Les nouvelles connexions américaines
Pendant longtemps, les relations Maroc-USA étaient réduites à un dossier du Sahara qui n’en finit pas et à un accord de libre-échange boiteux. Aujourd’hui, le bouillonnement politique régional a érigé le Maroc en un partenaire incontournable pour les Américains.
«La semaine de S.M. le Roi Mohammed VI à Hawaï traduit une forme nouvelle de manifestation de l’appui, joint à l’admiration pour ce que le Maroc entreprend sur le plan démocratique, des Droits de l’’Homme, de la modernisation économique, du progrès social et de l’ouverture sur les cultures et les civilisations du monde», a souligné Driss Guerraoui, coordinateur de ce grand évènement organisé, du 28 novembre au 2 décembre, à Honolulu.
Ainsi démarrait la dépêche MAP, qui a rapporté cette curieuse nouvelle. Car qu’est-ce qui lie le Maroc à cette île si lointaine? Et pourquoi organiser une semaine du Roi et non pour le Maroc? Plus loin, quel était le rôle de Driss Guerraoui, secrétaire général du Conseil économique et social et ancien conseiller à la Primature dans ce rapprochement? La nouvelle soulève plus de questions qu’elle n’en résout. Mais force est de constater que l’enjeu était beaucoup plus de gérer l’image du Roi en personne dans une île, connue pour être la terre de naissance de Barak Obama. Pour le Maroc, c’est un bon coup que de positionner le Roi dans ce lieu qui compte émotionnellement pour le président américain et où il passe plusieurs mois par an, surtout qu’il n’est un secret pour personne que les sentiments de ce dernier pour le Maroc ne sont pas aussi forts que ceux de sa secrétraire d’Etat aux Affaires étrangères Hillary Clinton, et qu’il n’y a jamais eu de visite officielle entre les deux chefs d’Etat, durant les quatre années de mandat de Barak Obama. Ceci est une réelle entorse à une tradition marquée. En 1961, Hassan II rendait visite à John Kennedy. En 2000, Mohammed VI rencontrait le démocrate Bill Clinton et, en 2002, son successeur républicain Georges Bush. D’ailleurs, jamais les relations Maroc/USA n’ont été au beau fixe que sous les Républicains.
L’arrivée d’Obama a été une coupure dans ce processus, même si le Maroc oeuvrait pour une rencontre. En septembre 2010, le Roi Mohammed VI se rendait à l’Assemblée générale de l’ONU. C’était l’occasion espérée pour une poignée de main, qui n’a pas eu lieu…
Notre amie Hillary
Le second mandat d’Obama verra-t-il une visite officielle du Roi Mohammed VI à la Maison Blanche?, surtout que les appels de phare du côté marocain se font persistants. Aussitôt la réélection d’Obama annoncée, il lui adressa un communiqué de félicitations lui assurant «la ferme volonté du Royaume de poursuivre la coordination et la concertation avec les Etats-Unis pour porter encore plus haut le niveau des relations bilatérales, auxquelles le partenariat stratégique entre les deux pays amis a imprimé une dynamique renouvelée et ouvert de plus vastes perspectives».
La semaine du Roi à Hawaï ouvrira-t-elle les portes closes? Le Maroc espère et montre toute sa bonne volonté, surtout que celle qui le porte dans son coeur, Hillary Clinton, doit quitter son poste en janvier 2013, après quatre années passées à la tête de la diplomatie américaine.
Avant son départ, on sent que la secrétaire d’Etat veut cimenter la relation et la mettre sur de nouveaux piliers autres que la traditionnelle lutte contre le terrorisme et le sacro-saint dossier du Sahara. Objectif: faire du Maroc le relais des Américains dans la région. Le 12 septembre dernier, elle donne le coup d’envoi du statut avancé accordé au Maroc dans la région en présence de son homologue Saâd Eddine El Othmani. Un statut qui dépasse cette idée maintes fois exprimée dans les meetings officiels (au point de devenir un stérotype!), selon laquelle «le Maroc a été «le premier pays à reconnaître l’indépendance des Etats-Unis». Ce statut a maintenant «la volonté d’aller de l’avant vers un partenariat plus dynamique, croissant et résolument tourné vers l’avenir». Du coup, le Royaume est devenu plus agressif à l’international et sur des thématiques nouvelles et délicates pour lui, comme, par exemple, sa position anti-Kadhafi et anti-Bachar. Le 12/12/2012, le Maroc abritait la conférence des Amis de la Syrie et a reconnu, comme la centaine de pays qui figurent dans cette coalition, l’opposition syrienne comme seule représentante du pays. «Cette conférence est l’aboutissement d’efforts soutenus du Département d’État et se veut aussi la concrétisation de la volonté de Clinton de consolider davantage nos relations avec le Maroc, pas seulement sur le plan politique, mais au niveau économique également», a souligné José Fernandez, secrétaire d’Etat américain à l’Economie. Car, dans ce nouveau partenariat, politique et business se mêlent. Au même moment où la diplomatie marocaine s’active sur le volet politique, les patrons marocains s’attaquent aux affaires entre les deux pays.
«Avant son départ, Hillary Clinton veut dépasser la traditionnelle lutte contre le terrorisme et le sacro-saint dossier du Sahara»
Un accord déséquilibré dès le départ!
Les relations commerciales entre les deux pays ont connu ces dernières années un ralentissement regrettable. L’accord de libre-échange Maroc-USA signé en 2006 a en effet eu du mal à démarrer, d’où l’intérêt de profiter du dernier rapprochement politique pour lui redonner du souffle. Ainsi, une conférence maroco-américaine sur le développement des affaires a été organisée le 4 décembre dernier à Washington. Selon la représentante américaine adjointe au Commerce, Miriam Sapiro, c’était l’occasion de consolider les liens économiques pour une profitabilité réciproque et créer des secteurs d’affaires innovants et une force de travail dynamique. La conférence s’est ouverte avec l’intervention de Miriem Bensalah-Chaqroun, qui préside la confédération patronale. Accompagnée d’une délégation d’acteurs privés, la patronne des patrons a défendu le potentiel d’affaires du Royaume en vue d’attirer les investissements américains qui, sur les dix dernières années, ont atteint 7 milliards de dirhams, soit seulement 3% du total des IDE, loin derrière les 50% issus de la France. L’objectif clair de cette rencontre était évidemment de vendre les secteurs phares de l’économie marocaine, notamment l’aéronautique, l’agriculture, l’automobile et les énergies renouvelables. A ce propos, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime, Aziz Akhannouch, faisait partie du convoi diplomatique. Il s’est notamment entretenu avec Jack Kingston, congressman américain et président de la sous-commission en charge de l’Agriculture à la Chambre des Représentants, afin de renforcer la coopération agricole entre les deux pays et développer les exportations agricoles marocaines vers le marché américain, notamment dans l’Etat de Géorgie que représente Kingston au Congrès. Une décision qui s’inscrit dans la stratégie engagée par Akhannouch à la recherche de nouveaux collaborateurs pour assurer le commerce extérieur agricole qui souffre de la crise européenne. Le ministre a également renforcé ses liens avec la Russie et vise, dans les premiers mois de l’année 2013, de s’allier à la Chine. De son côté, Abdelkader Aâmara, ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, a coprésidé la troisième réunion du comité conjoint de l’accord de libre-échange, au cours duquel il a insisté sur la promotion des exportations marocaines vers les Etats-Unis qui ne dépassent pas 900 millions de dirhams, soit le quart des exportations américaines en destination du marché marocain. La question d’ouvrir une ligne maritime directe entre les deux pays a été abordée afin de faciliter les échanges commerciaux, tandis que le port de Tanger Med a été valorisé dans le cadre de la «Container Security Initiative».
Des intérêts régionaux marquent actuellement les relations Maroc-USA. Les bases sont en train d’être jetées. Mais qu’en sera-t-il après le départ de Hillary Clinton, celle qui a été la cheville ouvrière de ce rapprochement?
solutions en interne.Comment est née la semaine du Roi Mohammed VI à Honolulu ? Etait-ce l’occasion de rendre hommage à l’Etat de naissance de Barack Obama ? Quel impact un tel évènement a-t-il sur les relations Maroc-USA ? |