fbpx

Casablanca, le mythe!

Édito mai 2015

Casablanca, le mythe!

Parler de Casablanca est un exercice très difficile. Il est aussi complexe que le gigantisme de cette ville qui, pour le doing business de la Banque mondiale, est simplement l’équivalent du Maroc. Sur quoi zoomer: Son histoire, plus ancienne que celles de Fès ou Marrakech? Son urbanisme, devenu une référence mondiale? Ses intellectuels et artistes ayant façonné notre imaginaire collectif? Ses défaillances aussi insolubles que le tempérament rétif de ses hommes et femmes? De la révolte de 1965 ou de la grève de 1981 ayant toutes les deux nécessité l’intervention de l’armée dans les rues? De la mosquée Hassan II, au minaret le plus haut du monde, des carrières centrales ayant donné naissance au mot bidonvilles ou de Larbi Benmbarek, la vraie Perle Noire (avant Pelé)? Je pense que l’apport le plus déterminant de Casablanca au pays et à la société est une rupture entre deux Maroc: l’ancestral et le moderne. Cela coïncide, malheureusement, avec l’occupation française. Mais, c’est ainsi qu’en a voulu l’histoire. Cette rupture peut être résumée en une formule toute simple: la fin de la médina. Jadis, nos villes étaient renfermées sur elles-mêmes derrière des murailles bien fortifiées où tout le monde connaissait tout le monde, où la grande famille avait encore un sens et où l’on pouvait se contenter du peu pour vivre dans un bonheur illusoire et sous-développé parce que protégé. Les Français en mettant la main sur Casablanca, en 1907 -ils ont tout de même eu besoin de la bombarder- ne tarderont pas à casser son enceinte première. La médina s’étendait, en effet, jusqu’à l’actuelle place Maréchal intégrant ainsi l’emplacement actuel de l’hôtel Hyatt Regency. Ce n’était pas une décision fortuite pour un pouvoir colonial ayant pris le soin de bien étudier notre société sur plusieurs siècles. La fin de la médina implique, en conséquence, la fin de la société traditionnelle et l’avènement d’une nouvelle société d’abord casablancaise, puis marocaine par extension. Cet héritage-là, l’Histoire ne pourra pas le nier ni le défigurer, car les Marocains le portent aujourd’hui en eux et le pratiquent dans leur façon de vivre au quotidien. Rien que pour cela, la mise-à-niveau de Casablanca et la préservation de son statut de ville avant-gardiste, vitrine du pays, devrait être une cause nationale. Et ce n’est pas pour rien si le Roi y a consacré tout un discours. Pour ce faire, Il devrait être question d’abord de reconnaître ce rôle capital, puis de le sublimer dans un deuxième temps. Casablanca, malgré toute sa magie intrinsèque, ne fait plus rêver. Il faudrait peut-être, en plus des chiffres et maquettes grandioses, aménager une place à l’expression artistique et intellectuelle et à l’appropriation de la ville par ses habitants. C’est seulement ainsi que l’on peut concevoir et perpétuer un mythe.