Abdou Diop
Au Sénégal, on l’appelle le Marocain. Au Maroc, c’est «Monsieur Afrique». Ce connaisseur d’un continent qu’il parcourt depuis deux décennies croit que l’Afrique n’est plus un projet pour demain, mais une réalité.
Quelle lecture faites-vous de l’évolution du marché du conseil-audit au Maroc ?
Le marché de l’audit, du conseil et de l’expertise se renouvelle en permanence pour répondre aux différentes contraintes. Au Maroc, ce marché a évolué, porté par les évolutions qui ont eu lieu en Europe. Notre environnement étant connecté à l’environnement international, les marchés financiers comme les régulateurs ont voulu hisser le Maroc aux standards internationaux. La demande en conseil a donc été très forte pour accompagner cette mise en conformité. C’est ce qui fait que beaucoup de grands cabinets en la matière sont venus s’installer au Maroc. A cela s’est rajoutée la dynamique de connexions avec le continent et qui a fait que ces cabinets-là ont aussi construit leur Hub africain à partir du Maroc. Cette forte évolution a vu le shift passer d’une demande usuelle de missions de commodité dans les domaines du conseil vers des sujets beaucoup plus fins et plus à jour comme l’accompagnement de la digitalisation, la transformation de la gestion des actifs ou encore la transition vers les IFRS.
Et avec la Covid-19, quel a été l’impact ?
La Covid-19 a fortement touché le conseil parce qu’effectivement beaucoup de projets qui étaient importants dans le cadre d’une transformation ne sont plus devenus la priorité du moment, compte tenu de la crise sanitaire qui a fortement impacté un certain nombre de chantiers. Ceci dit, il y a aussi des opportunités à développer pour les cabinets qui se sont positionnés sur les nouvelles offres en connexion avec la pandémie, notamment toutes les structurations des capitaux, la relance, les analyses sectorielles… 2020 a été une année intense face à la crise, mais aussi intense pour innover et apporter des réponses à nos clients et aux acteurs publics pour les accompagner dans la situation engendrée.
De quoi sera fait le métier de conseil post-Covid?
De grandes tendances nous attendent qui, bien anticipées, nous permettront de continuer notre développement. Le premier impact qu’on avait anticipé, parce qu’on est dans une logique de «Work-Life Balance», c’est le télétravail. La pratique était installée depuis quelque temps au sein de nos équipes. Mais la crise a quand même été un boosteur de cette dynamique de télétravail pour mieux nous organiser afin de travailler à distance dans le contexte de pandémie et de confinement. L’autre élément tout aussi important, c’est comment réinventer nos offres pour les adapter au contexte de crise. Une crise il faut le rappeler sans précédent et donc il a fallu être imaginatif pour sortir des offres et répondre aux demandes d’urgence des clients. Avec comme première urgence, les plans de continuité d’activité, notamment pour des acteurs en confinement qui n’avaient plus la capacité d’accéder à leurs bureaux. 2e demande, comment accompagner nos clients à gérer en prenant les bonnes décisions pour préserver les acquis, pour la relance mais aussi pour réinventer et exploiter le business model, vu que certains secteurs ont pu tirer profit de la crise en réorientant leurs activités pour soutenir et subvenir aux besoins résultant de la crise. Il fallait aussi être inventif pour les secteurs de l’exportation. Les voyages étant à l’arrêt, toutes les entreprises qui étaient dans une dynamique de recherche de marchés d’export ont dû revoir leurs méthodes pour continuer à prospecter «autrement» les marchés étrangers et ce via des voyages commerciaux virtuels et des salons virtuels. C’était des initiatives en background que la crise nous a permis de mettre à l’usage. Ceci dit, on est quand même sur un continent où le contact humain est essentiel, donc on va être dans une forme hybride où il y aura les deux: le virtuel sans pour autant se couper du contact physique.
A quelles évolutions du jeu concurrentiel les entreprises doivent-elles s’attendre ?
Aujourd’hui, il est clair qu’il faut se réinventer pour pouvoir faire face au post-Covid et ce en s’appuyant sur 3 principes clés de l’innovation. D’abord une orientation client accélérée en innovant dans l’offre produit et sur le mode de distribution. Les différentes populations ont pris goût au digital et il faudra répondre à cette nouvelle forme de consommation. Il faut aussi innover sur ses propres business models. Face à la crise, certaines entreprises n’ont pas attendu la fin du confinement pour relancer le modèle existant, mais ont renouvelé leurs réflexions pour apporter des réponses originales, souvent frugales, comme certains textiliens qui se sont convertis pour faire des masques sanitaires car c’était un besoin extrêmement important. Et puis surtout, il faut chercher de nouveaux débouchés. La crise a effectivement montré l’existence de beaucoup de nouvelles opportunités fournies par de nouveaux marchés qui se créent. Certaines entreprises marocaines ont eu des demandes de pays africains sur des produits qui leur étaient fournis par les marchés européens et asiatiques, fermés depuis le début de la pandémie. Cette recherche active doit aussi savoir tirer profit des différentes opportunités sectorielles qui s’ouvrent aujourd’hui. Car la crise a fait prendre conscience à beaucoup de pays de la nécessité d’avoir sa souveraineté industrielle, d’avoir une substitution aux exportations. Le Maroc fait partie des premiers pays qui ont analysé comment substituer les importations par la production locale. Ce sont là des opportunités à capter qui doivent faire réfléchir beaucoup d’entreprises. Et là, on parle de 34 milliards de dirhams dans un premier temps, et autant de niches vers de nouveaux produits. Il faut que les acteurs économiques puissent sécuriser le moment pour traverser la crise, mais chemin faisant, il faut préparer l’après-crise et donc l’avenir.
En tant que cabinet orienté Afrique, pouvez-vous démystifier la Zlecaf ?
Je pense que la Zone de libre-échange continentale fait quelque part partie des projets fondateurs de l’Union Africaine. Cette union africaine politique et économique, ces États-Unis d’Afrique, que les fondateurs post-indépendance voulaient, englobait ce rêve. Très progressivement, il y a eu beaucoup de choses qui se sont construites. Les Etats se sont consolidés, et surtout il y a eu la création des communautés économiques régionales, avec 3 réussites que sont la SADC pour l’Afrique Australe, la CAE, la Communauté économique de l’Afrique de l’Est, et la CEDEAO pour l’Afrique de l’Ouest. Ces CER ont quand même montré, dans des dimensions plus réduites, que l’intégration régionale était utile et porteuse.
Dans quel sens ?
Avec la création de ces communautés, il y a eu une augmentation du commerce intra-africain dans ces régions avec des niveaux pour la SADC de plus de 70%, pour la CAE de pratiquement de plus de 25%, et au niveau de la CEDEAO de plus de 22%. Mais si on enlève le Nigeria, on est à plus de 35%. C’est donc une première étape qui est extrêmement intéressante, à parfaire bien sûr, parce qu’il y a plusieurs défis et le continent est fait de défis. Cela a permis de pousser la réflexion. Bien sûr, construire la plus grande zone de libre-échange en termes de nombre de pays, après l’OMC, prend du temps. Grâce au Président rwandais Paul Kagamé, il y a eu un coup d’accélérateur, et le champion Mahamadou Issoufou qui a appuyé la mise en œuvre de ce bloc de libre-échange qui devra supprimer les droits de douane sur 90% des produits dans un délai de cinq à dix ans.
La Zlecaf charrie aussi des défis…
Oui, il y a beaucoup de défis. Au moins ce top départ a le mérite de démontrer la volonté politique d’avancer. Maintenant, il y a un facteur qui a eu un impact très important qu’il ne faut pas négliger, c’est que la crise Covid a fait prendre conscience aux différents pays africains de beaucoup de choses, notamment de l’importance du commerce intra-africain. Effectivement, quand toutes les frontières européennes, asiatiques et autres marchés étrangers se sont refermés sur eux-mêmes, le salut est venu des voisins. C’est chez eux qu’on est parti chercher les médicaments et la nourriture. Il y a eu une accélération d’une prise de conscience de l’importance du commerce intra-africain. Avec cela, il y a eu pour l’Afrique la prise de conscience d’avoir la souveraineté industrielle et la sécurité alimentaire. Avec la volonté politique, la prise de conscience de développer le commerce intra-africain et le besoin d’industrialisation pour développer des produits «Made in Africa», contextuellement, je pense qu’il y a tous les ingrédients pour que ça marche. Avant d’aborder les défis, voyons ce que cela va rapporter. Il a été décidé que 90% des marchandises soient démantelées. Il s’agit d’offres pays. Ce sont les pays qui vont décider ce qu’ils vont mettre dans ce fameux panier de 90%. Dans ce sens, il y a de vraies négociations et concertations bilatérales et multilatérales pour éviter toutes velléités trop protectionnistes qui font que dans les 10% qui restent, et en particulier dans les 3% qui vont être protégés, que chaque pays mette les produits qui devront faire l’objet de commerce intra-africain.
La suppression de ces tarifs douaniers ne risque-t-elle pas de priver de petits pays de précieuses recettes dont ils dépendent ?
C’est un calcul qui n’est pas long-termiste. Aujourd’hui, imaginez un pays africain de 700.000 habitants, aux frontières fermées, sans possibilités de développer une industrie pour ces 700.000 habitants. Ce pays est voué à dépendre d’un pays voisin plus grand, à la limite il pourra exporter des ressources s’il en a, à peut-être engranger des recettes, mais à ne pas créer d’emplois, à ne pas créer de valeur ajoutée et donc forcément, à ne pas créer de richesse. La Zlecaf lui enlève une partie de sa recette douanière, on est d’accord. Mais d’un autre côté, elle donne l’opportunité à ce pays pour peu qu’il mette en place un bon environnement «Doing Business», qu’il mette en place un dispositif de collectivité avec d’autres marchés africains, et d’être intéressant pour une industrialisation. Il pourra appeler un grand industriel mondial à venir s’implanter chez lui en lui proposant un marché non de 700.000 habitants mais l’accès à l’ensemble du marché africain de 1,2 milliard de personnes, ce qu’il ne pourrait s’il n’est pas adossé à un marché consolidé. Donc oui forcément, et on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs, cela va faire perdre des recettes douanières, mais cela va aussi faire apporter beaucoup d’autres avantages. Et c’est valable aussi pour les grands pays.
Faut-il donc procéder par zones spécialisées avec de meilleurs avantages comparés ?
Oui absolument. Pourquoi les investisseurs décideraient-ils de s’installer à Berrechid et pas à Casablanca? Pour un environnement plus favorable. Je parle de villes mais c’est valable pour un pays. L’investisseur ou le chef d’entreprise raisonne le plus simplement du monde: il choisit les endroits où il a le plus d’avantages, là où l’Etat promet un environnement porteur, une infrastructure, une connectivité. Aujourd’hui, dans un continent de 54 pays, nous ne pouvons pas avoir 54 hubs de tout. Il faudra qu’à un moment il y ait des stratégies communes où ces pays vont tirer profit des avantages compétitifs qu’ils ont pour se positionner d’une part, et d’autre part il faudra créer des complémentarités des chaînes de valeur. C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait cette concertation pour qu’effectivement le Maroc, qui a pris de l’avance dans l’industrie automobile, soit la plateforme mondiale de l’automobile en Afrique, mais comme il n’a pas toutes les ressources, d’autres pays du continent seront complémentaires avec sa plateforme. Le Nigeria qui a développé une industrie de la pièce de rechange, la Côte d’Ivoire ou le Ghana qui pourront développer à partir de l’hévéa des projets pneumatiques… pourront ainsi exporter leurs produits au Maroc sans droits de douane qui n’aura plus besoin d’aller chercher ses pneus jusqu’en Chine. Notamment que cette voiture qui doit être exportée en Europe devra être décarbonée, sera fabriquée avec des industries de proximité et de l’énergie renouvelable et donc compétitive en bas carbone. Le même raisonnement pourra être appliqué au Ghana et à la Guinée qui à partir de la bauxite pourront produire de l’alumine pour la carrosserie automobile.
Belle configuration, mais la sous-industrialisation africaine justement obère ce potentiel. La fenêtre de tir de 5 ans reste un défi de taille…
Il faut bien que cela démarre à un moment. Et pourquoi pas dans les 5 ans. La Côte d’Ivoire ne produisait pas de chocolat, maintenant si. Vous me direz que c’est une revalorisation d’un produit primaire. Oui, l’industrie commence bien par la revalorisation des produits primaires. Maintenant si les pays producteurs de l’hévéa raisonnent en retour sur investissement, la transformation du caoutchouc pour l’usage industriel, principalement dans l’activité pneumatique, permettra de fournir le marché d’un million de voitures fabriquées au Maroc avec 5 millions de pneus. Je veux dire que si l’Afrique cherche cette complémentarité et qu’elle sache s’arrimer aux chaînes de valeur mondiales, bien sûr que c’est faisable.
Quid des règles d’origine ?
Les discussions vont bon train et il a été décidé de procéder par lignes tarifaires. Près de 70% de celles-ci ont été arrêtées, il y a eu accord sur beaucoup de règles d’origine, et les négociations continuent.
Avec quel taux d’intégration ?
Chaque produit, chaque ligne tarifaire aura son taux d’intégration. C’est une très bonne idée de ne pas fixer un taux d’intégration standard. De plus on a mis le cumul des taux d’intégration sur le «Made in Africa».
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que nous aurons 10% du Sénégal rajoutés aux 15% de Guinée transformés au Maroc qui vont pouvoir donner du 35% «Made in Africa».
Aujourd’hui, il y a beaucoup de pays qui ont transformé leurs économies, comparé à il y a 20 ans. Cette transformation structurelle est toujours en cours. Le continent n’est plus totalement dans une économie totalement dépendante des produits de l’exportation de matière, mis à part quelques pays. Aujourd’hui, que ce soit au Sénégal, au Nigeria, en Egypte, en Afrique du Sud ou au Maroc… des pays moteurs ont développé des industries. Maintenant que ceux-ci continuent de développer ces industries et qu’avec leurs voisins ils développent des chaînes de valeur. Mais le chemin a été engagé, maintenant il faut continuer. Les choses sont en marche, il faut juste les accélérer. Et la Zlecaf est un élément d’accélération, à la fois des industrialisations et de la création d’écosystèmes complémentaires de chaîne de valeur entre les différents pays et les différentes régions du continent.
Quid de la logistique et connectivité maritime et aérienne ?
De toute façon, c’est la question de la poule et de l’œuf. La logistique, elle, suit les flux. Si justement la levée des barrières douanières renforce les flux commerciaux, forcément la logistique va suivre et baisser. Elle a baissé de 30% ces 15 dernières années entre le Maroc et le reste de l’Afrique. Conséquence de produits et d’échanges vers le continent. Si cela continue, il y aura plus d’intérêt à investir dans les plateformes logistiques, et encore plus d’intérêt à mettre des lignes maritimes et aériennes. Donc, le renforcement du commerce intra-africain va renforcer la logistique, et comme en parallèle on est en train d’investir sur le retard infrastructurel, notamment les routes et les corridors, entre le renforcement des infrastructures et le développement du commerce, forcément la compétitivité logistique va s’améliorer. Maintenant c’est sûr que l’on ne fera pas les mêmes volumes que la Chine, mais au moins avec la proximité des matières, et si on transforme les choses là où elles se produisent, et s’il n’y a plus de droits de douane sur la mangue et un certain nombre de produits, je vais les importer de l’Afrique de l’Ouest et mon camion qui part à plein et qui revient à vide va désormais revenir à plein. Donc forcément ça va déduire mon coût logistique et ainsi de suite. Et après le volume va être important, au lieu de mettre 400 camions on va mettre des bateaux, et ainsi de suite. Oui aujourd’hui la logistique est un défi mais tous les continents sont passés par là. Il faut continuer à se battre et à y croire.
Peut-on parler de marché consolidé sans monnaie unifiée ?
Si on met en place un dispositif qui est prévu dans le cadre de la Zlecaf, de libre circulation des capitaux, cela devrait réduire la question de la monnaie. La monnaie facilite certes les transactions, mais aujourd’hui la Chine n’a pas la même monnaie que le reste du monde et arrive à commercer avec tout le monde. On aura des pays qui vont s’organiser pour avoir la même monnaie, notamment les pays de la CEDEAO, d’autres vont progressivement avoir un panier qui leur permet d’échanger sans problèmes.
Le Maroc a déjà une politique de développement sur le continent, sans pour autant profiter aux échanges commerciaux. Pourquoi ces échanges restent-ils au niveau faible de 2,5% ?
Pour plusieurs raisons. La première c’est que le Maroc a tardé à vraiment regarder vers le continent. Ce n’est que durant les deux dernières décennies que des échanges économiques bilatéraux du Maroc avec ses partenaires africains se sont intensifiés. Autre raison, c’est qu’effectivement, au-delà des barrières logistiques, il y a des barrières tarifaires qui sont importantes. Ces deux obstacles prohibitifs font que le Maroc importe énormément de matières premières d’autres continents, alors qu’il aurait pu les importer de l’Afrique.
Que gagne concrètement le Maroc avec la Zlecaf ?
Les entreprises marocaines sont déjà présentes dans 46 pays du continent, mais en l’absence de libre circulation des capitaux, leurs échanges ne sont pas facilités. Ces entreprises sont également défavorisées par les droits douaniers appliqués par différents pays.
Quid des accords préférentiels signés avec les pays du continent?
De quels accords préférentiels parlez-vous? Si vous faites allusion aux conventions commerciales de type préférentiel conclues bilatéralement avec des pays subsahariens, comme l’accord de 64 avec le Sénégal, ces accords sont devenus caducs dès lors que les communautés économiques régionales ont été constituées. Le Maroc ne peut pas avoir un accord avec un pays qui fait partie d’une CER, sinon il n’y aura pas eu de volonté du royaume d’aller demander l’intégration à la CEDEAO. Donc aujourd’hui, il n’y a pas d’accords préférentiels profitables aux entreprises marocaines vu qu’elles subissent des droits de douane.
Pour revenir à l’apport de la Zlecaf, cette zone constitue aujourd’hui un marché consolidé important pour les entreprises marocaines. Les grands concurrents du Maroc sont des pays hors continent. Si aujourd’hui le Maroc est partie prenante de cette plateforme continentale, cela lui ouvre un marché africain de 1,2 milliard de personnes, 2,5 milliards à l’horizon 2050. C’est un marché énorme où 90% des produits marocains pourront circuler sans droits de douane. Le Maroc aura ainsi un avantage compétitif sur ses concurrents, et à un moment où tous les pays du monde sont en train de lorgner l’Afrique. On considère que dès 2024, la Zlecaf va doubler a minima les échanges commerciaux du Maroc avec l’Afrique.
Des opportunités pour l’aérien ou le tourisme?
Le salut du tourisme au Maroc passe par l’Afrique, et la RAM à elle seule ne peut rien faire, il faut qu’il y ait au Maroc une stratégie africaine qui soit une claire dans le plan de développement du Maroc. Et le nouveau modèle de développement doit avoir la composante stratégie Afrique. Ça veut dire que quand on parle de tourisme, d’infrastructures, d’agriculture, chacun des plans doit avoir sa composante Afrique, et bien sûr tout cela dépend d’une stratégie Afrique déclinée à un horizon avec des objectifs et qui font l’objet d’Assises chaque année pour voir où on en est et ce qu’on ajuste. C’est ce qui va nous permettre d’avoir une cohérence sur tous les plans. Effectivement on doit avoir une vraie vision africaine du tourisme. Aujourd’hui pour la France, on n’a plus besoin de faire tellement de promotion, par contre amener un million de Nigérians qui sont peut-être aujourd’hui 500 à venir au Maroc, est beaucoup plus simple qu’aller chercher un million de Chinois. Et ce million de Nigérians, ils vont dépenser plus que les Espagnols. Mais il faudra que j’aille en faire la promotion. Si on a ce développement du tourisme, forcément le premier bénéficiaire sera RAM, parce que ça va créer un flux énorme et elle aura plus de fréquences…. Oui l’Afrique est une des solutions pour la RAM mais pas que pour elle. Ça doit être une vision dans une stratégie globale. On a eu l’année dernière de surproductions au niveau agricole, les agrumes, pendant ce temps beaucoup de marchés africains n’arrivaient pas à trouver la clémentine. Mais comme dans le Plan Maroc Vert on n’a jamais dit qu’il y avait une composante africaine, il a fallu que Maroc Foodex (ex-EACCE) décide de mettre une plateforme à Abidjan, mais ce n’est pas suffisant. Le marché n’est pas que à «Fruit Logistica», il faut aller voir ces 180 millions de Nigérians, ces 100 millions d’Ethiopiens, ces 80 millions de Sud-Africains pour leur vendre aussi notre production. Parce que c’est un marché porteur et qu’ils ont un pouvoir d’achat qui leur permet d’acheter. Aujourd’hui, on a besoin de construire une vraie stratégie africaine. Pas uniquement politique, en tout cas pour les entreprises en suivant les tournées royales, une vraie stratégie structurée et réfléchie arrimée à tous les axes de développement du pays et qui fait l’objet d’Assises pour dire ce qu’on a bien ou mal fait.
Avec le balisage royal, le Maroc est parti chercher de gros projets. Quelle suite à ces projets?
Tous les projets ont une réalité. Concernant la route transsaharienne, c’est grâce à ce projet que l’on a 400 camions qui traversent aujourd’hui Gargarate, qui vont jusqu’au Sénégal, Mali ou au Niger. Avant cette initiative, il y avait juste une petite piste côtière où il fallait attendre la marée basse pour pouvoir traverser en convois. Il n’y aurait pas eu ces commerces et ces flux de touristes qui viennent de Saint Louis, Dakar à Fès… donc cette route-là c’est l’épine dorsale de tout le commerce. La PME d’Inzegane qui envoie ses légumes, fruits ou sa menthe ne l’aurait pas fait s’il n’y avait pas cette dorsale Nouadhibou-Nouakchott. Encore une fois, la route Tiznit-Dakhla viendra accélérer les choses. Elle fera encore gagner du temps et de l’argent avec réduction des coûts… les plateformes d’importation et d’exportation à Abidjan permettent d’envoyer en groupe par un certain nombre d’acteurs différents, des exportations des fruits et légumes, de les stoker pour les vendre tranquillement, et en même temps de pouvoir réembarquer et les faire venir au Maroc pour alimenter nos industries. La plateforme viendra renforcer le potentiel d’échanges existants via les camions.
Quid du gazoduc Maroc-Nigeria, est-il viable ?
Le projet de gazoduc, reliant le Nigeria au Maroc en traversant 14 pays, pourrait devenir une référence de la relation Sud-Sud. On parlait tout à l’heure de chaînes de valeur, ce projet fait partie de la construction des chaînes de valeur complémentaires africaines. Maintenant, s’il est viable, les experts nous le diront. Je pense pour ma part que ce n’est pas un projet simple, parce que le continent n’a pas cette culture de travailler toujours ensemble, mais il a le mérite d’enclencher quelque chose. Après s’il donne des fruits oui, sinon cela va permettre juste de connecter le Nigeria au gazoduc qui fait Ghana-Togo et Bénin et c’est déjà très bien.
Ne trouvez-vous pas que le Maroc n’est pas assez présent dans les commissions de l’UA ?
Vraiment non. Cela était valable avant 2017, quand le Maroc avait quitté l’Union Africaine. On vient de revenir, et comme on dit, il faut laisser le temps au temps. Le Maroc est en train de réaliser de très belles avancées. Il a pris en charge un certain nombre de sujets. En pleine crise sanitaire, grâce à SM le Roi, le Maroc a montré un leadership très intéressant et une solidarité utile qui marque les esprits. Justement, il ne faut pas revenir avec ce qu’on nous reproche quelquefois. On ne vient pas pour prendre les têtes de commissions, on vient pour apporter notre pierre à l’édifice, et progressivement et le moment venu, on va jouer notre rôle dans les différentes instances.