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L’essor des participations croisées

Entreprises mai 2010

L’essor des participations croisées

C’est devenu pratique courante. Les entreprises croisent leurs participations pour obtenir des synergies, accélérer le développement de leurs modèles et accéder rapidement à de nouveaux marchés. La crise et les normes de plus en plus strictes n’ont fait qu’accélérer cette tendance.

OCP-BCP, FinanceCom-CDG ou encore l’éventuel rapprochement de Ciment du Maroc et Ciment de l’Atlas. La tendance des participations croisées bat sont plein dans le marché financier marocain. La raison est purement stratégique, d’après les financiers de la place, mais les besoins changent d’une entreprise à l’autre. Pourquoi cette vague, sachant que le marché passe par une période de crise financière et d’assèchement des liquidités? «Le mouvement croissant de la pratique des participations croisées peut s’expliquer par le fait que les générations soient en train de changer de main. Les patrons d’entreprises marocaines essaient d’assurer une certaine sérénité pour le développement de leurs entreprises», explique Aziz Bidah, directeur général de Price Waterhouse Coopers. Finalement, les participations croisées représentent une sorte de solution purement stratégique et surtout long-termiste.
Concrètement, c’est une «fuite en avant» que font les opérateurs, en optant pour cette pratique. Puisque chaque entreprise a un besoin stratégique imminent, alors la meilleure façon de le combler est de partager le risque lié à ce besoin avec une autre entreprise et vice-versa. Dans ce sens, un analyste financier affirme que «l’objectif de la pratique des participations croisées, est de lier l’avenir d’une société à l’autre et ainsi partager le risque en créant de la valeur et en transférant les richesses». Ainsi, les entreprises, par un simple échange de participations, se repositionnent chacune dans son secteur d’activité, en vue de se développer, en créant conjointement de très fortes synergies.

Un croisement win-win !
Les exemples dans ce sens ne manquent pas dans l’échiquier économique marocain. Prenons l’opération de la Banque Centrale Populaire et le Groupe OCP.
En effet, aujourd’hui, chaque entreprise détient 6% du capital de l’autre. Le paquet d’actions de la banque est valorisé à un 1 milliard de dirhams, alors que celui de l’Office à 5 milliards. L’objectif de cette opération a été de donner une nouvelle impulsion aux deux groupes, dont les stratégies convergent. D’une part, renforcer l’assise financière de l’OCP et augmenter sa visibilité sur la place mondiale. D’autre part, permettre à la BCP de réaliser une croissance externe dans les métiers de la finance et de l’investissement.
Le positionnement stratégique prime aussi pour le cas du rapprochement de FinanceCom et la CDG. C’est une autre opération de grande envergure qui associe encore une fois deux grands groupes, à travers leurs deux filiales respectives, RMA Watanya et CGI. CDG a procédé à l’acquisition de 8% du capital de BMCE Bank, environ 12,7 millions d’actions. Il s’agit là de la cession, par la banque, des actions détenues en autocontrôle. Cette transaction a porté ainsi sur un montant de plus de 3,4 milliards de dirhams. Par le biais de cette opération, la Caisse entend augmenter sa participation via sa filiale immobilière, CGI, dans la banque, sachant qu’elle ne détient pas loin du quart du flottant en Bourse de la caisse bancaire, selon le marché. Pour BMCE, l’enjeu est simple: dégager du cash pour renflouer ses fonds propres et, ainsi, rehausser ses ratios et poursuivre son développement à l’international. En parallèle, RMA Watanya, la compagnie d’assurances du groupe FinanceCom, intègre le tour de table de CGI. Et ce, à travers l’acquisition de 1,4 million de titres de l’immobilière, soit 8% de son capital de la filiale de CDG,  pour un montant total de près de 3 milliards de dirhams.

Un environnement avantageux
L’aspect fiscal joue un rôle important dans la floraison de la pratique des participations croisées, liés aux mesures incitatives de la loi de finances qui offre des avantages fiscaux au système des participations. Coté bourse, le CDVM ne publie pas de réglementation pour les participations croisées, sauf s’il s’agit de franchissement de seuil, afin  de préserver les intérêts des minoritaires. Mais, au-delà, un retour dans le temps est capital. Dans les années 80, il y a eu une montée de la pratique des  participations croisées chez les entreprises. Ce qui a engendré des relations illicites, d’où la perte de la confidentialité des informations. Après cette vague, il y a eu un décroisement de cette pratique financière, justement pour protéger l’information. Mais aujourd’hui, la tendance reprend.
La cause de ce revirement serait-elle due à davantage de respect de la confidentialité de l’information et de l’amélioration de la gouvernance d’entreprise? Selon un expert de la finance, «le problème de la confidentialité ne se pose pas car, de nos jours, beaucoup d’administrateurs, institutionnels et actionnaires se font accompagner par des experts dans leurs conseil d’administration». Ce gain de transparence s’explique par le fait qu’il y ait davantage de banques d’affaires de renom et des cabinets de juristes d’affaires de plus en plus compétents, qui ont acquis une certaine expertise et savoir-faire, d’où un souci moindre quant à la fuite des informations.

Une réglementation stricte aux Etas-Unis

La stabilité des administrateurs est confortée par les participations croisées. Paradoxalement, ce système résulte d’une initiative législative qui avait été prise il y a un certain nombre d’années et qui consistait à supprimer la possibilité d’avoir un auto-contrôle. Les entreprises ont remplacé l’auto-contrôle par la pratique des participations croisées. Aux Etats-Unis, les participations croisées dans les sociétés cotées a été, dans une très large mesure, depuis l’origine, découragées par le droit boursier. Les sanctions très dures pour les délits d’initiés qui, justement, résultaient des informations que l’on pouvait avoir, ont empêché le développement de ces liens croisés en capital. Ceci démontre qu’une évolution du cadre général est indispensable, mais ne signifie pas que l’on pourra faire l’économie d’une modification du droit des sociétés. En effet, la loi sur les sociétés de 1966 reflète une époque très dirigiste, marquée par l’intervention de l’Etat par des mesures de contrôle d’intérêt général et des mesures de participation ou même de nationalisation.