Emprunts obligataires cherchent liquidités!
Les entreprises publiques et privées n’arrivent plus à lever des emprunts obligataires. Une tendance de fond qui s’accélère avec l’assèchement des liquidités et le manque de confiance.
Lors de la dernière levée de fonds par émission d’obligations, Autoroutes du Maroc (ADM) a pu lever à peine 550 millions de dirhams sur le 1 milliard escompté. Du jamais-vu! Et il n’y a pas que ADM. Les émissions obligataires rencontrent un fiasco surprenant.
Dans le secteur privé, du 26 au 28 juin dernier, Cimat, l’entreprise du groupe de Anas Sefrioui, a demandé 3 milliards de dirhams sur le marché. Elle n’a pas pu réunir toute la somme. BMCE Capital, sa banque de placement, a dû intervenir pour compléter la mise par prise ferme. Ce qui expose naturellement la banque à plus de risques… «La banque n’a pas intérêt à garder ce papier. Elle doit le lancer sur le marché dans les meilleurs délai. Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas de repreneur. Donc, elle se trouve avec un risque encouru à cause d’une prise obligée», explique un analyste de la place.
«Pour contrer cette exposition à haut risque, Bank Al-Maghrib avait imposé aux banques de ne pas accorder plus de 20% de leurs crédits à un seul client. C’est le ratio de division du risque. Sauf que les banques dérogent à cette règle et ne le montrent pas dans leurs bilans», ajoute notre source.
L’exemple de TMPA est encore plus frappant. Du 9 au 11 mai dernier, la société en charge du port Tanger Med a levé un emprunt obligataire de 1,5 milliard de dirhams. Les investisseurs institutionnels auxquels était réservée cette levée n’avaient pas compris la réorganisation de TMSA (cf. E&E de juillet 2012). Ce qui fait que la souscription n’avait pas rencontré d’engouement et qu’elle a été difficilement bouclée. Ce qui est encore plus mystérieux, c’est que la société devait lever un autre 1,5 milliard avant la fin de l’année, mais elle ne l’a pas fait, sans explication aucune.
Pourtant, l’emprunt de TMPA était garanti par l’Etat. Normalement, quand un emprunt est garanti par l’Etat, il est assimilable au niveau risque à des Bons du Trésor. Mais visiblement, la signature des établissements et entreprises de l’Etat ne rassure plus. On l’a vu aussi pour l’ONE. Certaines banques ne se fient plus à la garantie de l’Etat accordée à cet office et demandent la signature de l’Etat lui-même.
Manque de confiance dans la solvabilité ou l’avenir de l’entreprise? Manque de liquidités tout court? Plusieurs éléments expliquent le peu d’engouement sur le marché de la dette privée.
Il semble que c’est plus le gouffre des liquidités bancaires qui explique cet état de fait. Nous sommes dans un contexte où les entreprises marocaines ont besoin de fonds pour se développer en Afrique et où les banques dopent leurs fonds propres pour se préparer à Bâle III. La preuve: en l’espace de 3 semaines, BMCE Bank a lancé deux emprunts obligataires: un de 1,5 milliard de dirhams et le deuxième de 1 milliard.
Le ministre des Finances lui-même a reconnu le déficit des liquidités en rappelant que l’essentiel du financement des besoins du Trésor, à hauteur de plus de 95%, s’est fait sur le marché intérieur. L’Etat est donc parti à l’international pour éviter de mettre la pression sur les taux d’intérêt intérieurs, provoquer un risque d’éviction de l’investissement privé et impacter négativement la croissance économique. Et cette tendance va probablement se poursuivre.