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Le FEC, cher mais incontournable

Economie septembre 2010

Le FEC, cher mais incontournable

Depuis peu, les villes peuvent recourir à la notation financière pour améliorer leurs conditions de prêts. Or, ce chantier se heurte au manque d’engagements des acteurs locaux. Un grand chantier de transparence financière locale risque de tomber à l’eau.

Le 30 avril 2010, Fitch Ratings retire la note qu’il avait attribuée à la commune urbaine de Salé un an auparavant et ce, en raison d’informations insuffisantes sur l’état de ses finances. Un retrait qui aura certainement des séquelles sur cette commune, puisque la note de Fitch Ratings fut pour la ville un bon argument pour se faire financer auprès des banques. Jusqu’à récemment, les collectivités locales se finançaient à travers le Fonds d’équipement communal (FEC), moyennant une exonération de la TVA. Aujourd’hui, les prêts du Fonds subissent désormais cette taxe au taux de 10%, au même titre que tous les prêts accordés par les banques à leurs clients. En l’absence de l’avantage comparatif offert par le FEC, les communes peuvent se tourner vers les autres institutions bancaires. Et pour cela, les notations leur permettent de prétendre à des crédits à des taux compétitifs.

La notation, un élément de moralisation
L’exemple de Salé torpille une grande opération de restructuration financière des collectivités locales. Parce que, au-delà des avantages qu’elle offre en matière de négociation de prêt, la notation suppose un suivi régulier des comptes des communes. Chose que le FEC n’a pas réussi à faire à cause de sa relation trop étroite avec le monde des collectivités locales (tous les deux sont sous la tutelle du ministère de l’Intérieur).
En 2007, le ministère de l’Intérieur lance une opération pilote. Trois villes, Casablanca, Salé et Marrakech, entament le processus de notation auprès de Fitch Ratings. Ayant obtenu la note BB+ sur l’échelle internationale de notation de solvabilité, Fitch leur attribue également une note sur l’échelle marocaine: note A pour Casablanca et Salé et note A+ pour Marrakech. Ces trois villes font figure de pionnières au Maroc.
Mais, avec l’arrivée de nouveaux maires, les flux d’informations ont commencé à diminuer. Le suivi de l’agence se base, en effet, sur les informations relatives aux comptes des communes, des processus de récupération des taxes et des détails financiers de la commune. «En refusant de se prêter à cet exercice, les communes font preuve d’un manque de maturité. La notation ne peut qu’être bénéfique pour leurs finances», s’exprime Khalid Ayouch, directeur général de Finacess et représentant de Fitch Ratings au Maroc. «Mises à part ces trois villes, aucune autre ne s’est présentée pour franchir le pas, alors que le secteur financier est très intéressé par la notation», ajoute-t-il.
Après avoir initié, en partenariat avec l’USAID (l’Agence Américaine pour le Développement International) et l’agence Fitch, l’exercice de notation des villes dans le cadre du Plan de gouvernance locale, le ministère de l’Intérieur a placé la balle dans le camp des communes. Le développement et la mise à niveau des grandes villes marocaines rendent indispensable l’accès à des sources de financement diversifiées comprenant des capitaux privés.  Or, la notation financière est un passage obligé pour l’accès au financement privé. Car, la note permet aux institutions financières d’évaluer le risque encouru et de fixer des conditions de crédit adaptées à ce risque. La note est également un outil de bonne gouvernance locale puisqu’elle implique de jouer le jeu de la transparence et permet aux villes de se comparer aux niveaux national et international. Le rapport de notation met également en exergue les points forts et les points faibles de la gestion communale et il permet aux décideurs locaux de mesurer l’impact potentiel de leurs décisions sur la solvabilité de leur municipalité.
Ceci, afin qu’elles capitalisent sur cet acquis et entament des négociations directes avec les institutions financières. Ce qui, apparemment, ne s’est pas concrétisé en partenariats. En effet, la multitude de projets structurants, qui fleurissent dans plusieurs villes, mobilise des financements importants, bien au-dessus des moyens des villes. Dans le même temps, les crédits octroyés par le FEC nécessitent un montage particulier.

«Hormis les trois villes pilotes, aucune autre ne s’est présentée pour franchir le pas de la notation, alors que le secteur financier est demandeur.»

FEC ou banque privée?
En tant que banque spécialisée dans le financement local et, à l’instar des institutions similaires dans le monde, le FEC, qui existe depuis 50 ans, a des procédures adaptées aux spécificités et aux contraintes des collectivités locales. Les taux d’intérêt se situent entre 6,50% et 7% pour des maturités de crédits qui peuvent aller jusqu’à 15 ans. «L’avantage concurrentiel du FEC est qu’il n’exige de ses clients aucune garantie ou hypothèque. Un service dédié uniquement aux collectivités locales», note Idriss Ammor, secrétaire général du FEC. Mais est-ce la seule raison pour que ces villes cherchent de nouveaux partenaires financiers ? En tant que banque, le FEC était seul à financer des projets d’infrastructure des collectivités locales. «Nous finançons à travers les prêts accordés aux communes, mais jamais les projets directement», affirme Idriss Ammor. Est-ce une façon d’obliger les villes à se prendre en charge financièrement?
En réalité, rien n’empêche que des collectivités locales s’adressent à des banques privées. «Il y a des communes qui empruntent déjà auprès des banques privées. Aucune loi ne  l’interdit», assure Idriss Ammor. Mieux encore, les budgets des villes dépassent parfois les besoins. Noureddine Boutayeb, directeur des collectivités locales au ministère de l’Intérieur, a assuré, lors de l’une des conférences Jeudi de la gouvernance consacrées à la problématique du financement de la ville, qu’il n’y a pas de «problème de financement des villes». Au contraire, les projets de développement sont «bloqués à cause de défaillances de gouvernance, de transparence comptable, de professionnalisme des intervenants et de mise en place de systèmes d’information fiables». Autrement dit, les ressources financières sont disponibles mais très faiblement utilisées, à cause d’une défaillance de gestion des affaires locales. D’où le grand enjeu que celui de la notation des villes et de la mise en place de partenariats publics/privés, puisque c’est le savoir-faire qui manque.
Mais là encore, la solution reste relative. Parce que les communes, qui sont déjà endettées auprès du FEC, devront, de plus, supporter les intérêts des crédits.

Et après ?
Même si le FEC est seul à octroyer des prêts sans hypothèque et sur une durée de 15 ans, il y a des encours qui se chiffrent en centaines de millions de dirhams dans le rapport financier entre le FEC et les communes. Viennent en tête les régions de Souss Massa Draâ et le Grand Casablanca, qui affichent respectivement un encours de 206 et 192 millions de dirhams. Les encours globaux auprès des villes totalisent 1,55 milliard de dirhams, alors que les prêts octroyés sont de 1,7 milliard de dirhams. Ceci crée un déséquilibre flagrant dans la trésorerie de la banque communale. Les 10% d’intérêts trouvent une partie de leur justification dans ce cas-là. Le rôle du FEC, en tant qu’institution financière étatique dédiée aux collectivités locales, lui confère un statut particulier. Avec la levée depuis janvier 2010 de l’exonération sur les crédits qu’elle octroie, des changements surviendront. En effet, les produits des banques privées concurrencent désormais ceux du FEC. Mieux encore, certaines communes arrivent à négocier des crédits à taux variables et parfois même en-dessous des 10% appliqués par le FEC.
Maintenant que le FEC est complètement aligné sur les standards des banques, va-t-il élargir le tissu de sa clientèle au-delà des communes? «Il n’y pas de raison à cela. La banque a été créée pour répondre à un besoin spécifique, qui est celui de l’accélération des projets des communes et des collectivités locales à travers des prêts sécurisés. C’est sa mission de base», répond Idriss Ammor. Autrement dit, les prêts seront sécurisés d’abord pour la banque, puisque ses clients sont des institutions sous la tutelle du même ministère, en l’occurrence celui de l’intérieur. Il en est de même pour les collectivités locales, qui sont sûres de ne pas arriver à  l’endettement. Le risque de surendettement est donc supposé être nul, puisque le FEC fait en sorte que les prêts ne dépassent pas les 40% du budget de chaque commune. Seulement, il n’a pas empêche que certaines villes sombrent dans le surendettement.
Ce qui est arrivé à la commune urbaine de Salé est un cas d’école. Cette dernière a raté la piste du financement qui lui a été ouverte. D’autant que Fitch n’assurera plus ni la notation ni la couverture analytique de ses comptes.
Cet exemple prouve ainsi que, pour l’instant, les communes ne sont pas encore prêtes et, surtout, pas assez mûres pour gérer toutes seules leurs financements.