fbpx

Dakhla-Oued Eddahab la traversée du désert

Dossier mai 2021

Dakhla-Oued Eddahab la traversée du désert

La nouvelle voie express Tiznit-Dakhla, longue de 1.055 km, est représentative de l’évolution de Dakhla-Oued Eddahab, promise à un avenir radieux. Cela dit, la partie n’est pas gagnée d’avance. La région, qui construit plusieurs projets structurants dont le pôle portuaire Dakhla Atlantique, doit gérer son développement le long de ses côtes. Et attirer de nouveaux entrepreneurs, autres que la caste d’investisseurs en place. 

Le nom de Dakhla renvoie aux images de dunes de sable blanc et de kitesurfs volants. La région, elle, est assimilée à cette image, derrière laquelle se cache une complexité économique due, à la fois, aux restrictions territoriales et à des perspectives de développement prometteuses.

On confond souvent potentiel et faisabilité, image et réalité. Au Maroc, Dakhla-Oued Eddahab en représente l’exemple le plus parlant. Sous le feu des projecteurs depuis quelque temps, cette région recèle une complexité économique hors normes. Acculée à l’Atlantique, sa façade macaronésienne est longue d’environ 667 kilomètres et vu le contexte politique actuel, son développement devra se faire le long de cette bande oblongue. Pas le choix! Les projets futurs, notamment le port Dakhla Atlantique et les zones logistiques de Bir Gandouz et de Guerguarate, confirment ce constat. De 30 hectares chacune, on devra par la suite procéder à préciser le positionnement de ces deux dernières, ainsi que leur régime fiscal et les mesures incitatives y afférentes. C’est ce qu’a déclaré Mounir Houari, directeur général du Conseil Régional d’Investissement (CRI), lors de la première édition des Weekends de prospection de la région, tenue à Dakhla le 27 mars dernier.

L’intérieur de la région, où quelques rares localités comme Aousserd peinent à se transformer en centres urbains, devra attendre. C’est là où le cheptel camelin de la région, estimé à 40.000 têtes, paît presque toute l’année, rendant tout projet de collecte de lait difficile à réaliser. Anodin, mais représentatif de la complexité citée plus haut. Pour développer une filière emblématique comme le lait camelin, le concept du «ranching» pourrait remédier à l’absence – dans le sens littéral du terme – du cheptel, dit Mounir Houari. Mais cela reste une proposition, une idée. Sur le terrain, la production de la viande rouge cameline atteint 400 tonnes et un chiffre d’affaires annuel de 16 millions de dirhams. Un ensemble de 31 unités de production et environ 1.000 éleveurs sont derrière cette réalisation. En Mauritanie, le cheptel camelin s’élève à 1,4 million de têtes. On peut évidemment mieux faire.

Cette vaste zone – l’intérieur de la région- attire quelques excursions touristiques, qui transitent par des sites pittoresques comme la saline Sebkhat Imlili, après avoir pris pied à la baie de Dakhla où tous les établissements touristiques sont implantés. Ces derniers, dotés d’une capacité de 1.687 lits, ont totalisé 161.680 nuitées en 2019, contre 128.052 une année auparavant. Les années précédentes, l’augmentation exponentielle des nuitées a été insufflée par un renforcement de la desserte aérienne. Ou vice-versa. Mais, mine de rien, la contribution du tourisme dans le PIB de la région (0,3%) demeure infime, comparée aux autres secteurs, surtout la pêche (28%). En d’autres termes, le tourisme à Dakhla-Oued Eddahab donne moins de richesse, mais plus de visibilité. Cette image est tout de même altérée, sur le terrain, par le manque de propreté et un réseau d’assainissement fragile.

La nouvelle Route de la soie passera par là !

Pour l’instant, tout se conjugue au futur à la région de Dakhla-Oued Eddahab. Car, d’un côté, on mise gros sur la région, notamment pour jouer le rôle de carrefour maritime continental, une fois le projet du nouveau port Dakhla Atlantique finalisé. Selon Najib Cherfaoui, expert portuaire, ce projet ne pouvait pas mieux tomber. «Il coïncide avec le corridor nord-sud que la Chine souhaite mettre en place aux côtes occidentales africaines, dans le cadre de son mégaprojet de la nouvelle Route de la soie». Autre heureux coup du sort, la Chine est en Afrique pour exploiter essentiellement les opportunités qui se présentent dans le secteur de l’agriculture, un domaine de prédilection pour les phosphates marocains. Si le port actuel est entièrement dédié à la pêche, avec 88 unités de production dont 75% sont destinées à la congélation des produits, le futur pôle sera une vraie plateforme portuaire. Les travaux de construction de ce projet sont en phase de lancement et le budget s’élève à 10 milliards de dirhams. Sur le plan géostratégique, Dakhla peut même, selon Najib Cherfaoui, concurrencer Las Palmas dans le futur. Tout concourt donc à ce que ce projet opère une rupture dans le commerce maritime en Afrique atlantique. D’un autre côté, la ville de Dakhla, dont le foncier – surtout touristique – se réduit comme peau de chagrin, s’étend par la force des choses au continent où on a déjà aménagé une zone touristique à El Argoub. Cette dernière est située sur la route nationale menant à Guerguarate, mais elle donne aussi sur la baie. Les opérateurs qui choisiront de s’y implanter devront renoncer à la proximité de la ville, les deux localités étant séparées par environ 80 kilomètres sur route, mais quelques bornes seulement en bateau. Mais les prix qui circulent sont presque similaires. 

Entre El Argoub et la route d’Aousserd, les fermes de serres sont éparpillées sur les vastes étendues désertiques. La nappe phréatique est une ressource abondante et, contrairement aux environs de la ville d’Agadir, elle n’est pas surexploitée. Mais on compte aussi sur la future station de dessalement de l’eau de mer, en phase d’étude faut-il le préciser, pour contribuer à irriguer une superficie agraire qui doit atteindre 5.000 hectares, selon les objectifs annoncés. À l’heure actuelle, ce que produisent les fermes doit remonter à la capitale de la région de Souss-Massa, où la plupart des sociétés agroalimentaires mères sont implantées. La région, dont la superficie globale atteint plus de 130.000 km², dispose de 624 hectares programmés au titre de la campagne agricole 2020-2021 pour produire, surtout, la tomate et le melon sous serres. Plus de 60.000 tonnes sont prévues au cours de cette même campagne.

Aussi, la région accapare 50% de la production aquacole marine nationale et 45% des fermes, avec 878 unités de production. Cela dit, 520 de ces fermes sont implantées à la baie de Dakhla, connue sous le nom de Secteur 1, les 358 autres unités étant situées aux deux autres secteurs, Labouirida et Cintra. Les unités installées à la baie font face à la cohabitation avec les établissements hôteliers et les eaux usées qu’ils déversent. Cela est un autre problème auquel le développement de la région doit faire face, à savoir la cohabitation difficile des différentes activités.

Mais la région est loin d’avoir coupé le cordon ombilical avec le nord pour ses besoins en équipements, en ressources humaines et même en financement. Même pour obtenir un crédit auprès des établissements bancaires, les dossiers doivent pour l’instant être renvoyés à Agadir, puis au siège à Casablanca, selon le montant sollicité. Evidemment, tout ne peut pas être fait sur place, mais la région peut produire in situ – ne serait-ce que dans la mesure du possible – une partie de la demande de la population, estimée à 143.000 habitants (2014). La surface dédiée aux serres n’est-elle pas passée de zéro à 624 hectares en l’espace de quelques années?