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Le plan anti-crise controversé

Economie septembre 2010

Le plan anti-crise controversé

La CCG a mobilisé une enveloppe de 742 millions de dirhams pour le plan anti-crise. Malgré cela, ce dernier n’a pu sauver toutes les entreprises en difficulté. La casse demeure importante dans le textile et l’électronique.

C’est une grande question qui agite le monde économique. Le Plan anti-crise a-t-il sauvé les secteurs en difficulté? Les principaux secteurs touchés par la crise internationale semblent se remettre sur les rails, quoique certains professionnels relativisent les effets escomptés de ce plan gouvernemental. Le plan a, en effet, consisté en la prise en charge par l’État, sous forme de subventions, des cotisations patronales ainsi que de certaines dépenses de prospection et de diversification des débouchés à l’export.
Mais le plus gros des aides concerne le volet financier, pour lequel les professionnels touchés estiment, encore une fois, qu’il a plus profité aux entreprises de grande taille qu’aux PME qui constituent la majorité des entreprises lésées. Depuis le lancement du Plan de soutien à travers son volet financier, les critères de sélection des entreprises éligibles n’ont connu aucun changement. Rappelons que ces critères étaient fortement décriés par les entreprises frappées par la crise. Ces firmes jugeaient ces mesures discriminatoires car ne pouvaient bénéficier qu’aux grandes entreprises en bonne santé financière. À ce propos, la Caisse Centrale de Garantie (CCG) explique que les mesures mobilisées concernent  uniquement les entreprises impactées par les effets de la conjoncture de 2009 et dont les problèmes financiers y sont directement liés.

Une aide insuffisante
Mais comment apprécier les résultats de ces aides? «La CCG n’a pas la latitude pour évaluer les effets de son aide sur les entreprises bénéficiaires», précise Hicham Serghini, secrétaire général de la CCG.
Mais les entreprises des secteurs concernés ont leurs propres critères d’évaluation. «Nous savons que plusieurs entreprises, bien qu’elles aient bénéficié des volets sociaux et commerciaux du plan, n’ont pu survivre. Certaines ont dû réduire leurs effectifs et d’autres ont tout simplement dû fermer», se désole Tarik Aguizoul, président de l’Amith pour la zone Rabat-Salé.
En effet, au départ, le Plan d’urgence avait pour objectif de maintenir en vie le secteur de textile jusqu’au mois de juin 2009, en attendant la reprise normale de l’activité. Ces entreprises fonctionnent en mode accéléré et leur trésorerie se basent sur des prévisions, qui ne dépassent pas les trois mois. Or, avec la baisse des commandes venant de l’étranger, les mesures sociales et commerciales ont été loin de garantir les desseins du Plan d’urgence.
Le secteur de l’électronique, de son côté, a vécu les mêmes scénarios. «Les entreprises du secteur électronique, au nombre de 6,  n’ont pas tout le temps bénéficié du volet social. Pour certaines, c’était deux mois; pour d’autres, un mois seulement», affirme Farida Elasatey, présidente de l’association de l’Electronique. Et d’ajouter que «c’est un calcul à faire. Lorsque les charges salariales sont trop élevées, les PME tranchent pour la réduction de l’effectif et de l’activité».
Mais, pour la reconduite des crédits, les choses prennent une autre tournure. Le secteur du textile/habillement vient en tête avec 92% en nombre de dossiers soumis et 83% en volume des crédits mobilisés, dans le cadre du plan de soutien aux entreprises endommagées par la conjoncture défavorable. «La prédominance du secteur du textile/habillement s’explique par le grand nombre d’entreprises tournées vers l’export», note Serghini.

«Bien qu’elles aient bénéficié du plan anti-crise, plusieurs entreprises n’ont pu survivre. Certaines ont dû réduire leurs effectifs, voire carrément fermer»

La réactivité est vitale
En effet, sur les 2.000 entreprises opérant dans le secteur du textile, 1.300 sont déclarées en tant qu’exportatrices. Viennent par la suite les secteurs du cuir (6%) et des équipements automobiles (2%). Le plafond de garantie peut aller jusqu’à 9 millions de dirhams pour une durée s’étalant jusqu’à 18 mois. Cette mesure vise à faciliter, dans une période de crise, l’accès des entreprises au financement de leurs besoins d’exploitation avec, au moins, un maintien des lignes de fonctionnement déjà accordées et sans renchérissement de leur coût. Autrement dit, la CCG garantit contre le risque les banques qui reconduisent leurs lignes de crédit. C’est ainsi que la Caisse a permis de mobiliser une enveloppe globale de crédits de 742 millions de dirhams, en faveur des entreprises cibles au nombre de 119 jusqu’à fin 2009 et au nombre de 129 à juin 2010. «Le nombre d’entreprises qui ont bénéficié du concours de la CCG n’est pas exhaustif du nombre total des entreprises qui ont bénéficié de la reconduction de leurs crédits», explique Serghini. «D’autres entreprises en difficulté ont pu alimenter leurs fonds de roulement directement à travers leurs banques et sans avoir recours à la caisse, lorsque ces banques ont estimé que le risque était maîtrisé et les sûretés suffisantes», renchérit-il.
Mais les chiffres avancés par la CCG ont une tout autre signification pour les textiliens. «Le secteur du textile reste très particulier sur le plan financier. La CCG a pour mission d’accélérer les choses avec les banques pour  reconstituer les fonds de roulement. Malheureusement, il y a des problèmes de réactivité et de rapidité dans la mise en place des mesures», constate Aguizoul.

La décision aux mains de la banque
En effet, selon les résultats de l’enquête de conjoncture du 1er trimestre 2010 publiés par Bank Al-Maghrib, la trésorerie a été, au cours du premier trimestre 2010, normale pour 61% des entreprises, supérieure à la normale pour 3% et inférieure à la normale pour 36%. Cette situation a concerné toutes les branches et particulièrement les industries du textile et du cuir. La situation de la trésorerie des entreprises a été essentiellement affectée par les difficultés de recouvrement et par les charges non financières. «Il est important de préciser que ce volet ne porte pas sur l’octroi de subventions mais sur le partage du risque avec les banques marocaines, à travers l’octroi de la garantie de l’État à hauteur de 65% des crédits d’exploitation», explique Hicham Serghini, secrétaire général de la CCG. C’est-à-dire que la CCG a non pas mobilisé de l’argent directement, mais a garanti les crédits octroyés par les banques, au bénéfice de leurs entreprises clientes et ce, en fonction des dossiers fiscaux de chacune.
Il n’en demeure pas moins que ce sont les banques auxquelles incombe le refus ou l’acceptation des dossiers présentés, puisque la CCG n’est qu’un facilitateur. «On n’arrive pas à définir au sein de notre association les problèmes qui bloquent l’accès à la reconduite des crédits. D’autant plus que les critères d’éligibilité sont liés à des périodes qui ne reflètent pas forcément l’avènement des effets de la crise», reprend Aguizoul.
La CCG assure que, à ce jour, seules 5 entreprises ont toujours des difficultés pour s’en sortir, d’après les informations fournies par les banques qui les ont assistées. Le reste est considéré alors comme sauvé.
Avec l’évolution de la conjoncture, le Comité de Veille Stratégique vient également de prolonger la date de validité de la convention relative au produit Damane Exploitation, au 31 décembre 2010. Le gouvernement a même procédé, à travers le Comité de Veille Stratégique et à la demande des professionnels, à l’élargissement des secteurs bénéficiaires.
Désormais, ceux-ci englobent l’Électronique et les Industries de la pêche, en sus du textile et habillement, l’artisanat et l’aéronautique. Mais la CCG assure n’avoir reçu aucune demande de ces deux secteurs. Bizarre… Si aucune entreprise desdits secteurs ne s’est manifestée, quel était l’intérêt de les introduire alors dans le Plan anti-crise?
Est-ce par manque de sensibilisation à l’encontre de ces entreprises? Ou plutôt par crainte des contrôles que doivent subir ces dernières pour pouvoir bénéficier des facilités proposées ?