Sur les talons de la parité
Au rythme actuel, la parité dans les domaines de la politique, de l’économie, de la santé et de l’éducation ne sera pas atteinte avant une centaine d’années. C’est ce que révèle l’étude du «Global Gender Gap Reports» menée par le Forum Economique Mondial sur 153 pays. Sur le volet économique les inégalités ont même augmenté en 2019 et la crise sanitaire a malheureusement creusé cet écart.
Et pourtant, depuis le début des années 2000, nous entendons de plus en plus souvent parler de la Responsabilité Sociale des Entreprises que la Commission européenne définit comme «la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société».
La RSE dans sa dimension sociétale et sociale devrait donc être un formidable levier pour soutenir concrètement l’égalité homme-femme dans le monde de l’entreprise. Mais la réalité du terrain est bien plus mitigée même si des entreprises se démarquent en la matière et donnent l’exemple à l’instar du Groupe OCP qui a réalisé un avancement remarquable en termes de diversité de genre. «Actuellement, 40% des nouvelles recrues ayant rejoint le Groupe sont des femmes, 18% des postes des dirigeants sont occupés par des femmes et 26% de nos effectifs industriels sont féminins», déclare Rim Bennani, membre du cabinet du président-directeur général du Groupe OCP. Un autre exemple, la société Lydec qui a reçu pour la sixième fois depuis 2012 le trophée «Top Performer RSE» décerné par l’agence de notation extra-financière Vigeo Eiris et qui maintient également sa présence dans l’indice Environnement, social et gouvernance «Casablanca ESG10».
La RSE reste néanmoins une démarche volontariste et délibérée qui ne pourra prendre un réel essor que si elle est accompagnée par une réglementation incitative et coercitive. Par exemple, si la France arrive aujourd’hui en tête des pays européens en matière de lutte contre les inégalités entre les sexes c’est parce qu’elle a imposé un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration… D’autre part, il ne faut pas oublier qu’un des plus gros problèmes est le manque de transparence des sociétés en matière de mesure des inégalités entre les sexes et l’absence pour la majorité de stratégies pour réduire les écarts de salaires.
Il reste donc beaucoup à faire en la matière et à mon sens l’égalité entre les deux sexes n’est pas qu’une question de morale ou d’équité pour rééquilibrer la balance de Thémis, c’est surtout une question financière de premier ordre et ce pour plusieurs raisons:
La première est que ces données sont de plus en plus utilisées par la finance responsable pour être incluses dans des stratégies d’investissement. En effet, la mixité dans les fonctions de direction des entreprises devient un thème d’investissement pour les sociétés de gestion avec des fonds thématiques sur la parité dans les entreprises qui commencent à voir le jour. Et d’ailleurs, la question de la rentabilité de ces fonds thématiques ne se pose plus, il y a aujourd’hui beaucoup de littérature démontrant le lien entre la performance financière et la mixité. Comme pour le «Green» c’est l’intérêt du monde de la finance pour la mixité qui devrait faire bouger les entreprises et participer à leur transformation pour plus de parité. La mixité sera certainement le prochain combat de la finance responsable.
La deuxième raison est une question de performance pour les entreprises: le talent est distribué de manière égale entre les femmes et les hommes, mais pas les opportunités. Donc si une entreprise recherche les meilleurs employés à recruter dans seulement la moitié de sa population alors qu’une autre société les cherche dans 100% de la population, alors la deuxième aura la meilleure équipe!
Et enfin, la femme active marocaine est un acteur incontournable de la croissance économique du Maroc et sa plus large intégration dans des postes de responsabilités accroîtrait le PIB du pays de 2% selon une étude de Deloitte. Les qualités féminines telles que le management collaboratif, l’empathie, la transparence ou la vision de long terme sont aujourd’hui des atouts décisifs pour les entreprises afin de mettre en place ce management transformationnel tant nécessaire pour affronter les grands défis environnementaux économiques et sociétaux de notre époque.
Améliorer les processus de recrutement pour promouvoir la mixité dans les entreprises ne sera pas suffisant si les femmes ne sont pas accompagnées en termes de coaching sur le «Leadership féminin» pour les aider à prendre conscience de leurs talents et dépasser leurs croyances limitantes afin de «briser ce plafond de verre» parfois illusoire. Les femmes ne sont pas des victimes, elles sont les actrices du changement et les moteurs du progrès mais elles ont besoin que nous leur donnions juste une chance de le prouver…
Hanane Carmoun
CEO Brain Me Up Consulting,
Cabinet de conseil et formation en Management &Performance
Fondatrice du Cercle pheWomenal – Coaching en Leadership Féminin