Bombardier: Atterrissage réussi sur Nouaceur
L’arrivée de Bombardier dans l’industrie aéronautique marocaine marque le développement d’un secteur de haute technologie, sur lequel misent les autorités. Une consécration pour les efforts fournis par ministères et industriels pour faire du Maroc un hub en plein essor.
L’industrie aéronautique n’a qu’à bien se tenir : un géant d’érable l’a dans sa ligne de mire. Le canadien Bombardier, troisième employeur et vendeur aéronautique après Boeing et Airbus, et quatrième en production annuelle d’avions commerciaux, a officialisé son entrée au parc aéronautique de Nouaceur. Une nouvelle qui donne des ailes à un secteur en émergence. Investissement: 200 millions de dollars sur 8 ans.
Il y a dix ans, Nouaceur comptait 6 industriels. Aujourd’hui, ils sont 106, dont 90% français, qui emploient 10.000 salariés et portent leur chiffre d’affaires à l’exportation à 1 milliard de dollars. Avec une croissance moyenne de 15 à 20%, l’industrie aéronautique est une des locomotives de l’économie nationale.
Ne serait-ce que dans le domaine du câblage électrique, le Maroc est devenu le quatrième producteur mondial derrière l’Europe, les Etats-Unis et le Mexique. Les ministères du Transport, de l’Industrie et du Commerce ou encore des Finances, œuvrent de concert pour faire de ce pan industriel un mastodonte de la faune économique internationale. Même la fine presse étrangère n’hésite pas à saluer l’arrivée de Bombardier au Maroc qui, selon le Wall Street Journal, reflète l’émergence du Royaume en tant que «hub en plein essor» pour l’industrie aéronautique mondiale.
En début d’année, une délégation marocaine, menée par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Abdelkader Aâmara, avait déjà tâté le terrain québécois pour vanter les atouts du Royaume, notamment son positionnement en tant que hub régional auprès de l’Association Québécoise de l’Aérospatial. On apprenait par la suite que le groupe avait signé, en juin, une promesse de vente d’un terrain sis à Nouaceur, avec Midpark Invest. Enfin, le 18 septembre dernier, le groupe canadien a officialisé son arrivée en grande pompe: son président, Guy Hachey, est reçu en audience par le Roi en personne. C’est dire le poids de Bombardier dans l’industrie aéronautique.
«Nous ne sommes pas dans le paradigme de la délocalisation, nous sommes dans des centres d’excellence»
Une industrie de taille pour un géant d’acier
Le choix de Bombardier d’installer son usine au Maroc n’est pas hasardeux. Pierre Beaudoin, PDG du groupe, le qualifie même de «nécessaire». Car l’attrait de l’industrie marocaine réside essentiellement en ce qu’elle bénéficie d’une compétitivité de taille. Avec une main d’œuvre qualifiée et bon marché, un faible coût de transport d’expédition, et une proximité avec l’Europe, le Maroc offre à Bombardier une opportunité certaine de maintenir sa compétitivité à l’échelle internationale, que renforce l’engagement du gouvernement à développer ce secteur.
Hamid Benbrahim El-Andaloussi, président du Groupement des Industriels Marocains de l’Aéronautique et du Spacial (GIMAS), explique que le secteur ne présente pas d’activités d’atelier déporté. «Nous ne sommes pas dans le paradigme de la délocalisation, nous sommes dans des centres d’excellence, du même niveau qualitatif que l’Europe et les Etats-Unis». Il précise qu’il s’agit d’un «nouveau modèle économique, celui de la colocalisation». Ainsi, les entreprises leaders avec des perspectives de développement colocalisent une partie de leur activité au Maroc. C’est le cas de Bombardier, qui souhaite ainsi compléter ses bases mexicaine et irlandaise. Le Royaume deviendrait en quelque sorte pour l’Europe, ce qu’est le Mexique pour les Etats-Unis.
La zone franche de Nouaceur, qui accueillera dès janvier 2012 l’usine Bombardier, est également dotée de ce que Benbrahim El-Andaloussi appelle «la disponibilité des talents». Créé il y a dix-huit mois par la collaboration des industriels de l’aéronautique et de l’Etat, l’Institut Marocain de l’Aéronautique représente, dans ce secteur, le premier élément de compétitivité. «La qualité des ressources humaines y est compatible avec l’exigence de l’aéronautique», explique-t-il. Suivant le modèle allemand, l’Institut prodigue une formation qualifiante par alternance de 6 à 8 mois à ses techniciens qui sont par la suite directement recrutés par les industriels. En 2011, il a déjà formé 350 techniciens pour qui l’emploi était garanti à la sortie, et il est prévu d’en former plus de 600 l’année prochaine, dont une trentaine de Bombardier actuellement en cours de formation.
L’arrivée de Bombardier signe, pour le Maroc, la première phase de développement de sa base aéronautique. «Nous avons une opportunité stratégique historique, surtout que le très fort développement du secteur contraste avec la crise économique actuelle», rappelle Hamid Benbrahim El-Andaloussi.
En effet, l’aéronautique connaît actuellement un essor remarquable, tiré par la forte demande originaire du Sud-est asiatique et des pays du Golfe, et que génère un besoin de renouvellement de certains avions, grands consommateurs de pétrole. Le Maroc se positionne dans cette optique et prévoit, pour les années 2014 à 2017, une montée en cadence très forte de la production des avions.
Des retombées économiques au-delà de l’aéronautique
Bombardier au Maroc, c’est d’abord 850 emplois directs et 4.000 indirects. Le groupe canadien, qui bénéficie d’une exonération fiscale pendant cinq ans ainsi que d’un taux préférentiel de l’IS sur une période de vingt ans, profite donc à l’aéronautique en terme d’emploi, mais pas uniquement.
«Son arrivée va permettre d’attirer les grands industriels, mais également les PME», explique Benbrahim El-Andaloussi. «Le Maroc est prêt à répondre à cette demande et tirer profit de cette opportunité».
Mais, précise-t-il, «à partir du moment où vous avez réussi dans l’aéronautique, vous pouvez réussir dans d’autres domaines qui utilisent de la haute technologie». Ainsi le Maroc espère ouvrir ses portes aux industries de la défense, de la sécurité ou encore de l’électronique de pointe.
En tout cas, l’arrivée de Bombardier ne permet plus de douter de la qualité de l’industrie aéronautique nationale. Et l’on se plaît à croire que «nous ne sommes pas dans la délocalisation, mais dans l’excellence». Du moins, pour le moment.