Notre pays pèche encore dans le détail !
Depuis maintenant 10 ans notre pays s’est installé dans une crise structurelle. Nous sommes passés des dix glorieuses, une sorte de movida économique favorisée par le nouveau règne (2000 à 2010), aux dix piteuses (2011 à 2021), avec un Maroc qui a des difficultés de motricité et qui peine à décoller. La croissance molle de cette décennie ne génère pas assez de valeur ajoutée, et la hausse de l’endettement porté par des investissements publics massifs – dont l’impact reste à prouver -inquiète les institutions de Bretton Woods.
Pour aggraver les choses, la Covid-19 a fait exploser l’endettement public qui a crû de 25% ces douze derniers mois, mais aussi celui des entreprises, semant la panique dans les milieux bancaires. Il est donc opportun de repenser avec pragmatisme la manière dont nous abordons les défis.
Il faut dire que sur ces 20 dernières années, notre pays a su se distinguer par sa capacité à tracer des visions sectorielles claires et ambitieuses, toutes insufflées par le Roi. Rappelez-vous la vision touristique, la charte nationale de l’éducation, la stratégie de l’émergence industrielle, etc. A l’époque ces visions ont toutes été saluées par les organismes internationaux comme étant exemplaires à l’échelle de la région. Les financements internationaux n’ont pas tardé à suivre ainsi que les in vestisseurs étrangers. Aujourd’hui l’éternelle question qu’on se pose est comment se fait-il que près de 1.000 milliards de dirhams de fonds aient été injectés dans l’économie, sans qu’ils ne réussissent à créer le décollage escompté?
Avec du recul, l’on peut conclure déjà que l’Etat sait faire dans le macro mais pèche dans le micro et les détails. Au Maroc on sait concocter, habiller et présenter une superbe vision, mais on ne peut pas descendre en bas de l’échelle pour gérer le ruissellement de ces visions jusqu’au fin fond du pays. Les exemples qui illustrent ce constat il y en a bon nombre :
On a pu par exemple identifier les maux de l’enseignement, mais on n’a pas pu assurer la transformation de l’école qui est l’épicentre où tous les acteurs se retrouvent.
On a su palper le potentiel du tourisme et mettre les ressources et la volonté politique pour donner vie à la vision, mais on ne s’est jamais intéressé à pourquoi le séjour du touriste étranger est court et son taux de retour très faible, relativement aux pays qui ont une vocation touristique.
On a encouragé la création de champions nationaux pour permettre à nos entreprises de devenir plus fortes et compétitives à l’échelle continentale, mais à aucun moment on a pensé à la concentration de la richesse que ce concept pouvait engendrer et à la mise à l’écart de centaines de milliers de PME et TPE qui se retrouvent sur le carreau.
Ces visions et les moyens qu’ils ont mobilisés sont à l’origine d’une frustration du pouvoir qui se demande pourquoi ça n’a pas marché comme prévu. Il suffit de revenir sur les discours du Souverain ces dernières années pour le comprendre. Le Roi n’a cessé de poser des questions au point de se demander: «où est la richesse du pays ?» Il a même pointé du doigt les différentes strates de responsabilité ; tantôt les fonctionnaires, tantôt les agents d’autorité ou les banques.
Le sujet est grave et mérite une lecture anthropologique de la gouvernance pour comprendre ce qui se passe. La Monarchie émet des idées brillantes en phase avec son époque et use de tout son poids pour réunir un consensus autour de ses visions. De l’autre côté il y a les dirigeants publics et privés, censés être des courroies de transmission et d’exécution de ces visions, qui négligent la mise en œuvre et se contentent d’applaudir les discours. Cherchez l’erreur!