Hassan Boubrik, Président de l’ACAPS
Dans un secteur en pleine effervescence, marqué par la hausse de la sinistralité et un chamboulement réglementaire basé sur les risques, EE a rencontré le président de l’ACAPS afin de revenir sur les principaux sujets dans un entretien «100% assurance».
L’ACAPS vient de publier les chiffres d’affaires des entreprises d’assurance et de réassurance au premier semestre 2019. Quelle lecture objective faites-vous du secteur aujourd’hui?
Je pense que le marché assurantiel se comporte plutôt bien. Globalement, la croissance est soutenue, avec un taux annuel moyen avoisinant les 10% sur les cinq dernières années, la progression est plus importante sur la branche vie qui affiche une moyenne annuelle de 18% tandis que la non-vie affiche une croissance de 5,1%. En prenant en compte une période plus longue, nous arrivons à un taux global de 7,8% sur les 10 dernières années répartis à 11,7% pour l’activité vie et 5,5% pour la non-vie. Nous avons également des retours sur fonds propres qui se situent à un bon niveau entre 9 et 11% si l’on prend en considération la conjoncture, notamment sur le marché financier. Maintenant, pour être tout à fait objectif, il faut reconnaître que le marché souffre tout de même d’un certain nombre d’insuffisances que l’on peut qualifier de structurelles. Premièrement, le marché reste très dépendant de la branche «Automobile» qui représente une part très importante dans les résultats techniques des compagnies d’assurance alors que d’autres branches sont structurellement déficitaires. Je pense notamment aux «Accidents du travail» (AT) et «Maladies». Or, dans le cadre du développement du marché, il est important que toutes les branches se développent de manière harmonieuse et dans la profitabilité.
Le potentiel de la non-vie est-il efficacement exploité?
Malgré une croissance qui varie entre 4,5% et 5,5%, le potentiel de la non-vie n’est pas pleinement exploité. En réalité, une bonne partie des réalisations de cette branche provient des assurances obligatoires, notamment l’automobile et l’AT. Maintenant, si l’on regarde les autres types d’assurances, les Marocains sont très peu couverts en assurance non-obligatoire. Les compagnies doivent faire beaucoup plus d’efforts sur le plan commercial et d’approche des consommateurs. La mise en place d’autres couvertures obligatoires serait de nature à répandre davantage la culture d’assurance auprès des citoyens.
Vous pensez à des produits en particulier?
Je pense aux assurances «Catastrophes naturelles» (CAT-NAT) par exemple ou à la «Tout risque chantier» (TRC) qui est en cours de mise en place.
Elle verra bientôt le jour?
Les textes d’application de la TRC sont pratiquement prêts et ont été transmis au Ministère de l’Économie et des Finances. Il ne reste plus qu’un point très technique qui concerne l’élaboration d’un rapport exigé par les réassureurs internationaux et qui devra être remis par les promoteurs de projets. Ce document peut induire une lourdeur dans les procédures d’obtention des autorisations de construire et du permis d’habiter. Un travail est en train d’être fait avec le ministère des Finances et celui de l’Habitat afin de dépasser cette problématique. Mettre en place une TRC/RC décennale c’est bien, mais nous ne souhaitons pas non plus mettre des procédures qui décourageraient l’investissement ou qui alourdiraient de manière significative le processus d’obtention des autorisations des permis d’habiter.
Le taux de sinistralité de la branche automobile est également un point noir au tableau, au point de pousser les opérateurs à commander un rapport sur la situation. Qu’est-ce qui a contribué à la détérioration de la situation?
Il faut être un peu plus mesuré: il n’y a pas de point noir au niveau de la sinistralité pour la branche de l’automobile. La vraie problématique concerne les autres branches qui sont déficitaires avec un ratio combiné qui dépasse les 100% (121% pour l’assurance maladie maternité et 136% pour l’AT en 2018). Les marges dégagées sur l’assurance automobile permettaient de compenser les déficits techniques réalisés sur les autres branches. Nous avons observé une tendance haussière de la sinistralité sur l’automobile, dont le ratio combiné est passé de 93% en 2017 à 99,7% en 2018. Cette augmentation inclut une opération exceptionnelle de régularisation sur les provisions d’une société d’assurance de la place. L’activité automobile reste encore équilibrée et profitable. Pour moi, le véritable enjeu est de ne pas avoir des branches en déséquilibre structurel et que les opérateurs puissent se développer dans l’équilibre et la profitabilité sur toutes les branches sans excès en faisant jouer la concurrence.
Les opérateurs ne jouent pas le jeu?
Nous les avons alertés depuis quelques années sur la problématique posée par les ratios combinés élevés des branches AT et maladie. Les opérateurs se sont livrés à une concurrence malsaine avec une forte pression exercée par de gros clients et intermédiaires. Nous avons donc été obligés de taper du poing sur la table et nous avons décidé, en accord avec les opérateurs, d’introduire les provisions sur les risques tarifaires. Ces provisions devront être constituées dès que le ratio combiné est supérieur à 100% et ne pourront être libérées qu’une fois l’équilibre retrouvé.
Ça risque de faire jaser…
En réalité, cette mesure est salutaire pour le marché et au contraire, les opérateurs ont plutôt applaudi même si cela peut se traduire pour eux par le fait de devoir mettre la main à la poche. Mais il n’y a pas d’inquiétude à avoir puisqu’en cas de retour à l’équilibre, ils n’auront pas de provisions à faire sans compter que l’introduction de cette mesure se fera de manière progressive sans rétroactivité.
Côté réglementation, où en est-on dans le déploiement des nouvelles mesures prudentielles de solvabilité basée sur les risques (SBR)?
Ces nouvelles mesures concernent, comme vous le savez, trois piliers. Le premier est quantitatif et touche aux capitaux minimum requis. Le deuxième pilier est qualitatif et concerne notamment la gouvernance, le contrôle interne et la gestion des risques et le troisième est celui relatif à l’information. Pour le volet quantitatif, nous avons préparé une circulaire que nous avons transmise au marché et nous avons mené une première étude d’impact qui a permis aux compagnies d’assurance de faire les calculs, selon les nouvelles méthodes, notamment pour l’établissement des bilans et des fonds propres prudentiels. Les résultats de cette première étude sont disponibles, mais ne sont pas publics pour le moment. Une restitution partielle sera faite aux compagnies prochainement. Sachez juste que cela va nous permettre d’effectuer les premiers calibrages concernant les seuils et les charges de capitaux propres à mettre en face aux différents risques (de marché, de contrepartie, de souscription…). Une seconde étude d’impact est prévue à partir de début 2020 et nous permettra de tester la robustesse, sur deux exercices, des méthodes de calculs que nous proposons puis d’effectuer les derniers calibrages.
Selon les résultats de cette première étude, pouvons-nous dire que le marché est prêt?
Je n’ai pas beaucoup d’inquiétude et cela pour une raison toute simple. Certes, l’exigence de fonds propres en SBR est nettement plus importante que celle basée sur le référentiel actuel, mais il faut rappeler que le secteur est à 398% de taux de marge. Un non-sens! Prenons le cas d’une banque, si elle est à 12% ou 13% de taux de marge, c’est considéré comme une situation normale mais si elle le dépasse pour atteindre 20% à 25%, les actionnaires vont exiger leurs fonds propres car ils sont non utilisés. Or, selon le référentiel actuel, les compagnies disposent de près de 4 fois plus de marge de capitaux que ce qui est exigé. Elles devront en principe baisser leur capital. Donc oui, l’exposition au risque du marché des actions, qui est de 40% à 45% en moyenne, va coûter énormément en fonds propres pour les compagnies d’assurance, mais elles auront des marges beaucoup plus importantes également. Ensuite, il faut savoir que le passage à la SBR se fera dans la progressivité. Si une compagnie a des difficultés à se conformer à ce nouveau référentiel, nous lui donnerons le temps dans le cadre d’une période de monitoring pour réajuster son activité, son portefeuille ou ses fonds propres sans induire des heurts sur le marché.
Quid des règles de Solvency II?
Je tiens à préciser ici que la SBR n’est pas Solvency. Cette dernière est une directive européenne qui s’applique principalement en Europe. Et l’Association internationale des superviseurs n’a pas édicté des normes de capitaux à appliquer partout. Elle a seulement édicté des principes selon lesquels les capitaux de solvabilité doivent faire face à l’ensemble des risques et pas uniquement au risque de souscription tout en laissant le soin à chaque juridiction de mettre en place son propre référentiel. Au Maroc, nous disposons justement d’un environnement totalement différent de celui de l’Europe. Nous avons un marché simple sans produits d’assurance non traditionnels, sans investissements spéculatifs et avec peu d’investissements à l’étranger, mais nous allons tenir compte de cela.
Toutes ces nouvelles mesures pourront entraîner dans leur sillage les acteurs qui n’ont pas les reins assez solides. Pensez-vous qu’une telle concentration du marché soit bénéfique?
La mise en place de SBR n’aura pas d’incidence sur la concentration du marché et ne conduira pas à une recomposition des acteurs. Vous avez peut-être en tête ce qui est en train de se passer dans la région CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurance, ndlr) où le capital minimum requis a été multiplié par cinq et où le paysage des acteurs pourrait être recomposé. Nous ne sommes pas du tout dans la même situation. Je rappelle que le marché marocain des assurances, qui fait le double du marché de la CIMA, compte peu d’acteurs (182 compagnies d’assurance dans la région CIMA contre 22 compagnies, dont 8 généralistes, au Maroc). Nos entreprises sont de taille importante et ont les moyens d’investir et se conformer.
Revenons au marché marocain. Annoncé en mars 2018, le deal Saham-Sanlam n’a reçu l’aval du régulateur que 6 mois plus tard. Pourquoi autant de retard et surtout autant de secret autour de cette opération qui aurait dû passer comme lettre à la poste puisque le Maroc est ouvert aux investissements étrangers?
Le mutisme ici est tout à fait légitime: nous ne communiquons jamais sur une opération que nous instruisons. Si vous vous souvenez, vous ne nous avez pas entendus sur l’opération de cession de Zurich à Allianz pendant qu’elle était en instruction, pas plus que vous ne nous entendrez aujourd’hui sur une opération en cours dans le marché de l’assurance ou de la mutualité. Le régulateur est tenu d’observer strictement la confidentialité des dossiers, c’est une règle très importante. Concernant la durée du traitement, il n’y a pas eu de retard. C’est une opération complexe et d’envergure avec la présence des deux groupes dans plusieurs pays, sans compter la coordination entre les régulateurs. La règle légale des 30 jours s’applique s’il n’y a aucun besoin d’informations complémentaires, il y en avait beaucoup dans le cadre de cette opération.
Les courtiers sont récemment montés au créneau pour dénoncer une situation statutaire intenable. Qu’attendent-ils au juste de l’ACAPS?
Il faudrait d’abord remettre les choses dans leur contexte. Quand on parle de courtiers, ou d’intermédiaires de façon générale, tous ne rencontrent pas des problèmes. Si l’on exclut les 25 plus gros courtiers, qui ont une part de marché très importante, et qu’on exclut les courtiers qui réalisent moins de 100.000 dirhams de primes annuelles, parce que ce sont des personnes qui ont soit fermé ou ne sont plus du tout intéressées par l’activité, on se retrouve avec une grande masse qui réalise en moyenne un niveau de primes de 4 millions de dirhams. Avec un taux de commission de 10 à 12%, le revenu moyen se situerait alors entre 400.000 et 480.000 dirhams, ce qui n’est pas mauvais du tout et permet de vivre. Maintenant, il y a bien entendu des intermédiaires qui vivent des difficultés (qui sont au nombre approximatif de 520 y compris ceux qui viennent de démarrer) et qui réalisent moins de 1,5 million de dirhams de primes. Cela correspondrait à un revenu annuel entre 150.000 et 200.000 dirhams, ce qui est relativement serré, mais il ne faut pas oublier que les courtiers sont d’abord des entrepreneurs. Si vous venez de créer votre entreprise et que vous démarrez les activités sans avoir prévu un fonds de roulement, si de surcroît vous démarrez avec des dépenses et si vous ne maîtrisez pas vos charges, évidemment que vous n’y arriverez pas. Malgré cela, je pense qu’il faut accompagner les intermédiaires les plus vulnérables, ceci dans le cadre d’un contrat programme. Il ne s’agira pas seulement d’augmenter les commissions mais de mettre également l’accent sur leur formation. Il me semble que même la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurances (FMSAR) n’est pas fermée à cette idée.
Dans un marché où la concurrence ne se fait plus par le prix (branche automobile), votre circulaire sur l’encaissement des primes a pourtant resserré l’étau sur les courtiers…
Je suppose que vous parlez de la circulaire de la DAPS émise en 2015. Je tiens à préciser que cette circulaire a été de facto abrogée avec l’entrée en vigueur de la circulaire générale. Les dispositions relatives aux modalités d’encaissement et de reversement des primes ne sont pas faites pour resserrer l’étau sur les intermédiaires mais au contraire pour les protéger. Elles sont venues mettre de la clarté dans leur relation avec les compagnies d’assurance et assainir le secteur qui connaissait beaucoup de mauvaises pratiques. Parfois, l’intermédiaire prenait l’argent sans le verser, ce qui s’apparentait à de la dette perpétuelle gratuite et sans échéance. A un moment, certains se sont même retrouvés avec des passifs de 4 ou 5 millions de dirhams, ce qui n’est pas acceptable. D’ailleurs, la circulaire générale n’interdit pas aux entreprises d’assurances d’accorder des facilités de paiement à leurs clients, elle met en revanche un cadre clair de classification et de provisionnement des créances nées de ces facilités en fonction de leur ancienneté.
Avec son changement de statut, la CIMR est dorénavant sous la supervision de l’ACAPS. Quelle analyse faites-vous de ses engagements et de la pertinence de ses placements ?
La situation de la CIMR n’est pas mauvaise sur le plan financier, j’irais même jusqu’à dire que c’est la seule caisse qui, sur un horizon de projection de 60 ans, n’est pas déficitaire. Elle arrive toujours à couvrir ses engagements et ne dégage pas de déficit technique. Je salue à ce titre la réforme mise en place en 2003, à l’époque de Abdellatif Jouahri, qui était salutaire afin de redresser la situation de ce régime. Pour ce qui est de la pertinence des placements, je pense que les investissements à très long terme, notamment dans les projets d’infrastructures énergétiques, sont appropriés pour les caisses de retraite. Avec un choix judicieux, l’investissement en actions est également un bon choix puisque leur indice a toujours battu, sur une période longue, les performances du marché obligataire. Si l’on analyse le portefeuille de la CIMR, je pense que la politique d’investissement qui a été la leur a plutôt créé de la valeur. Maintenant, une nouvelle circulaire a été publiée afin d’encadrer les règles d’investissement sur le portefeuille de la caisse avec un minimum de diversification et d’investissement sur les bons du Trésor. De plus, la circulaire a prévu un certain nombre de reportings ainsi que la production annuelle des bilans actuariels, ce qui nous permet de suivre de près la situation de ce régime. Pour le reste, les décisions de gestion sont du ressort à la fois du management et du Conseil et des organes de gouvernance de la CIMR.
L’assurance Takaful traîne encore. Où en sommes-nous ?
Nous travaillons avec le ministère de l’Économie et des Finances ainsi qu’avec le Conseil supérieur des Ouléma (CSO) pour avoir les avis conformes sur l’ensemble des textes réglementaires. Par ailleurs, nous avons de nombreuses manifestations d’intérêt de la part d’opérateurs. Donc si tout va bien, nous espérons tenir le calendrier qui est celui du premier trimestre 2020 pour le lancement de l’assurance Takaful.
La bancassurance, diversification saine ou concurrence déloyale ?
Les banques sont agréées en tant qu’intermédiaires pour commercialiser des produits d’assurance vie, des assurances de personnes et d’assistance. Mais il existe en réalité une faille dans le dispositif juridique régissant la distribution. Il s’agit de la souscription pour le compte de tiers. Et c’est par ce biais que les banques peuvent faire souscrire d’autres types de produits d’assurance autres que ceux prévus par la loi. C’est le cas de la multirisque habitation que les banques distribuent largement en agissant en tant que souscripteurs pour le compte de leur clientèle et en passant par leur courtier captif. Le Projet d’amendement du livre IV règle cette problématique en assimilant la souscription pour compte de tiers à de l’intermédiation lorsqu’elle est faite à titre habituel dans un cadre commercial pour le public. En revanche, il donne une ouverture aux banques pour commercialiser des produits en lien avec leur activité. Cela étant, il me semble nécessaire que les intermédiaires se préparent à plus de concurrence qui ne viendrait pas uniquement de la banque mais aussi et surtout du digital. Ils doivent s’adapter en mettant l’accent sur la formation, mais aussi en diversifiant leurs sources de revenu dans le cadre d’activité d’assurance ou d’autres qui ne leur sont pas incompatibles. Les pertes de commissions éventuelles découlant de la concurrence d’autre réseaux ou moyen de distribution seraient compensées par des recettes provenant de la diversification des activités.
Justement, où en est la réforme du livre IV du Code des Assurances?
Sur ce sujet-là, nous avions bien avancé avec le SGG lorsque nous étions à la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS). Mais avec le changement et la création de l’ACAPS, la Direction du Trésor et des Finances Extérieures (DTFE) au sein du ministère des Finances avait besoin de se réapproprier le projet et d’y apporter des modifications si cela est nécessaire. Il me semble que le ministère souhaite relancer ce projet au plus vite et j’espère que cela se fera d’ici le mois d’avril ou juin 2020.
Comment se porte la SCR ?
La SCR respecte les ratios réglementaires et prudentiels et n’a pas de problème de solvabilité. Par contre une clarification de sa stratégie dans un environnement où la cession légale a été supprimée me semble nécessaire. Le gentleman’s agreement conclu avec le marché a globalement été respecté pendant une durée de trois ans, il a apporté une solution provisoire mais le secteur n’a pas souhaité le reconduire. Je laisse le soin aux actionnaires et éventuellement au ministère des Finances, département de tutelle de la CDG, de regarder de près la question de la stratégie, du positionnement et de l’ouverture éventuelle du capital de la SCR. Maintenant, si un dossier nous est présenté demain, ne l’instruirons comme nous avons l’habitude d’instruire d’autres dossiers.
Vous parlez de demain au sens propre?
Franchement, je n’ai aucune information à partager en ce sens. La seule chose que je peux vous dire avec certitude c’est que nous n’instruisons, au niveau de l’ACAPS, aucun dossier concernant la cession d’actions de la SCR.
Mais en tant que régulateur, quel est le scénario le plus sain que vous pouvez recommander à la SCR pour qu’elle puisse s’en sortir?
Vous n’espérez quand même pas une réponse de ma part (rires)! Vous comprendrez bien qu’en tant que régulateur, je ne peux pas me prononcer aujourd’hui sur ce cas. C’est d’abord une affaire d’actionnaires, ce qui m’importe c’est que la société respecte ses ratios de solvabilité et je peux affirmer que je n’ai aucun problème dans ce sens. Ensuite, s’il y a une clarification à apporter sur le plan stratégique concernant à la fois le positionnement de la SCR, son actionnariat et ses niveaux de fonds propres, je laisse le soin aux parties prenantes de le faire.
Dans le cadre des financements innovants qui ont été introduits dans le projet de loi de Finances 2020, quel est votre avis sur l’opération de lease-back entre le ministère des Finances et la CMR portant sur 5 CHU?
Je n’ai pas de détails sur cette opération. Je ne peux donc pas me prononcer dessus, mais je suppose qu’elle est bien ficelée. Si la CMR, en tant que caisse de retraite qui a un horizon d’investissement à long terme, arrive à avoir un rendement intéressant face à son passif et que ça permet également à l’État d’avoir des marges de manœuvre et d’expérimenter de nouveaux moyens de financement innovants, pourquoi pas. Ce sont des opérations qui existent ailleurs et on ne peut que l’encourager, pourvu que cela soit bien sécurisé et bien fait. Et connaissant à la fois la CMR et le ministère, je n’ai aucun doute sur le fait que ça soit très bien ficelé.
Est-ce qu’il n’aurait pas été plus pertinent de passer par le marché financier que d’opter pour du gré à gré?
Oui vous avez raison. Peut-être pas le marché boursier, mais ce type d’opérations peut très bien fonctionner dans le cadre des OPCI. Cependant, je pense qu’il y a encore beaucoup d’actifs immobiliers, qu’ils soient publics ou pas, qui pourraient intéresser le marché des OPCI. C’est une première opération qui, je suppose, est dans l’intérêt des deux parties.
Justement, on n’est pas sûr qu’elle soit de l’intérêt de la CMR car cette opération soulève la question de la gouvernance. Nous sommes plus dans une approche de pompier que dans celle d’une négociation…
À ma connaissance, la CMR n’a jamais été obligée de prendre quoi que ce soit. Bien au contraire, elle dispose de sa propre gouvernance. Si le directeur ne souhaite pas prendre un investissement, il ne le fera pas. Ça, vous pouvez en être sûr! D’ailleurs si vous pensez à l’opération Maroc Telecom, ils sont plutôt contents de leur investissement. La référence à l’approche du pompier ne correspond pas à la réalité. Les investissements qui sont réalisés me paraissent par ailleurs raisonnables.
En cas de défaut de paiement des loyers par l’État, la CMR se retrouverait avec des actifs impossibles à vendre…
Je pense qu’il faudrait tout de même donner à l’État un minimum de crédit. C’est un risque souverain. Et si demain l’État est dans l’incapacité de payer ses bons du Trésor, que se passera-t-il? Personne ne met en doute aujourd’hui la capacité de l’Etat à honorer sa dette. Vous me concéderiez bien le fait que nous avons bien gagné cette crédibilité au Maroc.