SNEP renaît de ses cendres
L’unique producteur marocain de produits vinyliques a bravé vents et marées depuis plus d’une décennie. Il semble aujourd’hui retrouver sa quiétude en renouant avec les performances. L’accalmie durera-t-elle ?
Un dividende de 10 dirhams. Voilà une nouvelle qui n’a pu que réjouir les actionnaires de SNEP. Boudée pour sa taille par les institutionnels et les OPCVM, la valeur n’intéressait et n’intéresse que les petits porteurs. Sauf que ces derniers en ont vu de toutes les couleurs depuis son introduction en 2007. En effet, le séjour de la société à la corbeille n’était pas un long fleuve tranquille. Dès l’année 2008, l’impact de la crise financière s’est fait ressentir. La récession du secteur du BTP aux Etats-Unis et au sud de l’Europe a poussé les producteurs à chercher de nouveaux marchés. Le Maroc en faisait partie et c’est la porte à des importations à des prix plus bas que ceux du producteur national. Cette même année, l’entreprise lance son premier programme de rachat pour régulariser le cours qui commence à subir les conséquences de la mauvaise passe. L’année suivante, la SNEP introduit une requête auprès du ministère du Commerce extérieur pour l’application de mesures de sauvegarde, qu’elle retire une année plus tard. Cette même année 2010, la société, bien qu’elle continue à payer les frais de la concurrence des produits étrangers, décide de renforcer son intégration en aval et monte dans le capital de Dimatit, portant sa participation à 34% au lieu de 21,6%. Pourtant, la société s’était engagée, lors de son introduction en Bourse, à céder la totalité de sa participation dans Dimatit. Elle avait d’ailleurs cédé 12,5% en 2008.
En 2015, coup de théâtre. Février, un vendredi 13, le management de la SNEP est informé qu’une saisie exécutoire a été effectuée sur les actions nominatives détenues par Ynna Holding dans le capital de la SNEP, pour un litige opposant Ynna Asment (une autre filiale d’Ynna Holding) à Fives FCB. La même année, la SNEP constitue des provisions commerciales pour la Samir de l’ordre de 2,1 millions de dirhams. En 2018, c’est à un contrôle fiscal que la société fait face, dénoué la même année. Ces différents événements n’ont bien évidemment pas manqué de rythmer non seulement le cours de la valeur mais aussi ses performances financières.
Des résultats en repli
Le premier impact se fait sentir dès 2009. L’entreprise affiche un résultat net, certes positif, mais en baisse de près de 50% par rapport à celui de 2008. Il s’établit à 66,57 millions de dirhams contre 142 millions de dirhams. En 2010 le bénéfice est encore en repli mais seulement de 3,35%, à 64,34 millions de dirhams. Ce n’est qu’à partir de 2011 que la situation se complique. Cette année, la société dégage un résultat qui fléchit de 60% pour se fixer à 25,31 millions de dirhams. Face à ce fort repli, le management de la société décide de ne pas distribuer de dividendes. En 2012, le résultat net passe carrément en territoire déficitaire, à -31,84 millions de dirhams. Faisant face à des prix bas des importations en provenance des USA et du sud de l’Europe, l’entreprise décide de grignoter sur ses marges, s’alignant sur ces prix pour maintenir ses parts. La même année, la société subit une grève de 34 jours durant lesquels la production a été bloquée. Bien que l’entreprise renoue avec les bénéfices en 2013 et en 2014, leur niveau très faible (8,3 millions de dirhams et 4,4 millions de dirhams respectivement) dissuade le management de réaliser une quelconque distribution. D’ailleurs, l’année d’après, la société se retrouve encore une fois déficitaire, avec un résultat net de -45,6 millions de dirhams. Ce déficit est expliqué à l’époque par plusieurs facteurs. Des incendies, des arrêts techniques ou encore des réductions de capacités chez les principaux fournisseurs européens d’éthylène ont induit une forte pression à la hausse sur les prix de cette matière première dont dépend l’activité de SNEP (notamment la production de PVC). Un renchérissement que la société a décidé encore une fois de ne pas répercuter sur les prix. A cette contraction des marges s’ajoutent les importantes importations de PVC à des prix dumping -cette fois-ci en provenance de l’Union Européenne et du Mexique- ainsi que la provision de 15 millions de dirhams sur les actions auto-détenues, des provisions commerciales sur Samir pour 2,1 millions de dirhams et l’absence de remontée de dividendes de la filiale Dimatit, alors qu’elle avait versé 8,9 millions de dirhams en 2014.
Le salut de l’antidumping
L’instauration de droits antidumping sur le PVC en provenance des Etats-Unis en 2013 pour une durée de 5 ans n’était pas suffisante pour contrecarrer les importations massives de PVC. Il a fallu attendre 2016 pour voir d’autres droits antidumping entrer en vigueur cette fois à l’encontre du PVC en provenance de l’Union Européenne et du Mexique, de manière provisoire. Cette année est d’ailleurs marquée par un retour au bénéfice à un niveau similaire d’avant 2011. D’ailleurs, le management n’hésite pas à redistribuer des dividendes après un arrêt de 5 ans. L’année d’après, le ministère délégué au Commerce extérieur décide d’établir ce bouclier antidumping pour les 5 années suivantes. D’ailleurs, les bienfaits de la décision étaient visibles sur son cours boursier au tout début de l’année avant de se refléter dans ses états de synthèse au terme de l’exercice avec un bénéfice de 98,5 millions de dirhams. Arrivées à terme à fin 2018, les mesures antidumping sur les importations du PVC en provenance des USA font l’objet d’une requête de réexamen des droits antidumping «en guise d’anticipation à la réapparition du dumping», explique Rachid Mohammadi, directeur général de la SNEP. Et d’ajouter: «Nous avons obtenu, le 14 décembre 2018, l’accord pour l’ouverture d’une enquête de réexamen, avec une consignation des droits antidumping en vigueur, pendant une période d’un an». Engagée dans un processus d’investissement pour doubler ses capacités, l’année de grâce lui permettra de le déployer dans la sérénité.
A la recherche de la bonne taille
L’entreprise qui dispose d’une part de marché des produits vinyliques (PVC et Compounds) de 50% n’arrive pas à se tailler davantage de parts en raison de ses capacités de production qui sont de 70.000 tonnes de PVC par an. Les 50% restants de la demande sont d’ailleurs comblés par l’import. Selon Mohammadi, «le programme de développement et d’investissement en cours a pour objectif de permettre à SNEP de réaliser des performances soutenues dans la durée, grâce à la consolidation de sa compétitivité et l’élargissement de sa production et ses marchés». Il permettra d’après le directeur général «de satisfaire les besoins du marché local, d’augmenter nos parts de marché, ainsi que de nous positionner sur le marché international et y consolider notre présence. Nous sommes régulièrement sollicités par des partenaires internationaux, en raison de la qualité de nos produits qui répondent aux standards internationaux de notre industrie». A terme, la SNEP prévoit de disposer d’une capacité de 140.000 tonnes par an pour un marché estimé à 141.000 en 2024. Pour des analystes contactés par EE, «les performances affichées par la SNEP sont rassurantes et se reflètent même dans le retour de confiance des investisseurs en le titre qui reprend des couleurs. Néanmoins il serait prématuré de se positionner dessus». Pour eux, il serait plus prudent d’attendre la décision du ministère sur le renouvellement ou non des mesures anti-dumping à l’encontre des importations des Etats-Unis ainsi que l’aboutissement du programme d’investissement prévu en 2021. «Si les mesures sont levées, il faudra relever le défi de la concurrence», lâche un des deux analystes. Le second estime que «ce n’est pas le bon moment pour se positionner dessus d’autant plus que la valeur est aujourd’hui chère avec un PER de 25,6 et un rendement de 2,36%». Et d’ajouter: «Depuis une année on perçoit une lueur d’espoir pour se sortir de cette situation sauf que pour tourner cette page il faut que l’entreprise devienne plus compétitive». Les analystes ne manquent pas de rappeler la bonne volonté du management et ses efforts dans ce sens. Mais le chemin est encore long et périlleux. Bon vent !