5G un impératif ?
La 5G s’impose comme une nécessité plutôt qu’un luxe. Comme devant tout progrès, des réticences se manifestent. L’impact sur la santé et l’environnement représente la principale source d’inquiétude. Mais en face, les prouesses en termes de transformation numérique sont innombrables. Pour débattre des atouts et des inconvénients de cette nouvelle technologie, Economie Entreprises Live a organisé une série de webconférences.
Malgré les réticences et les craintes qu’a suscitées la 5G, cette nouvelle technologie s’implante d’ores et déjà un peu partout dans le monde. En effet, selon les derniers décomptes de l’association britannique GMSA (Global Mobile Suppliers Association), 131 services commerciaux 5G fournis par 124 opérateurs télécoms sont proposés dans 44 pays et territoires. Aussi, ce sont 397 opérateurs télécoms dans 129 pays qui envisagent de déployer cette technologie. Les dernières prévisions tablent sur une utilisation de la 5G par 1 milliard d’utilisateurs d’ici 2023 à l’échelle mondiale. Quid du Maroc? Certes, le marché des télécommunications reste très dynamique en Afrique, mais où réside l’opportunité pour le royaume? Effectivement il y a beaucoup d’ambition mais également des craintes qui taraudent les esprits relatives aux enjeux et défis de la 5G face à la réalité socio-économique nationale.
Les atouts l’emportent
La prise de parole a débuté par la clarification des perceptions péjoratives de la 5G. Pour Charaf Eddine Alaoui, directeur commercial et développement chez ZTE, la 5G n’est pas une destination, mais un voyage, avant de préciser que les enjeux auxquels le Maroc est confronté sont principalement d’ordre économique et technique. Sur le plan économique, pour mesurer l’ampleur, des études ont été faites à l’échelle internationale suite au passage de la 3G à la 4G. Il en ressort que, hormis le débit qui a doublé de vitesse, l’impact a été positif sur le PIB mondial lequel a enregistré une évolution entre 0,5 et 1,5%. Ainsi, pour Alaoui, la question de la 5G n’est plus discutable, elle est indéniable aussi bien pour le client lambda que pour les professionnels tels que les industriels. Même son de cloche auprès des autres panélistes. De son côté, Ahmed Khaouja, directeur général de PTT Maroc, précise qu’il s’agit d’une rupture technologique qui nécessite une infrastructure adaptée. «Parmi les avantages figure également l’introduction de ce qu’on appelle le slicing. Il s’agit de l’existence de plusieurs sous-réseaux à l’intérieur du réseau 5G qui permettent d’assurer une sécurité. Une sorte de cloisonnement qui favorise les priorités en matière de connectivité», rétorque-t-il. Dans la même perspective, Ahmed Khaouja met la lumière sur le secteur touristique en tant qu’enjeu économique. En fait, il a étayé sa théorie en soulevant la réticence de touristes, notamment chinois dont 80% de la population utilise d’ores et déjà la 5G, à choisir une destination qui ne dispose pas de la technologie en question. Chose qui se répercutera sur l’économie sachant que le secteur touristique représente 17% du PIB national. Quant aux enjeux technologiques, Badr Ndour, responsable du service déploiement réseau Afrique chez Ericsson, a listé les avantages que procure la 5G en termes de couverture et d’accessibilité. «Cette technologie permettra de consolider l’accès des populations des pays émergents à Internet. De surcroît le coût par abonné sera inférieur. Elle permet également de réduire le gap numérique et de connecter les hôpitaux et les écoles, à titre d’exemple. Une nécessité d’autant plus importante en cette période de pandémie», ambitionne Ndour. Des avantages sur lesquels les panélistes étaient unanimes. S’ajoute à cela l’amélioration de la latence qui est non des moindres. Outre le challenge de la mobilité urbaine, la capacité d’un téléchargement rapide adossée à une qualité supérieure de l’image ou de la vidéo font également partie de la liste. «Le développement urbain et des smart cities en quête d’instauration d’un service au citoyen durable et efficace représente aujourd’hui un défi et une nécessité pour bon nombre de pays et pour y arriver une technologie comme la 5G reste l’allié incontournable», insiste Hafid Griguer, directeur du laboratoire ILO (Innovation Lab of Operations) rattaché à l’Université Mohammed VI de Benguerir.
Une technologie controversée
Néanmoins, toute nouvelle technologie implique des appréhensions et requiert des ressources qualifiées à même d’assurer le changement. Sur ce point, Ahmed Khaouja n’a pas manqué de saluer les efforts de l’Agence nationale de régulation des télécommunications (ANRT) pour s’adapter au progrès technologique. Toutefois, le besoin en profils adéquats et en contenu reste d’actualité. Ainsi, il a saisi l’opportunité pour lancer un appel aux start-up, les principales concernées, pour alimenter un contenu digne de cette avancée. Côté inquiétudes, Khaouja a procédé à une petite mise en contexte. En effet, dans la 5G, il y a deux technologies à développer. Il s’agit de la technologie dite NSA, en cours de déploiement au niveau mondial, et la SA qui est très peu développée. La distinction entre les deux réside dans l’utilisation des fréquences. La technologie actuellement d’usage exploite les fréquences existantes, or la SA est basée sur des fréquences millimétriques. Ainsi, la nuisance à la santé n’est pas prouvée. Un constat corroboré par Hafid Griguer qui a avancé des allégations encore plus techniques. Son allocution s’est focalisée sur les ondes électromagnétiques qu’il a étayée en citant l’exemple du micro-onde. «Les études préalablement menées ont montré qu’il y a bien un effet des ondes sur un tissu biologique, mais lorsqu’une composante électrique et magnétique se propage dans l’espace, elle transporte l’énergie à une certaine fréquence. Si cette dernière est très forte, cela devient une ionisation qui est généralement beaucoup plus dangereuse que les radiations. Mais je ne pense pas que la 5G atteigne ce stade», poursuit-il. Dans le même sillage, Badr Ndour rassure sur les fréquences utilisées par le secteur des télécommunications. Et pour illustrer le schéma, il a évoqué l’exemple des fréquences radio. «On est tous soucieux et curieux à la fois de l’impact sur la santé et l’environnement. Les fréquences élevées risquent de créer des interférences. Dans les télécoms nous utilisons des puissances basses, loin de l’ionisation qui est néfaste. Ces fréquences restent même inférieures aux fréquences du spectre lumineux», assure le représentant d’Ericsson.
Toutefois, à l’instar d’autres pays, le Maroc, même s’il n’est pas en phase de lancement de la 5G, étudie les différentes pistes susceptibles d’asseoir les bases technologiques y afférentes, mais également législatives. Par ailleurs, pour les opérateurs télécoms, il s’agit d’une aubaine comme mentionné par les panélistes. «Les opérateurs se bousculent au portillon pour lancer la 5G car cela reste intimement lié à leur image de marque. L’adoption de la 5G permet d’acquérir des parts de marché et de réaliser un avantage concurrentiel. Aucun opérateur ne voudra rater le virage», affirme Charaf Eddine Alaoui. Sauf que ces derniers risquent d’être confrontés à un défi de taille, à savoir la libéralisation des fréquences. Selon Ahmed Khaouja, pour déployer cette technologie au Maroc, il faut trouver un équilibre entre le prix de la licence et le retour sur investissement. Quant au cadre légal, la loi consolidée 24-96 reste, pour l’heure, adaptée au contexte marocain et favorise le déploiement de la 5G.