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Le Maroc respire par ses feuilles en Europe

Édito juin 2021

Le Maroc respire par ses feuilles en Europe

Ces derniers mois les sujets de discorde avec l’Espagne se sont accumulés comme des pilules qui ne sont pas bien passées, et que le Maroc a préféré cracher sur la table. Les tensions migratoires sur les Iles Canaries, la lutte contre la contrebande à Sebta et Melilia, les positions ambiguës du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez sur le dossier du Sahara, etc. A cela s’ajoute un contexte politique très compliqué pour l’Espagne, avec l’émergence de l’extrême droite représentée par Podemos et Vox qui a provoqué une véritable scission au sein de la société.
Signe de cette tension, la réunion de haut niveau Maroc-Espagne, prévue initialement en décembre, a été reportée au mois de février 2021 puis annulée quelques jours avant. Officiellement pour cause de Covid-19, mais dans les coulisses il se dit que la diplomatie marocaine qui a décroché le 10 décembre 2020 la reconnaissance par l’administration de Donald Trump de la marocanité de nos provinces du Sud, aurait demandé à l’Espagne des garanties sur ce dossier (…)

Mais les hauts et les bas avec l’Espagne sont des choses courantes dans la relation entre pays voisins. Ce qui intrigue les intellectuels marocains c’est la volonté de notre gouvernement d’ouvrir plusieurs fronts diplomatiques en même temps.
En mars dernier, le Maroc fait une annonce violente et inattendue à l’encontre de l’Allemagne. Notre pays en veut à la quatrième puissance mondiale qui s’est opposée à la décision de l’administration américaine.

Certes, le Maroc est droit dans ses bottes et agit droitement pour défendre sa souveraineté et c’est normal. Mais peut-on provoquer des emballements diplomatiques à la chaîne avec des alliés aussi stratégiques en faisant fi de la coopération? Pour ne prendre que l’exemple de l’Allemagne, en 2020 l’Etat fédéral a déboursé en faveur du Royaume plus de 1,3 milliard d’euros de crédits et de dons.

Je crains que cette multitude de crises diplomatiques et leur intensité n’ait changé le regard de l’élite européenne sur notre pays. Si le Maroc était jusque-là perçu comme un verre à moitié plein, aujourd’hui on leur a donné l’opportunité de voir ce verre à moitié vide (…)

Comme le rappelait d’ailleurs un éditorialiste du quotidien Le Monde du 21 mai, la crise de Sebta a mis en exergue aux yeux du monde «la précarité sociale dans laquelle végètent des catégories entières de la population (ndlr: marocaine), à mille lieues du Maroc scintillant». Et de se demander si l’Europe ne devrait pas sortir de cette naïveté du regard porté sur le Maroc.

Si notre pays avait déjà des difficultés à se faire entendre à Bruxelles sur des sujets de coopération, la crise avec l’Espagne et l’Allemagne risque de rendre notre message encore moins audible. Ne sous-estimons pas les principes de solidarité européenne.

Le Maroc est-il en position de se mettre à dos l’Europe? La réponse est bien évidemment non. Le feuillage de notre pays respire en Europe, comme l’avait si bien dit feu Hassan II et on respirera toujours de l’Europe. A moins qu’on puisse mettre notre cher pays sur un bateau et le pousser vers un autre continent, notre proximité avec le Vieux Continent est une interdépendance mais surtout un atout considérable qui attise même la jalousie de bon nombre de pays arabes et africains.
Les investissements étrangers au Maroc c’est l’Europe, l’appui historique pour notre cause nationale c’est l’Europe, l’aide et les financements étrangers viennent aussi de l’Europe.
A nous de savoir préserver cet atout, l’exploiter avec diplomatie et un sens de l’intérêt national sur le long terme.

De grâce, ne perdons plus un temps que nous n’avons plus en postures grandiloquentes pour nourrir un dogmatisme qui n’a pour ambition que la gestion de l’instantané.