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Automobile transport urbain

Dossier novembre 2019

Automobile transport urbain

Les ventes de voitures connaissent une baisse, non seulement au Maroc mais à l’échelle mondiale. Si le cycle de renouvellement, relativement long, peut expliquer en partie la chute de la demande de 8% dans le monde au premier semestre de 2019, d’autres facteurs entrent en jeu concernant le marché marocain.

Le secteur automobile à l’échelle mondiale fait face à une récession. Les mutations qu’il connaît l’impacteront dans la durée. Décryptage.

Les ventes de nouvelles voitures ont reculé de 8% dans le monde à la fin du premier semestre de 2019. Au Maroc, la même tendance baissière est également observée. Les ventes de voitures sur les 9 premiers mois sont en repli de 11,25%, selon les données de l’Association des importateurs de véhicules automobiles montés (AIVAM). Mais si le Maroc suit la même tendance mondiale, celle-ci n’y est pas corrélée, précise Adil Bennani, président de l’AIVAM. Pour le professionnel, «le marché marocain est petit et ne répond pas forcément à des tendances macroéconomiques de fond qu’on peut observer ailleurs. Il est relativement résilient par rapport au reste du monde, qui lui-même connaît des tendances différenciées». En effet, d’après l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), les ventes ont reculé en Europe de 3,9% au cours du premier semestre avec une demande qui a baissé de 9,9 à 9,5 millions d’unités. Les principales raisons de ce fléchissement sont une demande morose en Europe de l’Ouest et la contraction continue du marché turc où les ventes ont pratiquement été divisées par deux comparativement à la même période de 2018. La demande a également reculé aux États-Unis induisant une baisse des ventes de 3,3%. En Amérique du Sud, la baisse est plus prononcée à 6,1% avec la récession économique en Argentine. En Asie, le marché japonais marque une stagnation, celui en Corée du Sud enregistre un recul de 5,5% en raison de la morosité économique, celui de l’Inde connaît une baisse de 11,3% tandis que le marché chinois continue sa chute entamée l’année dernière et dévisse de 14,4%. Une baisse exacerbée par les tensions avec les États-Unis ainsi que par le ralentissement de l’économie du pays qui ont affecté la confiance des consommateurs, estiment les auteurs du rapport économie et marché de l’ACEA. ...Retrouvez l'intégralité de l'article dans le Numéro chez votre marchand de journaux Ou achetez la version digitale

Climat d’incertitude

Une opinion que partage également Adil Bennani, pour qui les menaces de mettre en place de nouveaux droits de douane, exprimées par les États-Unis à l’encontre de la Chine, ne manqueront pas d’impacter la production mondiale. Ces menaces font régner un vrai climat d’incertitude. «Le marché américain est un marché important et compte beaucoup de constructeurs étrangers. Avoir de nouveaux droits de douane peut faire vaciller certains constructeurs. Ce climat d’incertitude économique qui caractérise le monde entier et qui empêche pas mal de dirigeants dans l’automobile de dormir (peut expliquer la baisse observée, ndlr)», précise le professionnel. Une baisse qui semble s’inviter pour s’installer dans la durée. En effet, plusieurs cabinets d’étude internationaux tirent la sonnette d’alarme quant à l’avenir du secteur automobile. «La croissance mondiale des ventes automobiles d’ici 2026 sera limitée à 1,6%, avec des chutes marquées en Chine et aux États-Unis (avant reprise) et une stagnation en Europe», avertit le cabinet AlixPartners. BCG, de son côté, évoque un ralentissement qui se profile, sans en déterminer la date exacte, qui se traduirait par une baisse des ventes de 5%, voire de 10% si des conditions plus extrêmes surgissent. Au Maroc, il est plutôt difficile de dire si le marché risque de subir la même tendance. Pour Bennani, il faudrait plutôt attendre les statistiques d’octobre et de novembre pour savoir comment va finir l’année 2019 et ne manque pas de rappeler que l’embellie enregistrée en septembre (croissance des ventes de 9%) est à prendre avec des pincettes. «Ce n’en est pas vraiment une parce qu’en septembre de l’année dernière le groupe Renault-Dacia, pour des raisons qui lui sont propres, avait eu un petit mois (de ventes, ndlr). En conséquence, les ventes de ce mois par rapport à ceux de la même période en 2018 enregistrent une hausse importante de plus de 20%. Or si j’enlève cet effet technique, le marché sur le mois de septembre n’a pas fait 9% mais peut-être 1 ou 2%».

Fébrilité des ménages

Selon le président de l’AIVAM, la demande est atone partout à quelques exceptions près. Au niveau des véhicules de tourisme, certains segments s’en sortent un peu mieux, notamment les grosses citadines, parce qu’il y a de nouveaux entrants sur le marché et le SUV qui continue à être le deuxième plus gros segment du marché grâce à une offre très large et des prix très abordables avec des véhicules qui commencent à 150.000 dirhams. Indépendamment de ce comportement, «la baisse générale des ventes s’explique par un manque de confiance et une certaine fébrilité de la demande», explique Bennani avant de poursuivre que «quand il n’y a pas un besoin absolument fondamental, on ne va pas acheter. Quelqu’un qui a un véhicule âgé de 4 ans, et qui dans un contexte d’euphorie l’aurait changé, ne va pas le faire cette année et se dit finalement mon véhicule peut tenir encore une année». Une attitude qui ne manque pas d’affecter le marché qui est essentiellement de renouvellement en dépit de la faiblesse de l’équipement des ménages. «Les primo accédants ne représentent que 20% alors qu’ils devraient représenter 35% à 40% dans un marché tel que le nôtre», déplore Bennani. Cette fébrilité est bien exprimée dans le dernier indice de confiance des ménages (ICM) du HCP, où «59,3% considèrent que le moment n’est pas opportun pour effectuer des achats de biens durables». L’autre variante qui peut expliquer ce fléchissement de la demande est l’arrêt des subventions accordées par l’État pour le renouvellement des taxis. Pour Bennani, cette suppression aurait fait perdre au secteur 4 à 5 points de croissance. 7.000 à 8.000 taxis étaient en effet renouvelés chaque année. En plus de ces facteurs intrinsèques à chaque économie, un autre facteur ne manquerait pas d’orienter le marché dans la durée non seulement au Maroc mais à l’international.

La montée de l’écologique

La montée inéluctable de tous les véhicules à énergies renouvelables est bien là. «On ne sait pas où ça va», lâche Bennani avant de poursuivre que «tout ce qu’on sait c’est qu’ils sont là et c’est pour durer. Et que tous les gouvernements dans les pays développés sont dans une dynamique de promotion de ces véhicules pour contrecarrer les problèmes de pollution et la sauvegarde de la planète». Les ventes de ces voitures, rien que sur le marché européen, ont enregistré une forte croissance de 27,5% sur le premier semestre selon les données de l’ACEA. Si les voitures électriques gagnent de plus en plus de place dans l’échiquier mondial, le marché marocain n’en est pas encore là. En effet, malgré les incitations mises en place par le gouvernement pour l’encourager, les véhicules électriques à circuler dans le royaume ne sont pas légion. D’ailleurs, Nezha El Ouafi, à l’époque secrétaire d’Etat chargée du développement durable, avait annoncé la volonté du gouvernement d’augmenter la part des voitures écologiques (hybrides ou électriques) dans le parc de l’État afin de la porter à 30% à l’horizon 2021. Cette décision, avait expliqué la secrétaire d’Etat, a d’abord pour objectif de réduire la consommation en énergie thermique mais aussi de donner l’exemple aux autres secteurs. Il faut dire aussi que le basculement vers ces voitures écologiques devrait encore prendre quelques années. Selon une étude réalisée par le cabinet Nevolys et le Groupe Sunergia et citée par l’hebdomadaire Challenge, il faudrait 10 ans pour que la transition vers les voitures électriques puisse être réalisée sur le marché marocain. Une transition bien lente comparée à l’évolution à l’échelle internationale qui, elle, pourrait à terme présenter bel et bien le risque que les constructeurs ne produisent plus que de l’électrique, estime Bennani, d’autant plus que dans le marché mondial les constructeurs sont plutôt à l’écoute de trois principaux marchés : la Chine, les États-Unis et l’Europe. Si demain ces marchés ne veulent plus de voitures thermiques et que les conditions pour pouvoir introduire de l’électrique ou de l’hybride ne sont pas réunies au Maroc, ce ne sont pas les constructeurs qui feront quelque chose pour le marché local. «S’il n’y a plus que de l’électrique et de l’hybride on n’aura pas de voiture à introduire au Maroc et on sera laissé pour compte. Voilà le problème qui se pose pour un pays comme le nôtre si on ne prend pas la mesure de la mutation qui est en train de se passer dans le monde et qu’on n’implémente pas la feuille de route pour une mobilité durable dès maintenant», insiste Bennani. Un véritable risque que les autorités doivent prendre en considération.