Etat social ne rime pas avec Etat dépensier
Ce mois de juillet le Maroc prépare sa sortie du confinement et malgré une augmentation notoire des cas de contamination, nous n’avons d’autre choix que d’apprendre à vivre avec la Covid. Comme je l’avais dit sur ces mêmes colonnes en avril dernier, tuer l’économie pour tuer le virus n’est pas nécessairement la meilleure approche.
Même si rien n’est encore joué, je retiendrais un enseignement majeur de cette période: la mobilisation exceptionnelle de l’Etat, qui a permis d’assurer la continuité de la vie des 36 millions de Marocains, malgré un arrêt sec de l’activité du pays. Il faut le reconnaître, ceci a été possible grâce à l’esprit de solidarité des Marocains, et à la réactivité de l’Etat qui a garanti le minimum vital à sa population, que ce soit les Ministères de l’économie, de la santé, de l’industrie ou de l’intérieur.
Tout cela commence à être «un peu» derrière nous, mais l’on a pris conscience que l’Etat doit continuer à soutenir le pouvoir d’achat à travers des dispositifs d’aides, quitte à les intégrer comme des variables dans les Lois de Finances.
De là, je reviens sur la nécessité de repenser la place de l’Etat dans le nouveau Maroc. Certains économistes sérieux appellent à un Etat keynésien ou un Etat-providence, d’autres préfèrent le terme Etat social.
Mais qu’importe l’appellation retenue, l’essentiel est qu’il faut sortir de ce concept de mondialisation violente, et que certains ministres arrêtent de terroriser les investisseurs en leur disant «marchez ou crevez!». Le Maroc ce n’est pas cela, ni dans son histoire ni dans ses gènes sociétaux. La mondialisation heureuse qu’on nous a vendue ces 30 dernières années n’a bénéficié qu’aux aristocrates qui ont profité d’un système où les dérogations, la rente et la complicité du politique dans l’économie, étaient de véritables autoroutes vers l’enrichissement.
Il nous fallait alors la Covid pour revenir à la raison. Aujourd’hui les regards de toute la population sont braqués sur l’Etat, ce que Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS, a qualifié de «maman vers qui tout le monde revient» (voir interview du mois).
Toute réflexion sur ce choix de développement doit commencer par un reprofilage des priorités de l’Etat, sans lequel ce nouveau projet de développement sera voué à l’échec.
Il faut tout d’abord continuer à renforcer les valeurs symboliques de l’Etat. Un Etat fort, un Etat de droit qui respecte et protège ses citoyens, c’est la base de tout.
L’autre priorité est de renforcer les filets sociaux et services publics, essentiellement la santé, l’enseignement et les infrastructures de base.
Enfin il faut un Etat qui démontre qu’il a réussi à se réformer et qui sait bien gérer l’argent du contribuable. Il n’est pas question de demander à l’Etat d’augmenter ses investissements, pour que tous ces budgets soient absorbés par cette énorme pieuvre bureaucratique. Etat social ne rime pas avec Etat dépensier, ce sont deux notions antinomiques.
Je me désole de voir des partis politiques de tout bord et toute idéologie se bousculer au portillon du Palais pour occuper des postes, sans qu’aucun ne puisse prendre en main le dossier de rationalisation du train de vie exorbitant de l’Etat. Et pourtant c’est une évidence! Je me demande s’ils ne le font pas précisément pour continuer à tirer profit des largesses de l’Etat. C’est là un jeu sournois qui, certes, arrange le statu quo politique du pays dans la forme, mais qui ne règle pas les problèmes de fond du pays.
La création du fonds Covid-19 et l’appel à la solidarité nationale pour le financer sont la preuve que l’Etat a des moyens très limités. S’il doit investir 1 dirham dans de nouveaux choix de développement, il doit être sûr que ce dirham sera investi judicieusement.