Parce que Casa le vaut bien
La ville ambitionne de devenir patrimoine mondial. Explications de l’architecte Rachid Andaloussi.
Pourquoi vouloir classer Casablanca patrimoine mondial?
Pour qu’une ville soit classée patrimoine mondial, il faut qu’elle détienne des biens patrimoniaux que l’on ne peut pas trouver ailleurs. Bien qu’elle ne soit pas millénaire comme Fès, Casablanca a tous les atouts pour prétendre à ce statut, avec son patrimoine du 20ème siècle. Casablanca était en effet un vaste champ d’expérimentation pour le mouvement moderne. Elle a ainsi été, avec Sydney, la ville où on a essayé et appliqué pour la première fois la notion de propriété, à travers la conservation et le cadastre. Plus encore, l’urbanisme est né avec la ville de Casablanca, puisqu’avant 1910, cette notion n’existait pas. C’est la ville où on a construit l’un des premiers immeubles avec parking au sous-sol (immeuble Assayag) parce que la ville a été conçue comme ville pour voitures, d’où d’ailleurs l’existence de larges boulevards conçus pour l’usage de ces nouveaux véhicules. C’est une ville née avec le cinéma, d’où la présence d’une trentaine de salles de cinéma qui datent de ces années-là. Casablanca est née avec l’aviation, de l’Aéropostale. Et elle a abrité la première conférence mondiale pour mettre fin à la guerre en 1943. Sans oublier que c’est à Casablanca que les performances du béton en tant que matériau de construction ont été expérimentées. Et enfin, Casablanca est la ville de l’art déco et avec l’attestation des plus grands architectes, urbanistes et intellectuels.
Que gagne Casablanca en devenant patrimoine mondial ?
Si l’association de Casamémoire a réussi à faire inscrire sur la liste du patrimoine national plus d’une centaine de bâtiments, elle ne peut pas prendre en charge tout le reste. Mais avec un statut de patrimoine mondial, la ville pourra bénéficier d’un cadre juridique différent. Elle sera régie par des lois à l’international et aucun des bâtiments classés ne pourra être démoli, quel que soit le propriétaire. Plus encore, il est possible de lever des fonds à l’international pour la préservation et l’entretien de sites historiques identifiés. Mais encore, le fait de disposer du label de l’Unesco est un avantage certain pour Casablanca en tant que destination touristique.
Pensez-vous que le plan d’urgence élaboré par la ville est la solution?
Je pense plutôt que la solution pour une ville comme Casablanca est l’application de la régionalisation avancée. C’est ce système de gouvernance qui donnera à la ville tous ses moyens humains et financiers. J’estime aussi que la mission des élus doit s’arrêter au législatif et ne pas s’atteler également à l’exécutif. La mission du conseil de la ville sera de réfléchir, donner des stratégies, des directives pour la ville, et c’est au gouvernement d’appliquer ces directives.
