Digital, la brèche qui casse le monopole !
Les bookmakers en ligne ont permis de rompre le monopole des paris sportifs au Maroc. Ils profitent d’un vide juridique pour proposer aux joueurs une offre plus riche que celle de la MDJS.
Le secteur des paris sportifs est quadrillé. Parier sur les compétitions sportives qui se tiennent au Maroc et à l’étranger est le domaine exclusif de la Marocaine des jeux et des sports (MDJS), alors que le pari mutuel est exploité par la Société royale d’encouragement du cheval (Sorec), tout aussi exclusivement. Mais cela ne veut, en aucun cas, dire que les paris sur les compétitions sportives se font uniquement à travers ces deux opérateurs. On a trouvé plus ou moins plusieurs manières de contourner cette situation de monopole, soit de la part des joueurs ou des opérateurs du pari, grâce au canal digital. Attention! Nous sommes toujours dans la légalité… ou presque. Un exemple qui sort du lot est celui d’un opérateur marocain spécialisé, entre autres, en pronostics sur les compétitions sportives américaines. D’emblée, on ne voit pas ce service comme une offre de pari, mais le site de cet opérateur, société de droit national, propose de manière indirecte de faire du pari à travers plusieurs packs. Une fois le client choisit son offre, il a la possibilité de miser sur des matchs de la NBA comme sur des matchs de la moins connue, la National Football League américaine (NFL). Pour ceux qui hésitent, un service simulation permet «d’avoir un aperçu sur les gains». S’agissant des pertes, cela n’est évidemment pas un atout commercial qu’on puisse faire miroiter.
Le pari en ligne a explosé
Ces deux dernières décennies, les plateformes du pari ont pullulé dans le monde et elles se sont exportées en Afrique, y compris le Maroc. Elles proposent différents services autour du pari sportif, allant d’informations générales sur les compétitions mondiales ou sur les paris jusqu’à la possibilité de miser, indépendamment des pays d’où l’on fait les mises. Certaines plateformes s’adressent directement au joueur marocain et l’encouragent à faire appel aux bookmakers en ligne. C’est le cas du site web de pronostic parisportif.ma, selon lequel le manque de diversité de l’offre de la MDJS pousse les joueurs marocains à se tourner vers «les sites hébergés à l’étranger». Par manque de diversité, ce site souligne une des lacunes notoires de l’offre de la MDJS: «contre sept sports que propose la MDJS, les bookmakers en ligne proposent entre 30 et 60 sports sur leurs plateformes». La pratique du pari à travers les bookmakers en ligne, dont les plus connus sont Bwin, BetClic ou 1xBet, est même encouragée par cet opérateur, «puisque la loi marocaine autorise pleinement les joueurs à s’inscrire sur leurs sites et à les utiliser». Il existe sans aucun doute une lacune juridique puisque la MDJS détient, légalement, le monopole sur les offres de paris sportifs, de même que les joueurs n’ont pas le droit de faire des paris à l’étranger. Le diable se cache donc dans le mot «utiliser». Dans un bref entretien téléphonique, Younes El Mechrafi, directeur général de la MDJS, a confirmé l’illégalité de tout pari qui se fait par un citoyen marocain à travers un bookmaker autre que la MDJS, sans pour autant donner suite à notre demande d’interview. Les questions écrites que nous lui avons adressées sont restées sans réponse.
En tout cas, selon parosportif.ma, c’est plutôt le faible Taux de Retour Joueur (TRJ) de la MDJS, se situant à 86,4%, qui donne raison au recours aux bookmakers étrangers. «Ce mauvais TRJ se traduit dans les faits par des cotes qui frisent le ridicule. Il n’est pas rare de voir un écart de cote de 0.10, voire 0.20, sur un même pari entre la MDJS et un bookmaker étranger. Quand on est adepte des paris combinés, ces petites différences se multiplient pour faire une grosse marge à la fin», lit-on sur ce site hébergé au Maroc. Autre avantage concurrentiel, certains bookmakers en ligne offrent des bonus ou des paris gratuits à l’inscription, chose que la MDJS ne fait pas.
L’embarras du choix
La plupart des bookmakers en ligne offrent ainsi un bonus dès l’inscription. Si cela est une simple astuce commerciale, ces sites permettent réellement aux joueurs marocains de faire des paris gagnants. Comment les joueurs procèdent-ils pour utiliser leurs sites web, sachant que le jeu se fait en devises? La réponse est simple. Ils offrent la possibilité de créer des comptes et y faire des dépôts, en dirhams évidemment. En ce qui concerne les méthodes de paiement, il s’agit des mêmes outils de paiement en ligne comme Paypal, cartes de crédit internationales ou via les procédures bancaires en vigueur. On commence même à proposer des dépôts par monnaie numérique, dont l’usage est également interdit au Maroc. Résultat de ce manège ludique, les joueurs perdent en toute logique au change. En même temps, la législation est contournée et le monopole de la MDJS est surtout balayé d’un revers de la main. Cela dit, l’utilisation des bookmakers en ligne n’est pas exempte de complications. Le retrait des gains exige au parieur d’atteindre un seuil minimal fixé par chaque site de pari. Une fois cette condition remplie, il faut de surcroît un des moyens de paiement cités plus haut pour pouvoir réclamer son dû. Il existe quelques différences entre les bookmakers en ligne et chacun y met du sien pour mettre en place une procédure typique.
Face à cette offre composée de bookmakers en ligne mondiaux, l’aberration juridique perdure. Une des conséquences indirectes de cela est que la quasi-totalité des paris se fait en devises. Si le joueur national ne récupère pas ce qu’il perd au change, en cas de gain ou de perte, l’Office des changes ne dispose logiquement pas de moyen de quantifier les pertes occasionnées par les opérations de pari qui échappent à son contrôle. Cela dit, les bookmakers en ligne disposent d’autorisations et de licences d’instances mondiales de réglementation des paris. Mais cela ne couvre en rien l’imbroglio juridique sur la question des paris au Maroc.