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Le Maroc ne perdra pas l’investment grade

Point de vue juillet 2020

Le Maroc ne perdra pas l’investment grade

Suite à la décision récente de Fitch d’abaisser le rating du Maroc de BBB stable à BBB perspective négative, certains ont commencé à spéculer sur la capacité du Maroc à traverser cette crise sans pour autant perdre ce statut d’investment grade qui lui permet d’accéder facilement aux financements en devises avec des taux d’intérêt très bas. Encore une fois, je vais être contre ces experts et je dirais que le Maroc maintiendra son investment grade et même à moyen terme pourra prétendre à un meilleur rating. Il faut savoir que la situation économique et budgétaire du Maroc est similaire à tous les pays du monde. Je ne pense pas que les agences de notation s’amuseront à dégrader la totalité des ratings des pays du monde sachant que c’est une situation exceptionnelle et que les bons signes de la relance économique en Europe, notamment la France, pousse à l’optimisme. Sur un plan financier, la cotation de la prime de risque Maroc sur le marché secondaire de la Bourse de Luxembourg montre que les investisseurs font toujours confiance au Maroc. A titre d’exemple, le Morocco Eurobonds (Code ISIN XS1079233810)échéance 19/06/2024 offrant un taux de 3,5% a vu son prix baisser de 8% entre le 05/03/2020 et le 30/03/2020. La prime de risque liée à ce prix a explosé de plus de 20%, conséquence de la forte volatilité des marchés de taux et de l’incertitude qui planait sur la capacité du pays à gérer la crise sanitaire et le confinement.
La gestion du confinement et surtout la mobilisation des ressources du fonds Covid sous l’égide du souverain, initiative réussie avec le soutien du secteur privé et la réponse budgétaire et monétaire ont changé le point de vue des investisseurs. En effet, le prix de cette obligation a progressé de 5,6% entre le 30/03 et le 23/07 alors que les taux d’intérêt de référence Euro sur cette période n’ont baissé en valeur absolue que de 0,133%. Etant donné que cette obligation a une estimation de sensibilité (indicateur de mesure du risk de taux) de 3,34%, son prix ne devra augmenter que de 3,8% dans des conditions normales de marché. Le fait qu’elle ait augmenté beaucoup plus que son potentiel vient du fait que la prime de risque Maroc s’est bien améliorée par rapport au 30/03 avec une estimation de 10% d’amélioration. Cependant, on constate que depuis le 09/06 sa progression a été plus lente et moins prononcée. Ceci s’explique par le doute sur la capacité du gouvernement à gérer le déconfinement et les débats ayant accompagné la mise à jour de la Loi de Finances. Un débat marqué par un populisme inutile. On peut citer à ce titre la taxation des dons du fonds Covid19 alors que les dons sont déductibles fiscalement dans tous les pays du monde, la fuite dans la presse des conclusions du Conseil de la concurrence, les subventions à des entreprises publiques confrontées à des problématiques de gouvernance (RAM et ONEE), aides difficilement accessibles aux entreprises privées de même catégorie et surtout l’appel à grande échelle d’un retour au protectionnisme qui fera manquer aux pays des opportunités avec l’Europe. Les investisseurs raisonnent aujourd’hui en normes ESG. Les moteurs de recherche intègrent les informations dans des bases de données et peuvent servir dans le pricing de prime de risque. Heureusement que le point d’étape sur le nouveau modèle de développement a pu éclairer et surtout rassurer les investisseurs. D’où ma conclusion, difficile de perdre l’investissement grade, l’avenir post-Covid sera meilleur.
Abdelaziz Enasri, PhD. Expert Institutionnel et Financier et Professeur Associé EM et IAE Normandie.