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Sonasid fait grise mine

Entreprises novembre 2012

Sonasid fait grise mine

Le sidérurgiste peine à renouer avec les résultats. D’un côté, les provisions sur sa filiale Longométal Armatures ont fortement impacté son résultat consolidé, de l’autre, la crise dans les pays du Sud de l’Europe a aggravé la surcapacité régionale. De ce fait, les industriels européens écoulent leurs excédents sur le marché marocain.

L’annonce de la fermeture définitive des hauts fourneaux de Florange en Moselle par la direction d’Arcelor Mittal n’aura pas d’impact sur l’activité sidérurgique de Sonasid au Maroc. En tous cas, c’est ce qu’assure Ayoub Azami, le directeur général de Sonasid. «Nous avons le soutien total de notre actionnaire et nous ne sommes pas concernés par les fermetures d’usines de la multinationale. Le fait est qu’Arcelor Mittal tente d’optimiser ses actifs; elle dispose de 60 usines qui tournent à seulement 50% et donc la décision de la fermeture est compréhensible», déclare-t-il. Ceci dit, le sidérurgiste marocain ne subira aucun impact de la part de son actionnaire de référence Arcelor Mittal qui détient le capital de la société Nouvelles Sidérurgies Industrielles (NSI) à parts égales avec SNI. Rappelons que NSI détient 64,86% des parts de Sonasid. Bien que l’appartenance à la grande multinationale n’ait eu aucun effet sur l’activité de Sonasid, le sidérurgiste national s’est vu annoncer un Profit Warning pour ses résultats du premier semestre 2012.

Laminé par les importations
En effet, le métallurgiste affiche des résultats semestriels, comme annoncé, en recul par rapport au premier semestre 2011 et aux prévisions. Car, bien que le volume de ventes locales ait progressé de 4%, le chiffre d’affaires consolidé de la société a légèrement baissé de 1,3% à 2,7 milliards de dirhams pour un résultat net consolidé déficitaire de 13 millions de dirhams. Pour la même période en 2011, la société avait affiché un bénéfice de 92 millions de dirhams. Ces performances en berne sont attribuées en premier lieu à la crise mondiale et ses conséquences sur les pays de l’Europe du Sud qui ont engendré une surcapacité régionale depuis le 2ème trimestre, estimée à 40%. Quoique relativement stable au niveau mondial (+1%), la croissance du marché de l’acier est en très net recul au niveau de l’Europe du Sud (-13% par an en moyenne en Espagne). Azami précise dans ce sens que «cette situation a conduit à une très nette hausse des importations en provenance de l’Europe du Sud et à une guerre des prix. Elles ont ainsi impacté négativement les ventes de l’ensemble des producteurs marocains». D’ailleurs, le total des importations à fin mai des produits métallurgiques était de 91.000 tonnes, soit presque le volume enregistré sur la totalité de l’année 2011 (112.000 tonnes). La part de marché des importations est donc passée à 20% au lieu de 6% une année auparavant. Ce qui se traduit par une baisse de 3% à 4% des marges des opérateurs marocains qui ne peuvent pas résister à l’offensive des industriels européens qui écoulent leurs excédents au Maroc. Il s’y ajoute un nouveau concurrent mondial dans le secteur sidérurgique, qui n’est autre que la Chine. Un pays qui écoulait ses tonnes en interne mais, avec la crise, a commencé à exporter et il s’est ainsi lancé dans une concurrence mondiale déjà très acharnée. Toutefois, Azami montre sa confiance en assurant que «ce sont certes des éléments impactant le secteur, mais il ne faut pas oublier les caractéristiques du marché de la sidérurgie. Ce dernier est très mondialisé, spéculatif, cyclique, mais qui rebondit vite».

«Le marché de la sidérurgie est très mondialisé, spéculatif, cyclique, mais qui rebondit très vite», explique Selon Azami.

Longométal Armatures accentue la baisse
Sonasid a également été impactée défavorablement par les provisions à hauteur de 40 millions de dirhams, constituées sur sa filiale Longométal Armatures suite à un audit diligenté par le sidérurgiste. «Cet audit a conduit au changement du management de Longométal Armatures et à des poursuites judiciaires à l’encontre de l’ancien directeur délégué de la filiale, en fonction jusqu’en novembre 2011», affirme Azami. Cet audit a révélé une gestion antérieure ayant entraîné un certain nombre de risques liés aux créances clients et aux stocks chantiers, explique le management de la société. La phase de redressement de la filiale spécialisée dans les armatures a été entamée dès le constat des faits et vise le renouement avec une contribution positive en 2013.
Au-delà de l’impact de sa filiale Longométal Armatures, Sonasid souffre également de l’impact de l’inflation des prix de la ferraille locale et qui n’a pas été répercutée sur les prix de vente. Sur ce niveau, la production de Sonasid se base sur un pourcentage de 50% d’importation de la ferraille, et les autres 50% sont fournis par le marché national. Azami explique que «cette répartition se fait en fonction du besoin de la société mais surtout selon la volatilité des prix au niveau international». Car, aujourd’hui, le Maroc génère 500.000 tonnes de ferraille par an et le besoin du marché sidérurgique s’élève à deux millions de tonnes. Afin de mesurer l’impact des importations sur le marché local, «nous avons déposé une requête au ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies. L’enquête officielle a démarré le 25 septembre et toute importation de fil machine et rond à béton est désormais soumise à une déclaration préalable d’importation à l’Office des changes pour une durée de neuf mois. Le ministère statuerait sur les résultats de l’enquête au courant de ce mois», note Azami.
D’un autre côté, Sonasid pointe du doigt le climat des affaires marqué par une tension sur les liquidités; il a contribué au resserrement des conditions d’assurance de couverture client. En effet, à la mi-avril, les sociétés d’assurance spécialisées dans le recouvrement de créances ont baissé systématiquement l’ensemble des encours à 25 millions de dirhams en se basant sur leur analyse de risque. La tension sur les liquidités a contribué également au recours accru aux pratiques informelles. A cela s’ajoute une croissance moindre que celle attendue, engendrée, en partie, par le retard du démarrage des investissements publics en infrastructures.
Afin de faire face à la pression de la concurrence, Sonasid veux accélérer la mise en œuvre de ses plans d’action stratégiques. «Il s’agit de l’optimisation des coûts, de l’amélioration des performances techniques de l’outil industriel, de la consolidation des actions relatives à la distribution et de la montée en régime de la plateforme de préparation de la ferraille», détaille Azami. La société travaille actuellement sur une plateforme de broyeur pour la préparation et la transformation de la ferraille dans l’objectif de réduire les coûts et augmenter son rendement de près de 1%. «Nous avons mis en place un plan d’adaptation au nouveau contexte. Le second semestre sera impacté par le paramètre exogène de la conjoncture internationale et des menaces d’import. Un travail de fond entre les acteurs du secteur et les pouvoirs publics est en cours», relève le management de la Sonasid.

Les sidérurgistes en colère

L’Association des sidérurgistes du Maroc (ASM) a introduit à fin août 2012 une demande de clause de sauvegarde auprès du ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies. Une requête à laquelle l’Association a joint un plan d’actions de développement de l’industrie qui s’étale jusqu’à 2017. Si des clauses de sauvegarde sont appliquées, les sidérurgistes auront droit à 4 ans de répit. Le temps de permettre à une jeune industrie de se développer, à part Sonasid et Maghreb Steel, cinq opérateurs ont lancé leurs activités dans les années 2000.
C’est un engagement pour mettre en place un bouclier de défense commerciale. Les sidérurgistes déploient ainsi une stratégie basée sur 7 axes: intégration en amont (production de ferraille), efficience énergétique, investissements technologiques, qualification des ressources humaines, renforcement de la réglementation, renforcement des capacités logistiques et développement de nouveaux produits… En effet, la particularité de la sidérurgie marocaine: «son procédé de production est basé sur le fondu électrique de la ferraille. Cette dernière représente 75% du coût de revient. Le but est de structurer la collecte et le traitement de la ferraille dont 1,4 million de tonnes sont importées», précise Azami, président de l’Association des Sidérurgistes du Maroc. En ce qui concerne le volet énergétique, l’objectif de l’ASM est d’optimiser l’utilisation de l’électricité et du fuel. Le recours aux énergies vertes est prévu également en récupérant l’énergie produite dite «thermique» et l’investissement dans le photovoltaïque et les éoliennes. Cette dernière option est en cours d’étude. «Des discussions ont été entamées avec les producteurs d’énergie éolienne dans le cadre de convention d’approvisionnement», indique Azami.