Invasion attendue d’hôtels low cost
Avec le lancement de trois projets de réseaux d’hôtellerie très économique, ce segment semble avoir le vent en poupe. Garantissant une rentabilité intéressante et proposant une qualité et des services attractifs, ces hôtels d’un genre nouveau sont-ils une niche de croissance ou s’agit-il d’un revirement stratégique?
Développé depuis près d’une vingtaine d’années en Europe, le concept d’hôtellerie très économique semble faire des émules au Maroc. Le concept est simple: proposer des chambres normalisées avec un lit, une douche, en plus d’un petit-déjeuner et d’une connexion Internet. Le tout à moins de 300 dirhams. C’est le pari que se sont lancé en premier les groupes Risma et Akwa il y a deux ans avec la chaîne Etap Hôtel rebaptisée Ibis Budget.
Avec 4 hôtels déjà en exploitation par Accor gestion, et 4 autres prévus pour 2014, le concept semble séduire. Le choix d’Akwa comme partenaire stratégique pour le développement du projet n’est pas anodin. La création de la Société marocaine d’hôtellerie économique (SMHE SA), joint-venture détenue à part égale entre Akwa et Risma, est une nécessité du modèle économique de ce genre d’hôtellerie. «Nous nous sommes appuyés sur Akwa car le groupe a déjà une grande expérience dans le développement d’activités à grande échelle autour de ses stations services», confie Marc Thépot, vice-président de Risma.
Mais la vraie raison réside dans la compression des coûts. En effet, la viabilisation à bas prix du foncier des stations services Afriquia détenues par Akwa permet quasiment de neutraliser le coût du terrain. Un concept piqué au vol par Autoroutes du Maroc avec son projet d’hôtels à côté des axes autoroutiers.
La société vient donc de lancer, en juillet, un appel d’offres public pour l’octroi de concessions pour la construction et l’exploitation d’unités hôtelières à proximité des aires de repos. Les opérateurs sélectionnés en septembre auront la charge de proposer les sites, de construire par leurs propres moyens financiers et d’exploiter les hôtels pour une durée de 15 ans, en contrepartie du versement d’une redevance annuelle à l’entreprise publique. D’ailleurs, d’autres opérateurs semblent s’enfoncer dans la brèche, ainsi une autre nouvelle parlerait de l’ouverture prochaine du premier hôtel géré par la chaîne française B&B (Bed & Breakfast) Hôtels à Rabat, à l’emplacement de l’ancien bâtiment qui abritait le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’ambassade de France en plein cœur de la capitale. La première unité d’un réseau de 15 hôtels très économiques urbains sous l’enseigne B&B. «Il y a un vrai marché à destination de la clientèle d’affaires ou familiale, notamment jeune», confirme Thépot, se référant à l’étude marketing poussée menée par le groupe.
«L’augmentation de la capacité litière dans ce genre de segment ne va–t-elle pas contribuer à renforcer la crise des nouvelles unités 3 et 4 étoiles ?»
Le réseau, clé du succès
En fait, l’objectif des opérateurs qui veulent s’attaquer au secteur est bien simple: attaquer les parts de marché des hôtels traditionnels des centres-villes en offrant des éléments de confort et de modernité à des prix imbattables, en plus d’une normalisation du service sur toute la chaîne. Ainsi, face à des exigences des consommateurs de plus en plus élevées au niveau qualitatif, tout en voulant limiter les dépenses et, d’autre part, vu l’état et la qualité de l’offre des hôtels «bon marché» traditionnels, une place se trouve grande ouverte sur le marché pour qui sait offrir le bon produit.
«L’effet réseau est très important, nous visons 24 Ibis Budget sur 8 ans», affirme Thépot. Et c’est là où réside le défi! «Il ne suffit pas de construire un hôtel. Il faut une marque forte pour le rentabiliser», poursuit-il. Et la rentabilité n’est garantie que par le réseau.
Face à des clients qui ne veulent pas avoir des surprises, le réseau offre des avantages certains. La notoriété de la marque et la cohérence de l’enseigne impliquent des produits clairement définis et connus par le client, ce qui rassure et en même temps fidélise.
Une pénétration rapide du marché est ainsi permise à la marque, contrairement aux hôtels traditionnels. D’ailleurs, la normalisation de la qualité permet aussi de minimiser les coûts: «Pour rester dans nos fourchettes de prix, nous avons besoin d’hôtels qui ne coûtent pas à la construction plus de 300.000 dirhams la chambre. En plus des synergies en termes de charges de formation des ressources humaines, des achats…», précise le vice-président de Risma. Avec le réseau, ce sont des économies d’échelle garanties.
Mais ce genre d’offres ne cannibaliserait-il pas les autres offres d’hôtels étoilés? Marc Thépot rassure, même s’il confirme, par ailleurs, que le groupe veut atteindre 15% de son chiffre d’affaires sur ce segment. Dans un contexte de crise mondiale et à un moment où le low-cost a le vent en poupe, l’augmentation de la capacité litière dans ce genre de segment ne va–t-elle pas contribuer à renforcer la crise des nouvelles unités 3 et 4 étoiles, qui sont déjà en crise dans les plus grandes villes touristiques du Maroc?
Une rentabilité intéressanteDe fait, des flux financiers intéressants peuvent être dégagés quand la masse critique est atteinte. Une réalité que ne cache pas le management de Risma en déclarant, lors du lancement du premier projet: «Nous ne pouvions pas ne pas y aller. L’hôtellerie économique dégage du cash-flow dès la première année». Ainsi, tandis que la rentabilité des capitaux employés (ROCE) dans un hôtel haut de gamme atteint 5 à 8%, l’hôtellerie économique peut atteindre facilement les 15%. Ce qui pousse les fonds d’investissement à l’international à s’intéresser à ce type d’hôtellerie. Ainsi, des fonds comme Starwood Capital, le Groupe Carlyle ou Blackston ont misé de grosses sommes pour prendre le contrôle de groupes très présents dans l’hôtellerie économique (Louvre Hôtels, B&B, La Quinta…). |
B&B Hôtel Un groupe d’avenirL’ouverture du 1er B&B Hôtel à Rabat est un événement en soit. La franchise créée en 1990 à Brest en France, est une success story. Installé au Maroc grâce à Hassan Ait Ali, celui-ci compte ouvrir une quinzaine au niveau national. B&B Hôtels se présente comme le troisième acteur français de l’hôtellerie économique derrière Accor et Louvre Hôtels avec près de 13.200 chambres et 183 hôtels. Son réseau compte 223 hôtels au total entre la France l’Allemagne et des pays d’Europe Orientale. Après être racheté en 2005 par le fonds d’investissement Eurazeo ce dernier la cède au géant mondial Carlyle group en 2010 pour 184 millions d’euros. |