Dakhla, entre image et réalité !
Avec 600.000 tonnes annuellement, le secteur de la pêche est la locomotive de développement de la région. Cela dit, il peut tirer d’autres écosystèmes industriels. D’autres défis, comme le foncier, doivent encore être relevés.
Le consensus autour du potentiel de Dakhla-Oued Eddahab est unanime. Mais, l’évaluation des problématiques inhérentes à son développement est souvent trop complaisante. La région fait face à de nombreux défis, à commencer par le poids d’une image de havre touristique, parfois contrôlée, mais souvent subie. Si la ville de Dakhla est réellement bénie d’avoir un paysage aussi photogénique, cela ne gâte-t-il pas le vrai visage économique de Dakhla-Oued Eddahab? En tout cas, la locomotive du développement de la région est la pêche, qui se taille la part du lion en termes de contribution au PIB régional (28%). Compte tenu de la disponibilité de la ressource, ce qui permet à la région d’exporter plus de 600.000 tonnes annuellement, cette contribution est légitime. Cela étant, il y a encore lieu à plus de valorisation au sein du secteur halieutique. En amont de la chaîne de valeur, plusieurs industries, en l’occurrence la plasturgie, le textile professionnel ou l’emballage, peuvent se greffer de manière à contribuer à la substitution des produits importés. Et à réduire la dépendance de la région vis-à-vis du nord du Royaume. Pour l’instant, cela rentre dans la case du faisable, du potentiel. Mais, contrairement à d’autres secteurs, les projections dans le secteur de la pêche sont moins faillibles, surtout après le lancement du chantier du pôle Dakhla Atlantique, d’un budget de 10 milliards de dirhams. Certes, sa vocation en tant que plateforme portuaire sera dédiée au commerce international, mais sa position géographique, située au carrefour des flux maritimes, en fera une plateforme incontournable dans la façade macaronésienne. L’écosystème halieutique régional en sera le premier bénéficiaire.
Par ailleurs, le CRI fait état d’un accroissement du recours à la main-d’œuvre subsaharienne dans la pêche, passée de 10% deux ans auparavant à environ 40% actuellement. En d’autres termes, il y a de la place pour la main-d’œuvre locale ou même nationale, à condition que celle-ci soit prête à retrousser ses manches sur place, ou à faire le déplacement à partir des autres régions. Cela est lié, d’une autre part, à un énième déficit structurel auquel la région est confrontée, à savoir une population peu nombreuse pouvant alimenter les secteurs amenés à évoluer. Même le tourisme fait face à ce problème, en dépit de l’évolution des arrivées, ces dernières années, permettant de prévoir les besoins en termes de ressources. En haute saison, les établissements hôteliers renforcent leurs rangs en faisant appel à de la main-d’œuvre venant d’autres régions. Souvent, la main-d’œuvre locale est décriée car jugée en deçà des aspirations.
Foncier, entre garde-fous et pénurie
Simple indication sur l’évolution qu’a connue Dakhla depuis la fin des années 2000: un seul vol la liait à la ville de Casablanca. Avant la crise sanitaire de la Covid-19, et même durant la saison estivale de 2020, l’aéroport de la ville carburait à plein régime. Les opérateurs, notamment touristiques, qui ont pris le risque de s’implanter à Dakhla à cette époque ont réussi. Actuellement, de nouveaux paramètres sont entrés en jeu. Après l’homologation du Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU) de la Baie d’Oued Eddahab en 2015, le foncier est encadré par de nombreux garde-fous. En matière de propriété foncière, la procédure en vigueur passe dans un premier temps par la location. Les propriétaires doivent d’abord réaliser 50% du projet avant d’aspirer à posséder le titre, un pourcentage qui peut être revu à la baisse -parfois jusqu’à 30%- en fonction du montant de l’investissement.
Mais, il est désormais difficile de trouver du foncier à la baie de Dakhla, encombrée. Pour décongestionner cette dernière, le CRI annonce la future mise à disposition de terrains viabilisés au profit des promoteurs touristiques. «Une offre diversifiée», précise Mounir Houari, directeur général du CRI de Dakhla-Oued Eddahab. Pour ce qui est du foncier balnéaire, l’évolution de la demande a étendu les zones de future implantation à la zone de Lâargoub, située sur la route de Guergarate. Seulement, hors la baie de Dakhla, cette demande diminue justement, et les projets perdent un peu de leur attrait touristique. S’agissant de l’immobilier résidentiel, le terrain reste relativement vierge. «Nous avons identifié des parcelles. Notre but est de constituer un groupement d’intérêt économique (GIE) d’opérateurs immobiliers. Nous avons déjà identifié une parcelle de 100 hectares qui sera dédiée à l’immobilier résidentiel», explique-t-il. Cela dit, pour le touristique comme pour le résidentiel, les nouveaux promoteurs immobiliers font face à la non-immatriculation des biens. Pratique courante, la cession de biens non immatriculés réduit le foncier disponible de manière générale, surtout au niveau de la baie. D’un autre côté, elle fausse les statistiques.
Des forces et des faiblesses
Les mêmes projections sont valables pour le secteur de l’agriculture, car la région devra atteindre un objectif de 5.000 hectares en termes de superficie. Actuellement, on en est à 624. Néanmoins, l’aménagement au profit d’une éventuelle implantation de l’écosystème agroalimentaire n’est pas prévu. «Pour cause, il n’y a pas d’industrie agro, car l’amont ne le permet pas pour l’instant», poursuit Mounir Houari. Cela pourra peut-être changer dès la mise en place du projet de la station de dessalement et l’aménagement et l’atteinte de l’objectif des 5.000 hectares cité.
Même constat en ce qui concerne le secteur de la digitalisation. Les idées fusent, mais cela semble prématuré de parler d’une implantation physique, d’autant plus que la nature même de l’outil digital permet un travail à distance. Si on parle déjà d’un Datacenter sur place, projet adossé au futur parc éolien du groupe Soluna Technologies, ou même -de manière fantaisiste- de similitudes géographiques avec la Silicon Valley, Dakhla commence réellement à adopter des atouts attractifs en tant que terre d’accueil de futurs cadres, marocains ou expatriés. Mieux, les futurs projets qui entrent dans le spectre de stratégies nationales pourront profiter des avantages de ces dernières. Déjà, les productions se substituant aux importations bénéficient des avantages mis en place par le gouvernement. «Dans la même lignée, quand le budget d’un projet dépasse 100 millions de dirhams, et peut créer plus de 250 emplois, des conditions spéciales seront octroyées. Aussi, à la finalisation des projets de zones logistiques de Bir Gandouz et de Guergarate, l’Etat contribuera aux projets proposés», assure Mounir Houari.
Maintenant, la région s’attaque au problème de la cohabitation des différentes activités économiques. Concernant l’impact des eaux usées sur l’aquaculture, l’implication de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA) dans la validation de nouveaux projets de développement, au niveau de la commission régionale d’investissement, est souvent mentionnée. Si ce problème ne se pose pas au niveau de nouvelles zones aménagées comme Cintra, décalée de la baie, il persistera à l’intérieur de cette dernière qui attire le plus de promoteurs, touristiques notamment.