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Ode à la colocalisation!

Édito janvier 2013

Ode à la colocalisation!

En décembre, on a accueilli un mot nouveau dans le dictionnaire maroco-français: la colocalisation. Précisons qu’il ne vient pas d’être inventé. Il a été préparé depuis plusieurs mois par des diplomates et certains patrons marocains «avertis» qui le glissaient dans les salons avec un regard complice signifiant «qu’une ère nouvelle allait être annoncée entre les deux rives de la Méditerranée».
Et comme tout a été étudié pour accueillir «le nouveau bébé», on a choisi la date symbole du 12/12/12 pour le baptiser. «Fini la délocalisation, à bas la relocalisation… on va faire de la colocalisation!», chantaient en choeur les officiels marocains et français lors de ce forum. On serait tenté d’applaudir ce moment d’extase qui consacre le partage, d’espérer peut-être, comme certains esprits excités, que, grâce à lui, l’Union pour la Méditerranée va ressusciter. Mais la réalité est moins euphorique. Ce joli principe de colocalisation recèle trois insuffisances majeures.
D’abord, c’est un concept politique, une tentative d’apaisement d’une rue française aux abois à cause des pertes d’emploi occasionnées par les délocalisations. La preuve: juste après la signature du pacte Maroc/France, le Front National a mobilisé ses troupes pour dénoncer le prêt de 100 millions d’euros accordé par le gouvernement français à Casanearshore, dont les salariés travaillent majoritairement pour de grands groupes français. «Je refuse que nos impôts servent des délocalisations au Maroc», scandait le parti de Marine Le Pen. C’est fort, surtout que le ministre Arnaud Montebourg adopte une position contradictoire sur le sujet. A Paris, il appelle à la relocalistaion. A Casablanca, il s’aligne, comme le reste du gouvernement, sur la colocalistaion! Au dernier forum Maroc/France, il s’est même fait discret… pour éviter les tracas.
Ensuite, la deuxième insuffisance de la colocalisation est que c’est un terme qui ne veut pas dire grand-chose. Il vaut mieux parler de co-production ou de co-traitance et l’usine Renault Tanger en est le parfait exemple. A la différence de la délocalisation qui est assimilée à une extraction de la valeur dans le pays d’origine à cause de la migration de tout un processus industriel vers un pays étranger, la co-production consiste à faire fabriquer une partie de la chaîne de valeur par des travailleurs qualifiés mais moins chers, dans un pays étranger. Le Maroc est gagnant, car ses travailleurs bénéficieront de la formation, de la professionnalisation et cela permettra une remontée des filières industrielles.
Enfin, dernière insuffisance, si la colocalisation calque parfaitement à l’automobile et à l’aéronautique au Maroc, deux secteurs dotés déjà d’organismes de formation, ce n’est pas le cas des autres métiers. On se demande ce que les pouvoirs publics marocains vont proposer comme travailleurs qualifiés aux futures demandes de colocalisation dans l’hôtellerie, le BTP…! Et puis, au passage, a-t-on pensé à la logique de la colocalisation dans la gestion des villes, où les entreprises françaises ont les plus belles parts du marché (Lydec, RATP, Alstom…)?
Au final, on a bien voulu contourner un principe suspect comme celui de la délocalisation, mais on a servi à sa place un concept marketing qui peut capoter si la logique gagnant-gagnant n’est pas exécutée sur toute la ligne.