service public en un clic
La marocaine des e-services fait sans aucun doute partie des start-ups qui vont changer votre quotidien. Cette jeune pousse high-tech a jeté son dévolu sur un projet d’intérêt général: la dématérialisation de la mouqataâ. Découverte.
Et si la promesse d’une nouvelle ère reposait sur l’engagement d’une start-up. C’est le cas de le dire pour ce qui est du service public. La «marocaine des e-services», une entreprise qui, au démarrage, a osé le plus gros défi qu’une jeune pousse high-tech ait pu relever: réconcilier l’administration avec le citoyen. «Rétablir des rapports fondés sur l’équité sociale, telle est notre ambition», affiche fièrement Tarik Fadli, président directeur général d’Algo Consulting Group, dont la «marocaine des e-services» est filiale. En faisant du numérique son allié, ce jeune trentenaire propose une solution qui transcendera la multitude de maux dont souffre l’administration marocaine. Objectif dans sa ligne de mire: alléger le fardeau bureaucratique qui pèse sur le traitement des requêtes au niveau des arrondissements (légalisation de papiers administratifs, certification de copie conforme…). Une difficulté dont pâtit l’appareil administratif, exacerbé par des comportements de clientélisme qui persistent dans certains bureaux communaux. Cette situation engendre, in fine, un sentiment de frustration et d’injustice. Pour mettre les citoyens sur un même pied d’égalité, le recours au digital s’avère décisif. Dans leur bataille contre le népotisme, Fadli et son escadron misent tout sur leur «e-kiosk». Un automate qui intègre diverses fonctionnalités entre recueil d’empreintes digitales, dispositif pour signature électronique, scanner de documents, caméra pour reconnaissance faciale… Leur borne automatique, l’équipe de la «marocaine des e-services» compte l’installer, à terme, à l’entrée de chaque arrondissement. Celle-ci permettra d’assurer une collecte complète de données nécessaires, lors d’une première inscription. Une fois la data recueillie, le quidam moyen pourra soumettre l’ensemble de ses requêtes depuis l’application mobile, disponible sous Androïd et iOS. Hébergés sur Cloud, cette solution sécurisée offre un accès à l’ensemble des services délivrés au sein de l’arrondissement, sans avoir à se déplacer. Pour le volet sécurisation de données, l’entreprise éditrice travaille en collaboration avec la commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). Le concept a déjà fait ses débuts dans un premier projet pilote lancé auprès de la ville de Fkih Ben Saleh. Mais la véritable barrière est celle qu’elle s’apprête à franchir. A l’heure où nous mettions sous presse, l’entreprise déployait son dispositif à Fès suite à la création d’une société de développement local (SDL) avec la commune sur place. Un choix qui est loin d’être intuitif. La ville a été au fait pionnière dans la dématérialisation de l’état civil au Maroc. «J’ai été agréablement surpris par l’ouverture d’esprit dont ont fait preuve leurs élus locaux, qui ont rapidement adopté le projet. D’autant plus qu’ils ont un stuff informatique», renchérit Fadli. La filiale vise à court terme un déploiement effectif sur les 41 bureaux communaux.
«Nos investisseurs ont une parfaite maîtrise en industrie, en agriculture mais très peu en high-tech»
Tentative de levée de fonds
Toujours est-il que, pour mettre en œuvre son idée encore faut-il disposer d’une assise financière solide. Et comme toute start-up qui voit le jour dans un cycle conjoncturel frileux, son business modèle met énormément de temps à germer. Et la concrétisation du concept consomme énormément de cash. En effet, la start-up compte, depuis sa création, une douzaine de personnes travaillant à temps plein. Auxquels s’ajoutent les frais relatifs au sourcing. Car, pour la partie hardware, la société fait appel à trois fournisseurs basés aux Etats-Unis, en Turquie et en Chine, le cœur de métier étant la partie software. Pourtant, le fondateur a tenté jusqu’au bout de faire valoir la carte «made in Morocco» et tente de fabriquer sa machine auprès de quelques constructeurs locaux…sans résultat probant. «Malheureusement, j’ai fini par abandonner, tellement les machines étaient mal au point». Pour financer sa R&D, l’entreprise n’a eu d’autres choix que de continuer de piocher dans sa tirelire. Dans sa quête aux capitaux, elle a eu du mal à se financer auprès des établissements de crédit. «Ils étaient tous partants à l’idée de prendre des participations dans le groupe Algo et ne voyaient pas trop l’intérêt de financer l’activité de la start-up», confie Fadli. Du coup, en l’absence d’appui financier de taille, le fondateur prend un sacré pari en investissant ses propres dividendes pour pouvoir continuer à assurer le bon déroulement de l’activité et passer au stade de «manufacture» des prototypes machines. La croissance de la «Marocaine des e-services» est portée alors en grande partie par sa maison mère Algo Group, grâce aux synergies qui s’opèrent au sein du groupe. A force de supporter la croissance de sa filiale, le groupe se retrouve presque à bout de souffle. L’entreprise traverse alors trois années de difficultés financières liées principalement à deux investissements. Outre le fait d’assurer la viabilité de sa start-up, l’entreprise a investi massivement dans son autre projet porteur de «billetterie LGV», en co-traitance avec Omnidata et sur lequel l’entreprise a dû mobiliser, depuis le démarrage, 33 ingénieurs. «Notre plus grand souci était de trouver des fonds privés ou institutionnels, à même d’assurer la croissance prometteuse de la start-up. Cette situation a duré trois ans. Aujourd’hui, nous avons dépassé le stade risque», rassure le CEO d’Algo. Pour ce jeune entrepreneur, une véritable culture «silicone valley» fait toujours défaut au Maroc. «Nos investisseurs ont une parfaite compréhension des investissements en industrie, en agriculture mais très peu comprennent la high-tech», regrette-t-il.
Pour densifier son maillage territorial, l’entreprise table sur un investissement global de 200 millions de dirhams. La start-up compte élargir son champ d’intervention en diffusant le concept avec un rythme de 300 communes par an. L’idée est d’équiper, à terme, les 1.800 bureaux communaux de dispositifs e-kiosk. Et son ambition ne s’arrête pas là! Sur le long terme, c’est le continent africain qui est visé par l’offre exportable.