Rabat, entre tradition et modernité
Chantier à ciel ouvert depuis quelques années, Rabat est en pleine mutation, sous l’impulsion du programme «Rabat ville lumière, capitale culturelle du Maroc». Circulation fluidifiée, jardins, musées, portes et remparts, ancienne médina, sites historiques, sont restaurés ou en cours de l’être. De nouveaux hôtels de luxe y voient le jour. Le grand théâtre, porte-étendard de la capitale, est en train de prendre forme. La métamorphose urbanistique est réelle et la lumière fusera bientôt.
En un jour bien ensoleillé, atteindre Rabat par la voie côtière donne sur une corniche grouillant de joggeurs. Une scène qu’il était rare de voir avant la rénovation de cette artère. La circulation en est aussi devenue plus fluide, suite à l’élargissement des voies qui sont à présent de 6 au lieu de 2. «Rabat ne tourne plus le dos à sa mer», lâche Nadia Benslimane, directrice générale du CRT de la capitale, en évoquant les différents aménagements et changements introduits au niveau de la corniche de la ville. En effet, quelques kilomètres plus loin, les travaux d’aménagement de piscines longeant la mer vont bon train. Un chantier géré par la société Rabat Aménagement, qui fut créée en 2014 pour porter les projets du programme Rabat ville lumière, capitale culturelle du Maroc. Le lieu accueillera l’ensemble des piscines prévues par ce programme, soit 2 piscines olympiques, 5 piscines couvertes semi-olympiques et 3 piscines ouvertes, confie une source requérant l’anonymat. L’ancienne piscine municipale, qu’abritait le quartier Yacoub Mansour, laisse place à une résidence d’un promoteur privé. Le quartier a aussi vu son marché de friperies se transformer en jardin et sa fourrière en poste de police. Selon Abdelmounaim Madani, ancien président de l’arrondissement Yacoub Mansour, ce quartier qui fut historiquement un territoire de périphérie, accusant au passage «des tares urbanistiques occasionnant des difficultés et des dysfonctionnements que des opérations de mise à niveau urbain n’ont pas pu corriger», arrive à présent à se rattraper grâce au programme ville lumière et à corriger quelques dysfonctionnements très profonds. «Il ne traîne plus cette caractéristique de périphérie. Mieux, le prix du loyer augmente grâce à ces changements». Le député espère par ailleurs qu’au-delà de la mise à niveau en termes d’infrastructure, l’intégration du quartier se fasse aussi sur le plan économique par la création d’une zone d’activité offshore à la place de l’ancien siège de RATR, dernier potentiel foncier à Yacoub Mansour.
Des hôtels de luxe
D’ici là, c’est une autre opportunité d’emplois qui se profile pour ces jeunes avec l’ouverture de l’hôtel de luxe Four Season face à la mer, baptisé Kasr Al Bahr, à l’endroit même où se tenait l’hôpital militaire Marie Feuillet (laissé à l’abandon depuis sa fermeture en 1999). «Ce même lieu était initialement une retraite du sultan Moulay Slimane, connue sous le nom de Dar al-Bahr», peut-on lire dans un article du magazine d’histoire marocain Zamane. L’hôtel, encore en construction par Al Kabida, devait garder les mêmes murs que ceux de l’hôpital mais comme son coût risquait d’augmenter drastiquement, il a été décidé de les reconstruire à l’identique. En plus du Four Season, la ville s’apprête à abriter d’autres hôtels de luxe. Dar Essalam qui compte le Golf Royal accueillera le deuxième Ritz Carlton du pays. Son ouverture est prévue courant ce printemps. Un hôtel Royal Mansour verra aussi le jour au quartier Les Orangers. Ce quartier abritera aussi le nouveau siège de la direction générale de la sûreté nationale. Le chantier d’un autre hôtel 6 étoiles, appartenant à une princesse, est à l’arrêt et serait même en instance de vente. Avec The View, sur Boulevard Ennakhil, Rabat dépassera Casablanca en nombre d’hôtels de grand luxe (GL) et en comptera autant que Marrakech. Un saut qualitatif pour une ville dont le nom a toujours été associé à l’administration. Le maire de la ville, Mohamed Seddiki, précise à juste titre avoir donné l’autorisation à plusieurs unités touristiques qui permettraient d’augmenter la capacité d’accueil. «Nous cherchons à promouvoir Rabat en tant que destination et non comme une ville de passage. L’inauguration du nouveau terminal de l’aéroport Rabat-Salé est une composante très importante pour que cette promotion de destination soit effective», poursuit le maire.
Une destination touristique
Renforcer ce cachet touristique passe aussi par la rénovation de l’ancienne médina. Celle-ci est d’ailleurs méconnaissable. Tout est en chantier. Les ruelles sont refaites, d’autres sont en cours de l’être. Les maisons menaçant ruine, les mosquées et mausolées connaissent des travaux de restauration. Il faut dire que le programme prévoit la restauration de 16 mausolées, 47 mosquées et 11 motels appartenant au ministère des Habous à l’intérieur de la médina. Du côté du marché central, les travailleurs ne chôment pas non plus. Les marchands sont logés dans les parkings sous un bâtiment temporaire, le temps que les travaux se terminent. D’autres sites touristiques sont aussi en chantier. C’est le cas notamment de la kasbah de Chellah, où des travaux de restauration mais aussi d’aménagement de parkings sont toujours en cours. La kasbah d’Oudaya de son côté voit son jardin Andalous en réaménagement, tout autant que le jardin Nouzhat Hassan. S’agissant des portes et remparts, seul Bab Zair est encore en pleins travaux de restauration.
Un charme rompu
Mais tout n’est pas reluisant, il suffit en effet de s’aventurer dans des quartiers un peu plus reclus pour sentir un air de favelas brésiliennes. Jonchées en hauteurs, les maisons datent des années 30 et les ruelles ne supportent que des piétons. Douar Lhajja, quartier qui se trouve à l’arrière-plan du siège de la mairie (immeuble imposant et criant le luxe qui donne sur le fleuve Bouregreg) est l’une de ces favelas rbaties qui contrastent avec l’aura avec laquelle veut s’habiller la ville lumière. Ce sont le jour et la nuit qui cohabitent dans une ville qui se veut un exemple d’urbanisme. Pour Fikri Benabdellah, président de l’Association Rabat-Salé mémoire, «ce quartier tout comme d’autres constitue, en effet, les poches d’accueil de l’exode rural dont souffre encore la ville de Rabat». Des quartiers historiques difficiles à déloger donc mais dont il est nécessaire de régler les problèmes pour que la ville puisse être entièrement mise à niveau. Optimiste, l’ancien ministre des finances et ancien maire de Rabat, Fathallah Oualalou, précise que la ville sera probablement déclarée ville sans bidonvilles en cette année 2019.
Une seule ville et non pas deux
Impossible toutefois de parler de Rabat sans évoquer Salé. Deux ponts supplémentaires relient à présent les deux villes si l’on souhaite se rendre de l’autre côté de la rive. L’ancien pont Moulay Youssef a été élargi et rénové et compte désormais 4 voies au lieu de 2. Le deuxième pont, nouvellement construit et baptisé Ribat Al Fath, compte, pour sa part, 6 voies. Il offre un raccourci de l’Oulja jusqu’à l’Agdal. Constituant un vis-à-vis de Rabat, l’Oulja ou la rive du Bouregreg du côté de Salé compte la marina et comptera bientôt la Tour Mohammed VI (de BMCE) et le palais des congrès. Le président de l’Association Rabat-Salé mémoire considère qu’«il existe une seule ville partagée, un seul espace géographique, culturel et civilisationnel, et aujourd’hui économique fondé sur des relations d’échange, de transferts de population, de relation familiale dont la vallée Bouregreg est le ciment fondateur. Nous l’appelons Rabat-Salé la ville de Bouregreg». D’ailleurs, en traversant le Bouregreg en empruntant le pont Ribat Al Fath, on aperçoit l’imposant grand théâtre conçu par l’architecte de renommée mondiale feue Zaha Hadid. On passe à côté du nouveau Jardin Hassan II (étalé sur 30 ha) et on atterrit directement du côté du bois Avicenne plus connu sous le nom de Hilton. L’unique forêt urbaine du royaume. Un musée de chasse est d’ailleurs en train d’être réhabilité à l’Agdal, juste à côté de la cité universitaire. Le quartier compte également un grand mall baptisé Rabat Center qui renforcera davantage l’offre commerciale, alors que l’ONCF a annoncé sa volonté de construire un centre commercial à la gare de Rabat Agdal. La ville ne manquera pas d’offres d’attraction pour ancrer son positionnement comme destination touristique.