fbpx

Mohamed Raihani|Président directeur général de Shell

Interview septembre 2010

Mohamed Raihani|Président directeur général de Shell

On croyait que la course pour la reprise de Shell Maroc allait être animée entre Akwa Group et Oil Libya. Il n’en fut rien. Le distributeur a choisi de négocier avec deux fonds d’investissements internationaux. C’est la recherche d’une rentabilité financière qui semble dicter ce choix.

Pourquoi voulez-vous céder une partie de vos activités et où en sont vos négociations avec les fonds d’investissement Hélios et Vitol ?
Cette évolution fait suite à une annonce faite précédemment par Shell, indiquant qu’elle examinait ses options quant à ses activités de distribution en Afrique, conformément à sa stratégie qui consiste à recentrer ses activités aval dans le monde sur un nombre restreint de marchés plus significatifs.
Shell, Vitol et Helios ont entamé des négociations exclusives qui portent sur l’acquisition potentielle par Vitol et Helios de participations dans les activités aval de Shell dans 19 pays d’Afrique.
Si l’accord est conclu, Shell conservera une part minoritaire dans la nouvelle société, du fait que les nouveaux actionnaires potentiels n’aient pas de marque commerciale.
Vitol et Helios ont montré une forte volonté de conserver la marque Shell pour s’assurer que les clients continuent de bénéficier de tous les avantages offerts par la marque Shell et ses produits. 

Avez-vous été approché par d’autres groupes?
Au vu des négociations commerciales en cours, ces informations sont confidentielles et ne peuvent être divulguées. La clause d’exclusivité inclut que Shell ne tiendra des discussions avec aucun tiers autre que Vitol et Hélios pour l’instant.
D’autres annonces seront faites, quant à l’état d’avancement des discussions au moment approprié. En parallèle, Shell poursuivra normalement ses activités.

Pourquoi Shell a préféré se réorienter vers les fonds d’investissements et non des professionnels du marché?
Vitol, qui opère depuis près de 60 ans, est l’un des principaux acteurs des marchés mondiaux de l’énergie. Vitol est, en outre, la plus grande société indépendante de courtage pétrolier au monde. Son portefeuille englobe le pétrole brut, les produits pétroliers, le GNL (Gaz naturel Liquéfié), le gaz naturel, l’électricité et les émissions de carbone.  À l’échelle mondiale, Vitol négocie chaque jour plus de 5,5 millions de barils de pétrole brut et d’autres produits. Vitol opère en Afrique depuis plus de 40 ans. Son intérêt pour la reprise d’une partie des activités de Shell en Afrique témoigne de sa volonté stratégique de compléter son portefeuille d’activités, en investissant le domaine de la distribution de produits pétroliers.
Quant à Helios, elle est dans son rôle, puisque c’est une société d’investissement privée axée sur l’Afrique. Helios gère une gamme de fonds et d’entités en co-investissement, pour un montant total d’engagements actuels de plus de 1,2 milliard de dollars.

Quelle est la vision stratégique de Shell dans le marché africain ; comparé au reste du Monde? Qu’en est-il du Maroc?
Shell a réalisé des investissements considérables en Afrique, tant dans les activités amont qu’aval.
La stratégie de l’entreprise est d’accroître son portefeuille en amont, tout en maintenant une activité aval rentable. Cette stratégie vise à renforcer le leadership mondial de Shell dans l’industrie du pétrole et du gaz, tout en fournissant un rendement compétitif aux actionnaires et en répondant de manière responsable à la demande mondiale en énergie. En aval, l’objectif est de concentrer les activités sur un nombre restreint de marchés plus significatifs et c’est dans le cadre de cette stratégie que Shell cède certaines de ses activités aval en Afrique.
Toutes les entreprises visées par l’examen du portefeuille actuel sont rentables, occupent des positions fortes sur leurs marchés respectifs, sont exploitées de manière professionnelle et offrent de bonnes perspectives de croissance aux actionnaires souhaitant investir dans celles-ci.
Cela comprend le Maroc, qui est l’un des plus rentables en Afrique. Aussi, le Maroc reste un pays très important pour Shell. En 2009, Shell Maroc a réalisé un chiffre d’affaires de 9,5 milliards de dirhams.

Vu votre expérience, comment voyez-vous le marché de la distribution d’hydrocarbures actuellement?
Au Maroc, malgré la récession économique mondiale qui a touché nos principaux pays partenaires, l’économie marocaine maintient une croissance de +4% en 2009 et au premier semestre 2010, les prévisions font état d’une croissance de +3,1%. Le marché des produits pétroliers est intrinsèquement lié à l’économie et notre activité de distribution de carburant a connu une croissance de +3% en 2009.
Ainsi, l’évolution constatée du parc automobile de +7% de 2005 à 2009 a automatiquement eu un impact sur les ventes de carburant et de lubrifiants. Il en va de même pour l’impact du secteur du tourisme sur les produits pétroliers ou pour d’autres secteurs et activités. De plus, le Maroc est engagé dans de vastes chantiers structurants, comme la construction de près de 200 km d’autoroutes par an, la réalisation de nouveaux terminaux comme à Tanger Med, qui sont fortement consommateurs d’énergie. Quant au marché de la distribution, il est dynamique et reste compétitif avec trois sociétés internationales et neuf locales.

Quel a été pour vous l’état des lieux après l’introduction du Diesel 50 ?
L’introduction du gasoil 50 ppm a été un grand succès au Maroc, auquel il faut ajouter celle du super sans plomb. Nous avons été ravis de l’adoption de ces carburants et de l’abandon total de la commercialisation du gasoil 10 000 ppm et du Super, qui ont permis une réduction des émissions de particules toxiques qui polluent l’air. Il témoigne de la volonté des autorités de faire évoluer rapidement les choses.
Le Maroc montre sa détermination à être avant-gardiste et à s’aligner sur les standards de qualité produit et environnementaux internationaux, notamment européens. `
La généralisation du gasoil 50 ppm est pour nous pleine de sens, puisqu’elle s’inscrit dans l’un des principes fondateurs du groupe Royal Dutch Shell qui est le respect de l’environnement.
Capitalisant sur cette nouvelle donne, nous sommes allés plus loin en commercialisant le Shell Diesel Extra 50, un carburant additivé innovant, qui procure une meilleure protection du moteur, contribue à une moindre consommation de carburant et est plus respectueux de l’environnement. Ce produit a été développé dans nos laboratoires internationaux de R&D et rencontre un franc succès.

Le Maroc est engagé dans une nouvelle politique gazière avec le projet Akwa-SNI. Quelles sont, selon vous, les conditions d’un bon décollage de cette politique?
Nous tenons à saluer la vision développée par le ministère de l’Energie, qui repose sur une stratégie énergétique ambitieuse faisant appel à des sources d’énergie plus respectueuses de l’environnement.
Un nouveau terminal gazier est une excellente initiative qui contribuera à assurer une plus grande sécurité d’approvisionnement, grâce au développement, au niveau national, d’une chaîne de valeur de gaz naturel liquéfié. Ce nouveau terminal favorisera également la diversification du bouquet énergétique, en augmentant la part allouée au gaz naturel.
L’un des défis majeurs à venir sera de veiller à la mise en œuvre réussie de cette chaîne de valeurs complexe, de l’approvisionnement compétitif en gaz du terminal jusqu’à la livraison de gaz aux industries consommatrices.

Que vous inspire la situation actuelle de la Caisse de compensation, qui a consommé son budget 2010?
L’Etat continue d’honorer ses engagements vis-à-vis des distributeurs. Cependant, tous les experts publics et privés s’accordent sur le fait que le modèle de la Caisse de compensation n’est plus tenable en l’état. Après une embellie, le déficit est de retour. C’est pourquoi nous espérons une refonte imminente des mécanismes de la Caisse. Plusieurs pistes sont à l’étude. Par exemple, développer un système mixte indexation-compensation. Cela avantagera le consommateur, puisqu’il permettra de faire baisser les prix à la pompe en cas de baisse du cours et continuera à subventionner en cas de hausse, mais dans une proportion plus réaliste. Cela pour rester dans une vérité des prix relative.De même, la compensation du butane devra se faire pour ceux qui en ont vraiment besoin, afin de développer une stratégie de répartition des subventions ciblées pour faire profiter exclusivement les consommateurs à revenus modestes.