Akdital fait sa révolution
Insatiable, Akdital continue sa conquête de parts de marchés dans le secteur des cliniques privées, au Maroc et ailleurs. A la veille d’une recomposition majeure du marché de la santé, le groupe déploie un important plan d’investissement, pour une manne considérable à capter.
Dans sa course à la taille, le groupe Akdital renforce progressivement son maillage territorial. Après un réseau étoffé de cliniques à Casablanca, il vient d’inaugurer dans la foulée son plus grand hôpital pluridisciplinaire à El Jadida, pour un investissement de 220 millions de dirhams. Cumulant désormais 1.000 lits, soit 10% de l’offre nationale privée, la holding de santé privée se veut leader dans la branche au Maroc. Pour ce faire, elle multiplie les acquisitions dans le secteur de la santé et déploie un important plan d’investissement. Dans le pipe, un établissement imminent à Tanger, un autre à Safi où la construction des installations a déjà commencé et un complexe hospitalier à Agadir qui ouvrira ses portes début 2022. Il en va de même pour Salé et Khouribga où les équipes d’Akdital sont déjà à la recherche du foncier. Dakhla est aussi à l’étude pour un hôpital privé. D’ici la fin de 2022, Akdital Holding table sur un parc de 15 cliniques, pour environ 2.000 lits et près de 3.000 emplois. Rappelons qu’à ce jour, l’investissement réalisé par la holding de santé s’élève à 1 milliard de dirhams. Et selon le top management du groupe, cette dynamique d’investissement répond à une volonté de vouloir apporter des spécialités difficiles d’accès dans des villes éloignées de l’axe Casablanca-Rabat-Marrakech.
La genèse
Il faut croire que le parcours de Rochdi Talib, le PDG du groupe, n’était pas une sinécure. Certaines entreprises naissent d’une expérience commune. C’est le cas d’Akdital, né du vécu croisé de Rochdi Talib, médecin anesthésiste-réanimateur, et de ses patients. De retour de France où il a fait sa spécialisation en réanimation, il a entamé sa carrière dans une petite clinique de Casablanca en 1997. «J’ai passé plus de 12 ans dans cette petite clinique d’à peine 25 ou 30 lits, avec une prise en charge de maladies particulièrement limitée parce qu’on n’avait pas toute la technique nécessaire pour faire face à des pathologies lourdes», se rappelle, empathique, Talib. «Après toutes ces années de frustration, j’ai sollicité un investisseur pour financer ma première clinique répondant aux normes internationales. C’était la clinique de Jrada Oasis qui a ouvert ses portes il y a maintenant 10 ans», explique le patron d’Akdital. Pour la petite histoire, son business angel n’est autre que son beau-père Haj Hassan Akdim, un richissime industriel du textile décédé récemment et pour qui Rochdi Talib est très reconnaissant. C’est donc en association avec son épouse, elle-même médecin radiologue, qu’il se lance dans la construction de la clinique Jrada, dotée de près de 50 lits à son ouverture. Le premier-né du groupe Akdital (Akdime+Talib) s’est démarqué en s’inspirant des déficits organisationnels du secteur. «Au niveau de cette première clinique, nous avons voulu nous démarquer par la mise en place d’un véritable plateau de radiologie et un plateau de réanimation répondant aux normes internationales. C’est ce qui a fait notre réputation. Ce choix qui comblait un déficit nous permettait surtout de faire face à toutes les pathologies lourdes», soutient Talib.
Le tournant
A partir de 2015, le groupe connaît une expansion fulgurante. Dans un climat où le soutien des banques se faisait rare, CIH Bank, présidée à l’époque par Ahmed Rahhou, décide d’accompagner Akdital dans son développement. «Avec un chiffre d’affaires de près de 500 millions de dirhams, nous disposons aujourd’hui d’un plan d’investissement de 1,5 milliard de dirhams et du soutien des banques. Je remercie le PDG de CIH Bank à qui je dois beaucoup. Ils nous ont fait confiance dès le départ et une bonne partie de notre succès est due à cette confiance», nous confie Rochdi Talib qui ambitionne à court terme de passer le cap des 700 millions de dirhams. C’est ainsi que la clinique Jrada avait augmenté à 100 sa capacité litière, pour un investissement de 120 millions de dirhams. En 2019, trois autres cliniques ont été ouvertes, avec un investissement de 200 millions de dirhams, dans trois différents quartiers de Casa, dont celle de Aïn Borja, désormais célèbre depuis l’heureux événement des nonuplés maliens, en mai dernier, et qui a été relayé dans le monde entier. Un sacré coup de pub bienvenu pour le groupe. «Avec le succès de la clinique Jrada Oasis, nous avons décidé de dupliquer le modèle dans différentes zones de Casablanca où nous comptons désormais 7 cliniques. Et aujourd’hui, nous sommes en train d’exporter le modèle en dehors de la grande métropole, comme c’est le cas à El Jadida, Tanger, Agadir ou encore Salé et Safi», énumère Talib qui projette d’ouvrir bientôt un établissement à Dakhla. En 2019 également, le groupe s’est renforcé en ouvrant son capital aux investisseurs et accueille dans son tour de table Mediterrania Capital III, le fonds d’investissement géré par Mediterrania Capital Partners. Il faut notifier que cette dynamique d’investissement a été rendue possible grâce à l’adoption de la loi 113-13. «Elle a permis à des acteurs qui ne sont pas forcément du métier de pouvoir investir dans le secteur», souligne Talib. Il faut tout de même rappeler que le monde de l’entreprise dans sa conception fondamentale n’est pas le même lorsqu’il s’invite dans la sphère médicale. Des plus exigeants du fait de l’enjeu -la santé et la vie des personnes-, le volet réglementaire tend à se renforcer aujourd’hui. «Un hôpital est une entreprise pas comme les autres. Pour ne pas tomber dans des situations de conflits d’intérêts, certaines cliniques disposent d’un comité d’éthique qui prend le soin de veiller à ce qu’il n’y ait pas de mélange entre les aspects financiers et les aspects médicaux», rassure Charif Chefchaouni Al Mountassir, professeur en chirurgie, consultant et ancien directeur du CHU Ibn Sina et de l’hôpital Cheikh Khalifa à Casablanca.
Le boulevard des opportunités
Un coup de pouce royal. Le discours de la fête du Trône de juillet 2020 a été un autre déclic. Le Roi Mohammed VI y avait demandé une généralisation de l’Assurance maladie obligatoire au profit de 22 millions de Marocains, afin de couvrir le coût des médicaments, ainsi que les frais de traitement et d’hospitalisation. Pour Chefchaouni Al Mountassir, «ce projet, en plus d’alléger le poids des soins de santé pour une grande frange de la population marocaine, permet également aux acteurs du privé de tripler leurs soins. Ce qui est bien entendu positif pour eux». «Depuis que ce projet a été initié par Sa Majesté, nous avons, à notre niveau, revu notre feuille de route. Nous avons accéléré la cadence et nous restons mobilisés derrière Sa Majesté pour la réalisation de ce chantier immense», confirme Rochdi Talib qui, pour rappel, prévoit un investissement de 1,5 milliard de dirhams au cours des prochaines années. «Nous avons tout revu à la hausse pour rejoindre la dynamique, notamment la recapitalisation d’Akdital-Immo, notre filiale spécialisée dans la gestion d’actifs immobiliers, qui a vu le jour après le discours de Sa Majesté», renchérit Talib. Pour autant, tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Rochdi Talib nous confie que le secteur fait face à certaines contraintes. «Il y a plusieurs mécanismes à mettre en marche pour voir plein d’investissements encouragés dans le secteur de la santé privée. Parmi les choses primordiales, il y a d’abord les incitations fiscales. Il y a aussi la question de la révision de la tarification nationale de référence qui date de 2005 et qui est maintenant caduque par rapport au niveau de vie des Marocains», diagnostique Talib. «La problématique de la tarification demeure fortement en déphasage avec la réalité des coûts», abonde dans le même sens Chefchaouni Al Mountassir qui révèle que cette problématique est à la base du renforcement des pratiques douteuses comme les pratiques de supplément tarifaire sans facture. Rochdi Talib aborde également la question du renforcement des partenariats public-privé «assez faible par ailleurs, et qui nous permettra de collaborer avec l’Etat pour offrir des plateaux techniques où l’Etat n’existe pas, où le privé peut bien se substituer à l’Etat et vice-versa», revendique Talib. Une autre contrainte à desserrer, «la question de la fuite du capital humain médical pèse énormément sur le secteur. Aujourd’hui, ce sont près de 10.000 médecins marocains qui exercent à l’étranger. Le gouvernement devra mettre en place des actions afin de reconquérir cette main-d’œuvre nationale qualifiée», regrette le patron d’Akdital. Mais au-delà des réalités et des contraintes, il faut bien admettre que le chemin est balisé pour le Saint-Graal de la Bourse. Un objectif qui vise à promouvoir la transparence la plus totale dans le secteur de la santé. Et après ? «Après notre entrée en Bourse, prévue dans ces prochaines années, à l’horizon 2024-2026, nous comptons aussi nous exporter en Afrique subsaharienne, notamment en Mauritanie, au Niger et au Gabon, pour nous positionner sur la niche du traitement des pathologies lourdes», pronostique le patron d’Akdital.