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«Il n’y a pas de vision partagée sur le rôle de la compagnie aérienne nationale à long terme»

Enquête juillet 2019

«Il n’y a pas de vision partagée sur le rôle de la compagnie aérienne nationale à long terme»

En marge de l’enquête publiée dans le numéro de juillet 2019 d’Economie Entreprises, Samir Kheldouni Sahraoui, CEO de Chorus Consulting revient dans une interview sur les enjeux d’un repositionnement de la RAM non seulement pour la compagnie aérienne, mais aussi pour le tourisme.

Quelle est réellement la place de la RAM aujourd’hui ?

Le Maroc mérite une compagnie aérienne nationale qui reflète l’ambition autant institutionnelle que touristique du pays. Il faut bien préciser que l’ouverture du ciel marocain, fruit de la Vision 2010 et l’arrivée des compagnies low-cost au Maroc est une très bonne chose. Ces dernières sont une aubaine dans la mesure où ils démultiplient l’accès au royaume. Toutefois, on ne peut plus demander à la compagnie nationale d’être à la fois super-performante et rentable tout en tenant le coup face aux low-costs. En fait, le métier d’une compagnie nationale n’a strictement rien à avoir avec le métier d’une compagnie low-cost et leurs vocations et objectifs sont très différents. Le positionnement de la RAM devrait rimer avec luxe, raffinement, sécurité ponctualité, service, image et prestige dans l’esprit de l’hospitalité marocaine la plus légendaire. La prétention au titre de flagship national doit s’inscrire dans une nouvelle vision systémique du tourisme marocain qui doit, et c’est ma conviction, monter en gamme.

Comment assurer cette montée en gamme ?

La montée en gamme du transport aérien doit se faire dans son ensemble y compris pour nos services aéroportuaires, voire même les services de police et de douane (amélioration des délais d’attente lors des contrôles à travers une optimisation des critères sécuritaire). Tout doit changer. Aujourd’hui le délai moyen de passage est de 3 à 5 minutes dans les postes de contrôle. Il faut penser à les réduire à 40 ou 30 secondes. Afin de monter en gamme, la RAM aura probablement besoin de l’appui et du savoir-faire de spécialistes du marketing du service. Le transfert d’un tel savoir-faire doit être adapté et doit refléter la culture marocaine. Mais pour revoir le positionnement de la RAM il faudrait envisager tous les scénarios possibles et envisageables, notamment l’ouverture du capital via la bourse, comme ce fut le cas de Turkish Airlines ou encore l’apport de partenaires.

Et le rôle de l’État dans tout ça ?

L’État doit prendre ses responsabilités au plan stratégique et aider la RAM à se doter des moyens d’une ambition légitime et utile visant à doubler sa flotte pour atteindre l’objectif de 120 appareils, surtout lorsque l’on sait que d’autres pays l’on fait. L’Éthiopie par exemple, dont le PIB est de 35% inférieur au notre, dispose de 96 appareils en exploitation et plus de 60 en commande alors que notre compagnie nationale, à qui on demande de porter le tourisme, plafonne à moins de 60 appareils. Aujourd’hui, il y a certes un second contrat-programme entre l’État et la RAM qui doit être ratifié incessamment, mais celui-ci semble intervenir encore une fois dans un cadre d’urgence ponctuelle. À ma connaissance, il n’y a pas de vision partagée sur le rôle, les objectifs et le repositionnement qui devrait être celui de la compagnie aérienne nationale à long terme, et par conséquent, les moyens financiers dont elle doit disposer pour ce faire : subventions étatiques, introduction en Bourse, entrée de nouveaux actionnaires, autant de pistes qui permettraient à la compagnie nationale d’atteindre ses objectifs.