La douche froide de la TVA
Les loueurs de voitures sont dans l’impasse. Si la mesure du projet de Loi de Finances est adoptée, ils supporteront une taxe de 20% sur la totalité du prix de vente quand le véhicule est totalement amorti. La charge est estimée à 300 millions de dirhams par an. Autre bémol, la classe moyenne devrait aussi subir cette mesure. Explications.
Ce qui nuit à l’un profite à l’autre! C’est l’adage qui explique la situation actuelle du marché des voitures d’occasion. En effet, dans le cadre du projet de Loi de Finances 2013, le gouvernement a enfin permis aux concessionnaires de voitures de payer une TVA de 20% sur la vente de véhicules d’occasion, non plus sur la valeur marchande de ces véhicules, comme c’était le cas auparavant, mais sur la marge brute dégagée lors de la vente.
C’est, certes, une doléance de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (Aivam), qui a été finalement satisfaite par le gouvernement, mais d’un autre côté, c’est un coup dur pour d’autres opérateurs, spécialement les sociétés de location de voitures et les transporteurs.
Selon le président de l’Association marocaine des loueurs de voitures sans chauffeurs (Alascam), Tarik Dbilij, «cette mesure aura des implications néfastes sur toute l’activité, certaines sociétés de location de voitures risquent de mettre la clé sous le paillasson». Car, la cession des véhicules d’occasion par ces sociétés représente une part importante du chiffre d’affaires global de l’activité, soit 1,5 milliard de dirhams sur les 4 milliards de dirhams que génère le secteur.
Impact sur le secteur…
Concrètement, cette nouvelle taxe est un coût supplémentaire sur l’activité des loueurs de voitures, qui aura immédiatement un impact négatif très important sur l’exploitation voire sur la survie de ces entreprises durant les cinq années à venir, particulièrement dans une conjoncture extrêmement difficile, due en particulier à la crise économique et sociale qui touche les principaux pays émetteurs ainsi que l’activité corporative du secteur. «L’impact net sur notre secteur, dû à la nouvelle taxe et minoré des bénéfices d’impôts sur les sociétés, est très important. Il devra être supporté par la trésorerie des entreprises opérant dans le secteur puisque les prix sont déterminés au moment de l’acquisition du véhicule et de sa mise à la disposition du client, notamment pour la location longue durée (LLD) qui représente près de la moitié du parc. Il ne peut en aucun cas être répercuté sur la clientèle», explique Dbilij.
En effet, il faut dire que le modèle économique, adopté par cette profession, consiste à facturer à la clientèle des loyers sensiblement égaux au prix de revient et de réaliser la marge bénéficiaire à la revente du véhicule. Si, éventuellement, les sociétés de location longue durée venaient à être impactées par cette disposition de la Loi de Finances 2013, «elles devraient supporter un coût supplémentaire de 500 millions de dirhams étalé sur les trois prochains exercices, soit près de 166 millions de dirhams par an, correspondant à deux fois la masse bénéficiaire annuelle du secteur», nous explique un professionnel du secteur. En d’autres termes, cette mesure mettrait en faillite immédiate tout un secteur d’activité et priverait l’établissement définitivement de recette d’impôts directs et indirects, sans compter la perte d’emplois engendrés. Ainsi, pour réagir à cette loi, les professionnels du secteur comptent présenter leurs amendements à la deuxième Chambre tout en espérant que le gouvernement n’appliquera cette TVA que sur la vente de biens d’occasion acquis à partir du 1er janvier 2013. Ce qui revient à demander à ce que le stock de véhicules acquis à l’état neuf, ces cinq dernières années, ne soit pas concerné par cette mesure.
«Les sociétés de location de voitures devraient supporter un coût supplémentaire de 500 millions de dirhams, étalé sur les trois prochains exercices»
… Mais aussi sur la classe moyenne
Un autre abcès devrait être crevé dans les jours à venir. Ce dernier concerne la tournure dudit texte. En effet, à la lecture de la Loi de Finances 2013, cette disposition ne viserait que les commerçants de biens d’occasions. De source officieuse, les opérateurs ont appris que cette disposition intègrerait, en plus des sociétés de location de voitures, les sociétés de leasing et de crédit. Dans l’esprit du ministre des Finances, et comme défini dans le texte de loi, «les commerçants revendeurs des biens d’occasion réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 2.000.000 de dirhams, sont passibles de la TVA au taux de 20%». Donc, les sociétés de leasing, établissements de crédit et loueurs automobiles ne sont pas concernés par le champ d’application de cette disposition. Toutefois, les informations à disposition de ces acteurs laissent entendre que la Direction générale des impôts intègre les sociétés de leasing, crédits et loueurs automobiles dans cette disposition. Donc, il y aurait lieu de clarifier explicitement que cette disposition ne s’applique pas aux sociétés de leasing, crédits et loueurs automobiles. Donc, si cette information sournoise était vraie, quel serait son impact? Si cette mesure venait à être adoptée, elle serait perçue par les 80.000 particuliers concernés comme un dispositif de taxation nouveau et imprévu, les piégeant, d’une part, et les obligeant à payer près d’un mois de salaire pour faire face à cette taxe. En fait, les professionnels du secteur recensent près de 80.000 particuliers (essentiellement des salariés), concernés par cette disposition, dont 70% font partie de la classe moyenne avec des montants de véhicules financés de 149.000 dirhams.
Le comble, c’est l’apparition d’une nouvelle mesure touchant toujours les salariés de la classe moyenne. Elle concerne la suppression de la gratuité qui touche les biens d’occasion acquis en LOA (location avec option d’achat). La mesure stipule qu’un consommateur qui a acheté une voiture en LOA devra s’acquitter de 20% de l’avance considérée comme option d’achat à la fin de son crédit. Encore une situation qui risque d’affecter autant les clients potentiels que les concessionnaires de voitures, que les marques assureurs et toute une branche de l’économie.
Bref, il est essentiel de souligner que, pour le gouvernement, l’objectif de cette disposition vise à développer l’activité de vente des véhicules d’occasion par les concessionnaires automobiles, qui est actuellement du ressort presque exclusif du secteur informel. Mais en essayant de remédier à un fléau, ce dernier risque d’en créer d’autres aussi importants.