagnies aériennes assurent ce qu’on appelle dans le jargon aérien les «full charter». C’est une sorte de service aérien où la compagnie loue l’avion avec son équipage à un TO. Ici, on comprend que les compagnies low cost assurent leurs arrières au même titre que les compagnies nationales pour prévenir les fluctuations de la demande. Mais on remarque aussi que plusieurs marché de TO échappe de plus en plus aux compagnies nationales au profit des low cost, principalement à cause de leurs prix élevés.