Vers une paupérisation des retraités CIMR
L’année 2020 correspond «au 30ème anniversaire de la journée internationale des personnes âgées dans un contexte marqué par la propagation de la pandémie de Covid-19. Cette pandémie a bouleversé la vie des populations dans le monde entier surtout pour les personnes âgées. En effet cette catégorie de la population, au-delà des problèmes de pauvreté dans certains cas, du risque d’isolement, et d’éventuelles discriminations, est souvent très vulnérable sur le plan de sa santé» 1. C’est précisément dans ce contexte de plus en plus ardu, induit par l’impact désastreux de la Covid-19 sur la situation économique, sociale et psychologique des ménages, que les dirigeants de la CIMR ont décidé, iniquement, d’annuler la revalorisation annuelle des pensions pour l’année 2020 et de la limiter à 0,7 % pour l’année 2021.
Revalorisation lacunaire… S’inscrivant dans une spirale de réformes régressives
Le niveau de vie des retraités est tributaire, d’une part, du Taux de remplacement qui traduit, au départ à la retraite, le niveau de la pension par rapport au dernier salaire d’activité et, d’autre part, des Modes de revalorisation (ou d’indexation) des pensions qui déterminent le rythme d’évolution de celles-ci. Schématiquement, on distingue trois principaux modes de revalorisation :
• L’indexation sur l’inflation permet aux retraités de conserver le pouvoir d’achat de leur pension atteint à la liquidation, mais pas leur niveau de vie relatif,
• La revalorisation en fonction des salaires, quant à elle, permet non seulement de préserver le pouvoir d’achat mais également de faire bénéficier les retraités des fruits de la croissance,
•Une troisième voie d’indexation, assurément flexible, est adoptée par les systèmes en comptes notionnels. Privilégiant la viabilité financière à long terme, elle s’appuie sur un mécanisme d’équilibre automatique.
A analyser de près, la revalorisation des pensions CIMR suscite émois et inquiétudes. Très éloignée des principes adoptés par les différents modes d’indexation, elle est à l’origine d’une baisse vertigineuse du pouvoir d’achat des retraités. Alors que les retraités du régime RCAR conservent leur pouvoir d’achat et bénéficient de surcroît des fruits de la croissance, ceux de la CIMR subissent de plein fouet l’érosion de leur revenu. En réalité, l’inconsistance de la revalorisation des pensions CIMR n’est que la partie émergée de l’iceberg. En une décennie, la Caisse s’est engagée dans une spirale de réformes2 dont les effets sont peu visibles, mais régressives à long terme3 :
• Le Taux de Rendement technique a fortement chuté, passant d’un niveau théorique de 16,67 % à 8,71 % (resp. à 7,70% en cas de bénéfice de l’Option en capital) ;
• A partir de 2010, année où le taux de rendement technique du régime est à son plus bas niveau, pour une durée de service de 12 ans (resp. de 20 ans), les pensions seraient réduites de 54,7% (resp. de 64 %. Baisse moyenne sur toute la période) par rapport à ce qu’elles auraient été sans l’engagement des trois réformes ;
• A long terme, la pension moyenne atteindrait des niveaux ridiculement bas comparée au salaire moyen des actifs. Evolution de nature à rapprocher le niveau de vie des basses pensions de la pauvreté.
La revalorisation lacunaire des pensions CIMR, contraste indéniablement avec :
• L’ampleur des «excédents d’exploitation » et des « produits financiers» affichés par la Caisse ;
• Les mesures mises en place par la Caisse « en soutien à ses adhérents les plus exposés aux conséquences de la crise de Covid-19 ».
1 Note d’information du HCP, octobre 2020.
2 Trois réformes ont été engagées respectivement en juin 1992 (Sentence arbitrale), en février 1998 et en mars 2003.
3 « Réformes et financement des retraites – Inégalités et redistribution », Salah-Eddine BENJELLOUN, 2012.
Dr. Salah-Eddine Benjelloun, économiste chercheur. Lauréat du Prix 2011 de l’Observatoire des Retraites-France