La crise du «modèle» était déjà là
Le Maroc cogite depuis un moment déjà, et bien avant le coronavirus, un nouveau modèle de développement. La crise du «modèle» était bien là. La croissance est asthénique avec un faible contenu en emplois, le chômage massif, la corruption endémique et les niveaux d’inégalités élevés. Le modèle actuel, peu inclusif, et les politiques conduites pour le mettre en œuvre ont montré leurs limites, enclenchant des mécanismes non vertueux et empêtrant le pays dans un statu quo porteur de toutes les dérives. La crise sanitaire a juste rendu plus urgent le traitement de ces problèmes.
Depuis que le coronavirus est là, les lignes ont bougé. Le Maroc a choisi de fermer ses frontières et il fallait innover pour s’adapter aux nouvelles exigences. En décrétant l’état d’urgence sanitaire, le pays a mis en place une palette de mesures d’aide en faveur des catégories précaires et des entreprises rencontrant des difficultés. Il a également déployé une politique de relance, acté certaines réformes, il a remis en cause son ouverture à l’international et lancé une stratégie «Import-substitution» visant à substituer certaines marchandises d’importation par une production locale, mis en place la généralisation de la couverture sociale… autant d’effets-aubaines de la pandémie que le Maroc gagnerait à maintenir à la sortie de la crise.
La question à se poser serait de savoir s’il est encore utile d’attendre la présentation du nouveau modèle de développement au Roi et aux Marocains, alors que la pandémie de Covid-19 a déjà trouvé la formule. En à peine une année, elle a imposé des changements radicaux à notre mode de vie, elle a reconfiguré le travail et l’enseignement et a durablement impacté les secteurs d’activité. En grippant l’économie, la Covid-19 aura provoqué un regain d’intérêt pour la souveraineté nationale, la sécurité hydrique, alimentaire et sanitaire. De nouveaux modèles de développement émergent un peu partout dans le monde faisant ressortir une conviction partagée: tout choix devra s’inscrire dans un grand changement structurel capable de répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux du monde de demain.
Le Maroc doit capitaliser sur ces ruptures pour un renouvellement profond de notre modèle de développement ainsi que la mise en œuvre d’une deuxième génération de réformes profondes socialement et politiquement. Faire de la gouvernance une condition sine qua non de la vie publique que ce soit sur le plan national ou encore territorial. C’est l’occasion de revaloriser le rôle de l’Etat, et d’engager les entreprises à créer de la valeur sociale et pas seulement économique. C’est aussi l’opportunité de faire participer chaque citoyen à un grand dessein de prospérité collective, et lui faire entrevoir une lueur d’espoir dans le ciel de la morosité. La remise à plat promet d’être laborieuse, mais nous n’avons guère le choix. Les lendemains ne chantent que pour ceux qui s’y attellent.