La Covid m’a tuer !
Au moment où l’économie mondiale s’efforce de se remettre d’une crise dévastatrice, la flambée du fret maritime vient changer la donne. Comme le Maroc est dépendant du marché international, une inflation importée est inéluctable.
Ce ne sont pas que le commerce ou le tourisme qui ont eu leur lot de désarroi suite à la crise pandémique, les temps sont également durs pour le transport international. Le changement dans les habitudes de consommation a engendré un renchérissement du coût de transport maritime des marchandises, notamment celles en provenance d’Asie, provoquant ainsi des tensions logistiques internationales dont les dommages risquent d’être dramatiques aussi bien pour le tissu industriel que la distribution. En effet, il ressort des derniers indices internationaux que le prix du conteneur Shanghai-Le Havre a été multiplié par 5 suite à la forte demande de par le monde. En outre, dans une étude récente, la Cnuced (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement) a révélé que ces nouvelles habitudes ont entraîné une augmentation de la demande d’importation de biens de consommation manufacturés. Le blocage du canal de Suez pendant près d’une semaine en mars dernier par le méga-navire EverGiven a déclenché une nouvelle flambée des taux de fret au comptant. Résultat des courses, les taux de fret ont atteint des pics historiques. Un nouveau défi pour l’économie mondiale qui s’efforce de se reconstituer.
Le Maroc n’est pas en reste. Dépendant des importations, notamment pour les matières premières, le marché national n’a pas échappé à la foudre. En effet, l’armateur français CMA CGM a annoncé en avril dernier la mise en place de nouvelles surcharges au départ du Maroc vers plusieurs destinations du monde. La compagnie marseillaise a ainsi appliqué une surcharge de 1.000 dollars en haute saison pour les cargaisons reefer (conteneur frigorifique) du Maroc vers toutes les destinations américaines. Et ce n’est pas tout. L’armateur a imposé une surcharge de repositionnement d’équipement (ERS) de l’ordre de 250 dollars sur les marchandises réfrigérées au départ du Maroc vers l’Asie et l’Afrique de l’Ouest, sous prétexte de gérer la demande croissante sur le marché. Une surenchère qui a fait grimper le fret de 3.000 à 16.000 dollars. «Les exportations vers l’Europe ont presque doublé. Les prix sont encore moins compétitifs qu’ils ne le sont déjà, surtout que les produits exportés sont primaires. Leur valeur n’est pas aussi importante que des produits transformés ou encore high-tech pour pouvoir supporter un coût logistique élevé», s’indigne Rachid Tahri, président de l’OMCL. Un désagrément qui ne se serait pas produit si le Maroc était maître de sa flotte. Néanmoins, cette situation n’augure rien de bon. Comme l’économie nationale reste dépendante du marché international, les professionnels du secteur présagent une inflation qui risque de s’aggraver dans les prochains mois. «Les pays en développement sont les plus exposés aux effets de l’inflation internationale. Ces pays sont dépendants des pays développés au niveau des importations (biens industriels, agroalimentaires, sanitaires, etc.), des exportations (matières premières, etc.) et des services nécessaires aux échanges, à savoir transport, assurance, logistique. Il est difficile pour les pays en développement de comprimer leurs importations en cas d’augmentation des prix. Ainsi, l’inflation importée est inéluctable», analyse Mustapha El Khayat, président de l’Amlog. Et pour éviter que cette surenchère se poursuive, en l’absence d’un organe régulateur de la logistique, l’Observatoire marocain de la compétitivité logistique a saisi le Conseil de la concurrence pour dumping, à l’instar d’autres pays, car la situation risque d’être désastreuse dans quelque temps. Wait and see.