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Un patronat soumis

Enquête mars 2014

Un patronat soumis

Le secteur privé est pénalisé par la multiplicité des organisations patronales et leur manque d’efficacité. Ce qui arrange un politique hégémonique.

Les organisations patronales en Algérie sont caractérisées par leur atomisation. Cet  handicap a joué un rôle déterminant dans la situation économique actuelle du pays, particulièrement pour le secteur privé. La représentativité vis-à-vis de l’Etat se retrouvant démunie, les patrons n’ont pas réussi à faire entendre leurs voix, encore moins porter leur secteur en tant que locomotive du développement de l’Etat. Les vingt dernières années ont ainsi connu la création et la disparition de plusieurs formations patronales. Mais aujourd’hui, quelques-unes sont les plus influentes, quoiqu’il reste difficile de déterminer le poids réel de chacune.

Atomisation
Les plus connues sont la Confédération Générale des Entreprises Algériennes (CGEA) présidée par Habib Yousfi. Elle est la première organisation patronale à représenter le secteur privé et a été créée en 1989. Le Forum des Chefs d’Entreprises (FCE) est, quant à lui, considéré par les spécialistes comme le leader du patronat algérien. Créée en 2000, l’organisation est présentée comme un think tank et non comme organisation syndicale. Deux ans après sa création, le FCE atteint 82 entreprises adhérentes, et arrive à 499 entreprises en 2011, qui couvrent 18 secteurs économiques sur 22, emploient 104.592 salariés et dont le chiffre d’affaires atteint 14 milliards de dollars. C’est cette présence sociale qui fait la force de cette formation et qui lui permet la même année (2011) de participer pour la première fois à la tripartite, aux côtés des autres organisations patronales et avec les syndicats et l’Etat. La relation du FCE avec l’Etat n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, puisqu’en 2010 le gouvernement d’Ahmed Ouyahia avait donné l’ordre aux entreprises publiques de quitter la formation, pour des raisons de divergence d’opinion. Reste que le FCE est critiqué suite à la réélection pour un quatrième mandat de son président Réda Hamiani, chose qui pose des questions sur la crédibilité de la formation. Les autres formations patronales les plus importantes sont la Confédération Algérienne des Patronats (CAP), la Confédération Nationale du Patronat Algérien du BTPH (CNPA), née en 2012 et qui regroupe cinq unions du secteur du BTP et Habitat: l’Union Générale des Entreprises Algériennes, l’Union des promoteurs immobiliers, l’Union des ingénieurs, l’Union des fabricants de matériaux de construction ainsi que les bureaux d’études et les architectes. Celle-ci est présidée par Abdelmadjid Denouni. On retrouve aussi le Conseil du Patronat Algérien (CSPA) dont le président est Said Kahoul, ainsi que la Confédération des Industriels et Producteurs Algériens (CIPA) présidée par Abdelaziz Mhenni. Mais ce qui est marquant c’est que les formations patronales n’arrêtent pas de se créer, ce qui accentue encore la situation. Une nouvelle formation vient d’ailleurs de voir le jour en 2013, elle se fait appeler l’Union Nationale des Investisseurs (UNI) et encourage l’investissement de la diaspora algérienne. Mais ce morcellement se retrouve aujourd’hui face à une urgence d’unifier les voix pour être une force de frappe vis-à-vis de l’Etat. Les patrons algériens l’ont bien compris. Le rapport entre l’Etat et le secteur privé devient de plus en plus tendu depuis que le climat des affaires en Algérie a été pénalisé par le déséquilibre entre nationaux et étrangers. Sur les 1.800 entreprises privées que compte le secteur de l’industrie, 1.400 sont considérées au bord de la faillite selon les déclarations de la CGEA. Dans le secteur du bâtiment par exemple, ce sont les entreprises turques qui font l’objet de critiques de la part des entrepreneurs locaux, comme étant «des entreprises jouissant de la complicité des directeurs des donneurs d’ordre et des walis dans le secteur du bâtiment». Ces entrepreneurs ne manquent pas l’occasion pour dénoncer la marginalisation des entreprises privées algériennes au profit des entreprises publiques et étrangères. Cette faiblesse vis-à-vis des choix de l’Etat algérien quant à la prise de décision sur les orientations économiques se confirme aussi pour d’autres secteurs comme les services ou l’agriculture. Ce qui ne peut qu’aggraver encore la fragilité du tissu économique algérien.

Sur les 1.800 entreprises privées que compte le secteur de l’industrie, 1.400 sont considérées au bord de la faillite

D’ailleurs, l’emprise du politique sur l’économique est tellement importante que le patron d’un grand groupe algérien qui a des intérêts au Maroc s’y rend très souvent dans la discrétion totale. Il veille soigneusement à ne rencontrer personne de ses homologues marocains d’une façon formelle au risque d’attirer les foudres du régime.
Mais, il y a un semblant d’unification chez le patronat qui pointe son nez depuis un moment en Algérie, ce qui annonce peut-être la création d’une réelle formation regroupant tous les représentants du secteur privé, à l’image de la CGEM au Maroc.

Un semblant d’union
En octobre 2013, une formation a vu le jour réunissant les 8 organisations patronales les plus influentes et s’est fait appeler Confédération du Patronat Algérien (CPA) et dont le président est Abdelouahab Rahim, PDG  d’Arcofina, un groupe multi métiers. L’objectif de sa création était de participer aux tripartites avec l’Etat et l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). L’UGTA est pour rappel le seul syndicat reconnu par les pouvoirs publics algérien, qui revendique 4 millions de membres et a comme secrétaire général Abdelmadjid Sidi Said. Cette tripartite a abouti à la signature d’un pacte économique et social dont les objectifs sont, entre autres, d’accélérer les réformes économiques, de développer des systèmes sociaux, de relancer le crédit à la consommation et de mettre à niveau les entreprises. Ce pacte intervient huit ans après un premier pacte signé en 2006. La continuité et le renforcement de cette formation pourraient être la solution à cette atomisation, et représenter un début d’unification de toutes les représentations patronales.