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Législation, le grand hic

Dossier juin 2021

Législation, le grand hic

C’est une rupture radicale que la 5G offre. Mais pour rester dans l’air du temps, les jalons de la transformation numérique devraient être posées. Le Maroc est encore loin du compte. Et pour cause, le cadre réglementaire ne s’y prête pas.

Un réseau internet mobile à l’image de chaque époque. C’est ce que nous vivons depuis un certain temps. En fait, chaque décennie se démarque par une nouvelle génération de téléphonie mobile, et les années 2020 se placent sous le signe de la 5G. Face à un besoin plus dense en connexion mobile, la technologie s’améliore en fonction. Mais pour ce faire, hormis les infrastructures intrinsèques, la réglementation et la création de contenu devraient également être au rendez-vous, ce qui n’est toujours pas le cas pour le Maroc. Certes, l’on prêche les éventuelles avancées de cette technologie, notamment en matière de transformation numérique, mais le champ d’application ne s’y prête toujours pas. Avant d’aborder cette problématique, les intervenants ont soulevé l’importance de la 5G dans la transformation numérique, sujet du dernier débat. «L’histoire a montré qu’à chaque fois qu’on augmente les capacités de transmission sur les réseaux de manière importante, on permet le développement et la création de nouveaux écosystèmes et par conséquent la génération de données plus importantes», précise Nasser Kettani, cofondateur de Hidden Clouders. En effet, transférer des données de manière massive est désormais possible avec la 5G, ce qui permet de bouleverser les scénarios et penser des innovations à large spectre. «Bien que des secteurs se soient digitalisés plus rapidement tels que les finances ou encore le commerce, l’industrialisation en est à sa première phase avec la 5G SA qui pousse les limites de la technologie. Il s’agit de la première génération qui permettra de connecter les machines et l’éclosion de nouvelles applications susceptibles de piloter des robots par le biais d’ordinateurs», présage Bassim Bennani, en charge du marketing et de la communication chez Nokia Afrique. Du côté de Huawei, pionnier de la 5G, même si la technologie n’a pas encore fait son apparition au Maroc, la transformation commence à s’opérer. Selon Chakib Achour, chef stratégie officer chez l’équipementier chinois, l’usage intensif du réseau durant l’année 2020 a permis de développer des solutions «no-touch delivery» pour accompagner les opérateurs afin de maintenir la qualité du réseau. Au niveau international, la 5G a d’ores et déjà fait son introduction dans différentes industries. Résultat des courses, en Chine, en quelques mois de déploiement, les revenus des opérateurs ont grimpé de 4%. Même exploit pour la Corée du Sud. Les premiers chiffres indiquent que le taux de pénétration est de 18% et les revenus relatifs aux services 5G ont augmenté de 6%.
Pierre d’achoppement

Sauf, pour que la transition s’effectue dans les meilleures conditions, il s’avère indispensable de construire les piliers sur lesquels repose la transformation numérique, à savoir la connectivité, le cloud ainsi que la data. Pour le Maroc, le problème se pose avec acuité au niveau de l’hébergement, au grand dam des professionnels. Bien que le marché du cloud soit dominé par les Gafam, des alternatives sont présumables. «C’est un domaine qui demeure capitalistique, il faut ainsi inciter à l’investissement pour être en mesure de créer une offre de cloud marocain. Ce sont les frais de liaisons réseaux qui rendent la prestation onéreuse», souligne Kettani. A cet égard, les panélistes ont suggéré à l’unanimité l’introduction des Gafam sur le sol marocain. Chose qui pourrait octroyer au Maroc la position de hub à l’échelle continentale. Sauf qu’à leur grand regret, le cadre législatif ne favorise pas, pour l’heure, leur implantation. Car la loi relative au secteur des télécommunications ne procure pas le droit aux opérateurs d’infrastructures étrangers d’opérer au Maroc. La totalité des licences est diligentée aux opérateurs télécoms nationaux. Et pour étayer ses propos, Khalid Ziani, expert en IT et télécoms, a mentionné l’expérience de l’Angleterre et l’Irlande pour s’en imprégner. Quant à la connectivité, face à un besoin en bande passante plus accru, ne faut-il pas envisager d’améliorer les câbles sous-marins et la connectivité internationale? Une question qui taraude les esprits surtout que le prix représente un frein. Pour les équipementiers, le prix devrait être pus abordable. Du côté de Huawei, une offre a été développée avec un opérateur local. Sauf qu’en dehors de la forte concurrence, le prix de la connectivité est revenu 20 fois plus cher même si le prix du stockage est correct, d’où l’intérêt pour une connectivité de masse. Pour sa part, le représentant de Nokia insiste sur l’accessibilité de la connectivité internationale qui doit être abordable à travers des câbles sous-marins dont les travaux de renforcement se poursuivent. Autre interrogation qui suscite l’intérêt: quid des technologies existantes, à savoir la fibre optique et le wifi? Les professionnels s’accordent à dire que la 5G ne se substituera pas à ses antécédentes. «Ce sont des technologies complémentaires. De plus, les antennes de la 5G seront installées sur des réseaux de la fibre optique. Ainsi, la politique de déploiement doit continuer puisqu’elle permet non seulement de délivrer de grandes capacités de réseau mais également de desservir des zones qui ne sont pas servies par le satellite», déclare Kahlid Ziani. Toutefois, les limites du wifi ont été prouvées dans le monde professionnel et manufacturier plus précisément car le réseau ne s’adapte pas aux progrès convoités, dont les capacités requièrent une instantanéité à laquelle seule la 5G pourra répondre.
Cas d’usage

Pour illustrer le déploiement, les panélistes ont évoqué des cas d’usage. Pour sa part, Chakib Achour a soulevé l’exemple des start factory dans l’industrie automobile. En effet, comme il s’agit d’opérations qui nécessitent une grande flexibilité et une concentration sur la qualité de contrôle, toute perte de temps engendre un retard de production. Or avec la 5G, les services automatisés répondent parfaitement à cette problématique. Chose qui ne pouvait pas se réaliser avec les technologies existantes car le risque de rupture de la connexion peut être fatal à la productivité et par conséquent la rentabilité. Achour a également cité une expérience menée en Chine avec le fabricant d’électroménager, Haier, qui a pu réduire le coût d’exploitation de 20% et réaliser une efficacité de 70%. Autre exemple dont le déploiement est prévu pour le Maroc, l’expérience de smartport à Rotterdam qui sera dupliquée à Tanger Med. Les ambulances connectées dotées d’équipement 5G pour anticiper l’accueil des patients à l’hôpital sont également une avancée et non des moindres. Dans le même sillage, Ziani a valorisé l’utilisation de la 5G pour facturer la consommation d’eau et d’électricité à travers des compteurs intelligents. Il a également saisi l’occasion pour lancer un appel aux start-up marocaines les incitant à rivaliser d’ingéniosité pour proposer des applications 5G susceptibles de répondre aux nouveaux besoins et par conséquent créer de la data et enrichir le contenu dont le Maroc pâtit.
Certes, la rupture technologique de la 5G est radicale, mais est-ce que le Maroc avec son infrastructure actuelle est en mesure de relever le défi? Les ressources qualifiées pour assurer la transition est une autre paire de manches.