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TPE les oubliées du système

Entreprises novembre 2020

TPE les oubliées du système

Bien que le tissu productif national soit tiré par les entreprises de petite taille, le rapport de l’Observatoire de la TPME s’est focalisé sur les entreprises morales. Omission ou étroitesse de vue?

C’est pour la première fois que le Maroc se dote d’un diagnostic exhaustif renseignant sur la santé économique et financière des petites et moyennes entreprises. Il s’agit en effet du premier rapport émis par l’Observatoire marocain de la TPME. Tant attendu, ce rapport est le fruit d’un travail acharné qui a nécessité quatre années de collecte de données des différents partenaires, à savoir Bank Al-Maghrib, la DGI, la CNSS et l’Ompic. De plus, sa publication est tombée à point nommé, d’abord avec une conjoncture qui a mis à mal bon nombre d’entreprises dont certaines se sont trouvées contraintes de mettre la clé sous le paillasson et également l’insistance exprimée par le Roi lors du discours d’ouverture de la session parlementaire concernant le soutien au tissu des petites et moyennes entreprises. Ainsi, un état des lieux du tissu productif marocain est le bienvenu. Or, ce premier rapport a fait des protestataires. En dehors de l’échantillon pris en compte dans cette étude, c’est la non actualisation des chiffres qui dérange. «Il aurait été plus judicieux d’actualiser les chiffres et présenter un topo sur l’année n-1. Je pense que les chiffres seraient plus parlants vu le contexte actuel», critique un économiste de la place. Des discordes ont également subsisté par rapport à la définition octroyée à la TPE. A cet égard, la Confédération marocaine de la TPE n’a pas manqué d’exprimer son désarroi. Pour Abdellah El Fergui, président de la Confédération, les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires n’excédant pas 3 millions de dirhams ne devraient pas être catégorisées en tant que microentreprises. En outre, elles constituent le tissu économique le plus représentatif avec à la clé plus de 4 millions d’entreprises. Et les chiffres avancés par le rapport de l’OMTPME corroborent ce constat. La quasi-totalité des entreprises créées en 2018 sont des microentreprises, soit 1,5% du total des créations. Il est également mentionné que le tissu des entreprises personnes morales actives est fragmenté. En effet, 94% parmi elles étant des TPME dont plus de 85,8% sont des microentreprises. Une catégorie qui détient une part non des moindres dans le tissu productif national et qui serait davantage plus importante si l’on devait intégrer les entreprises personnes physiques déclarées à la DGI. Et d’ajouter: «Le rapport ne reflète pas la réalité du tissu économique national dont les petites entreprises en représentent 95%. Il fallait accorder l’importance à la tranche la plus représentative. Nous avons l’impression que la petite entreprise est marginalisée et pose problème pour les institutions compétentes. Est-ce sa taille qui donne des frayeurs? En tout cas, à aucun moment la confédération n’a été approchée pour mener cette étude. Tandis que des institutions internationales telles que la BAD ou encore la Banque mondiale font appel à nous pour disposer des statistiques. Ceci dit, moult tentatives ont été menées afin d’intégrer l’Observatoire en tant que partenaire, en vain. On nous a imposé une participation de 500.000 dirhams pour y adhérer». Et d’ailleurs, la difficulté relative au traitement de ce segment est clairement évoquée dans le rapport. «E‹tant donné la complexité que présentent la maîtrise et le traitement des données relatives à ces populations, l’Observatoire a adopté une approche graduelle pour la production et l’analyse des indicateurs. Ainsi, le périmètre étudié dans le présent rapport est limité aux Entreprises Personnes Morales Actives (EPMA)». Mais malgré la réticence à l’égard de cette catégorie d’entreprises, la confédération ne compte pas se limiter au rôle d’observateur et prépare ainsi une riposte. Ainsi, une commission spéciale a été dédiée afin de mener une étude exhaustive qui sera rendue publique incessamment, sur la santé des TPE tout en se basant sur les chiffres des administrations y afférentes.
En revanche, les économistes apportent un autre éclairage à la question. L’échantillonnage et les ratios ne sont pas désignés aléatoirement, tout est étudié. Saâd Hamoumi, CEO de Harvard consulting, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement des entreprises et organisation et ancien président de la commission PME-PMI à la CGEM, relate la nécessité de faire le rapprochement avec les tendances à l’international. «Etant dans le comité de pilotage de l’observatoire, ce sont des critères spécifiques qui sont pris en compte dans les études réalisées par les observatoires. A l’époque, on avait fait appel à un cabinet international spécialisé. Ce dernier a effectué une étude terrain ainsi qu’un benchmark. De ce fait, dans de pareils rapports, la disparité avec l’international ne devrait pas paraître flagrante, notamment aux yeux des investisseurs étrangers, d’où le choix de la catégorie concernée», dévoile-t-il.

Fragilité financière
Autre point soulevé par la confédération, les difficultés rencontrées par les entrepreneurs pour accéder au financement. Un volet crucial sur lequel insiste El Fergui et qui sera traité dans le communiqué officiel en préparation. Un constat qui ne fait pas l’unanimité. Selon Sâad Hamoumi, le financement n’est plus un frein comme jadis. L’existence de différents organismes d’aide a changé la donne. «Lorsqu’il s’agit d’un projet qui tient la route et surtout innovant, peu importe la catégorisation, il trouve financement», précise Hamoumi. Par contre, la déperdition de l’information représente un obstacle. L’absence d’une instance qui centralise toute l’information sur la création d’un projet pèse de tout son poids.
Dans le même contexte, le rapport soulève des fragilités au niveau de la situation financière des entreprises de petite taille, en termes de structure bilantielle, de productivité et de rentabilité, ce qui les pousse ainsi à sortir du marché dans des délais assez courts. Les analyses montrent que les entreprises radiées avant d’arriver au terme de 5 ans d’existence représentent, en moyenne annuelle, plus de 50% du total des radiations. L’année 2018 a exceptionnellement enregistré une baisse qui s’estime à 1,8% contre une hausse de 10% un an auparavant. Or, l’écart est amené à se creuser davantage suite à la crise sanitaire. Une situation qui pourrait être évitée si un système efficient d’accompagnement était instauré, selon Hamoumi. En effet, les 3 premières années d’existence restent cruciales pour la réussite du projet, d’où la nécessité d’élaborer un business plan en bonne et due forme. «A mon sens, l’accompagnement est impératif pour mener à bien ce projet et surtout éviter une radiation précoce et il doit se faire par le biais d’experts métier et non des fonctionnaires sans dénigrer les efforts fournis par ces derniers. Je cite toujours l’exemple de Barcelona Activa comme modèle à suivre et dont les preuves sont avérées», souligne Hamoumi. Il s’agit d’un incubateur et qui fait office de levier puisqu’il comprend toutes les instances publiques et privées, et qui bénéficie d’une gouvernance propre. Sa principale mission consiste à accompagner les entreprises de bout en bout en faisant appel à des experts. Prenons-en de la graine.