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La Méditerranée a été une ressource inexploitée

Economie avril 2021

La Méditerranée a été une ressource inexploitée

Mohamed Mbarki, DG de l’Agence de l’Oriental, est catégorique : l’enclavement de l’Oriental relève désormais du passé. Les grands projets mis en place l’attestent.

La fermeture de la frontière maroco-algérienne représente-elle un handicap au développement de l’Oriental?

Handicap? Clairement non! C’est d’ailleurs une question récurrente, qui réjouit toujours nos voisins algériens, quand on la pose! Ils partent du fantasme selon lequel la fermeture de la frontière créera une asphyxie de l’économie régionale génératrice de malaises sociaux déstabilisateurs pour notre pays…
Ce n’est pas un handicap car, depuis le temps, (la frontière est restée plus longtemps fermée qu’elle n’a été ouverte) nous nous sommes organisés pour nous développer sans recourir aux ressources de l’économie frontalière. Grâce à la vision de SM le Roi, la région de l’Oriental a mis en œuvre de nouvelles stratégies de développement pour une nouvelle économie moderne, et féconde. Nos entreprises ont appris à regarder le temps long et découvrent de nouveaux horizons … si bien que finalement, et à notre corps défendant, la fermeture de la frontière nous a plutôt rendu service.
Comment la région compte-t-elle exploiter son ouverture sur la Méditerranée?

Pendant très longtemps, la Méditerranée a été pour le royaume une ressource inexploitée, mais protégée. En lui tournant le dos, le Maroc en a préservé les potentialités. Objectivement, l’histoire retiendra que c’est SM Mohammed VI qui a donné à notre littoral méditerranéen une impulsion déterminante avec le lancement de grands projets novateurs et à rayonnement international: on connaît ceux de l’Ouest autour de Tanger, moins bien ceux de l’Est, autour de Nador. Ici, se réalise le complexe industrialo-portuaire de «Nador West Med» qui avance comme prévu. Se développent également de grands projets touristiques: la station balnéaire de Saïdia et l’aménagement de la lagune de Marchica autour de Nador. C’est un ensemble «d’écotourisme» touristique, résidentiel et écologique d’un type nouveau qui fait école en Afrique. Sur cette base et sur instruction de SM le Roi, c’est une filiale dédiée de «l’Agence de Marchica Med» qui aménage la lagune de Cocody, au cœur de la ville d’Abidjan, capitale économique de Côte d’Ivoire. Et ce n’est qu’un début!
Nous avons conscience que notre ouverture méditerranéenne est un appel fort pour une vision nouvelle du développement. Elle offre une forte attractivité à la région en termes logistique pour attirer les investissements. Tout le monde y travaille … Les zones industrielles et agro-industrielles de nouvelle génération de Nador, Berkane et Oujda qui accueillent de nombreuses entreprises ont créé des écosystèmes industriels également destinés à l’export. Une grande plateforme moderne pour le développement et la promotion des produits du terroir est en cours de construction orientée export aux plans national et international … Notre marché régional est en deçà de nos ambitions de croissance, de notre potentiel de développement. L’ouverture sur la Méditerranée est donc une ouverture sur le monde qui doit profiter à notre économie.
Quelles sont les initiatives prises par l’Agence de l’Oriental pour remédier aux disparités entre le nord et le sud de la région?

Vous avez raison de soulever cette question. Pour vous donner une idée, 7 préfectures et provinces accueillent plus de 60% de la population de la région. Les 40% restants vivent sur 50% du territoire. C’est dire l’ampleur du déficit! Pour autant, ces territoires ne sont pas des «territoires inutiles». Situés en zone frontalière, ils ont une très grande importance stratégique. Ils possèdent un potentiel économique important, une culture très riche, originale et inédite, et bien sûr un grand attrait touristique.
Un des rôles importants de l’Agence de l’Oriental est d’insuffler de l’ambition aux stratégies de développement, autant que la situation économique nationale peut le permettre. Tout le monde reconnaît l’importance de la culture pour le développement, mais, au final, très rares sont les politiques qui s’y basent. Le financement des programmes culturels ne constitue ni un caprice ni une dépense inutile. C’est un investissement productif.
Je peux vous dire qu’au moment où la plupart des opérateurs n’y croyaient pas, l’Agence a été à l’origine de la construction de l’aéroport de Bouarfa en prévoyant de prendre en charge 50% du coût de construction de l’Aérogare. Finalement, c’est un pays frère -les Emirats arabes Unis- qui, après avoir financé la piste d’atterrissage une décennie plus tôt, a décidé d’achever le programme, en prenant totalement en charge la construction de l’Aérogare.
Le désenclavement de tout le sud de la région est fondamental. Il doit être physique, mais aussi numérique et technologique. L’avenir le commande: il s’agit de l’élargissement de la route Oujda- Bouarfa (en cours au niveau du premier tronçon jusqu’à Jerada). Nous travaillons à la mise à niveau du «Train du désert» sur la liaison ferroviaire Oujda-Bouarfa pour en faire un projet touristique cofinancé par le ministère du Tourisme, l’ONCF, l’Agence et conduit par le Conseil régional. Il faut améliorer les réseaux télécoms, en particulier Internet, sans lesquels nul développement n’est aujourd’hui possible.
Le programme de développement régional prévoit une banque de projets pour le sud de la région, couvrant les secteurs de l’agriculture, l’élevage, l’artisanat, le tourisme, et bien sûr les secteurs du sport, de la culture et de l’évènementiel.
Une partie considérable du potentiel touristique de la région, surtout au sud, est inexploitée à cause du manque des infrastructures. Comment peut-on remédier à cela?

Le plus contraignant n’est pas le manque d’infrastructures. C’est le déficit d’esprit d’entreprise qui doit normalement accompagner le développement de ce secteur: nous avons encouragé la création de gîtes et de maisons d’hôtes qui offrent une capacité d’accueil non négligeable. Nous avons organisé de nombreuses visites d’ambassadeurs, favorisé les visites d’agences de voyages et d’organisation de séjours touristiques. Le Centre Régional du Tourisme a conçu des capsules vidéo pour montrer le potentiel culturel de Figuig que nous avons, soit dit en passant, contribué à inscrire sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco.
Nous avons travaillé à l’amorce d’une synergie entre le tourisme balnéaire qui se développe convenablement et le tourisme culturel et de découverte qui caractérise ces territoires. Pour cela, nous avons élaboré des plans de villes, des cartes de la Région que nous avons dans un premier temps distribués par milliers aux professions concernées: agences de voyages, hôtels, restaurants, kiosques d’information… un effort colossal qui doit se poursuivre aux côtés de priorités, disons, «plus immédiates» !