Le Maroc convoite l’Afrique anglophone
Si la politique peut être le terrain de divergences, le commerce et ses multiples facettes peuvent être le terrain d’une convergence anglophone sud-sud. Analyse.
Après avoir fait la conquête des pays francophones de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Maroc cherche à renforcer ses liens politiques et économiques avec les pays anglophones de cette communauté, notamment le Ghana. Sur le plan politique, le Ghana figure parmi les pays qui ont reconnu la prétendue République arabe sahraoui démocratique (Polisario), depuis le 24 août 1979 et ce lien n’est pas prêt d’être rompu. En effet, Mohamed Abdelaziz, secrétaire général du Front Polisario, était présent lors de l’investiture du Président ghanéen, début janvier 2013. A cela s’ajoute l’ouverture de l’ambassade sahraouie dans la capitale ghanéenne Accra en septembre 2011. Loin des milieux politiques hostiles, les milieux économiques s’agitent dans leur coin donnant un sérieux coup d’accélérateur aux relations bilatérales tant au niveau économique qu’institutionnel. C’est ce qui vient de se matérialiser par la première session de commission maroco-ghanéenne tenue le 12 février 2015 à Rabat. Cette session a réuni le ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar et son homologue ghanéenne, Hanna Serwaah Tetteh. En marge de cette première session, le Maroc et le Ghana ont convenu de construire une plateforme de partenariat solide touchant essentiellement le transport, le commerce, le tourisme, les mines et les énergies.
Investir au Ghana
Si le Ghana fascine, c’est quelque part à cause de ses atouts pour les entreprises marocaines. D’abord, le pays jouit d’une stabilité politique enviable, contrairement à ses voisins, avec deux décennies de démocratie. De plus, le pays vient de lancer un ambitieux programme d’amélioration du climat des affaires qui lui a valu le meilleur endroit pour faire des affaires dans la Cedeao, selon le Doing Business Report 2014. En chiffres, les pays de la Cédeao projettent une moyenne de croissance de 6,3% pour 2014, quand le Ghana dépasse cette moyenne à 7,4% de croissance en 2014. C’est quelque part la raison de la croissance des échanges commerciaux entre le Maroc et le Ghana. En effet, les exportations marocaines vers le Ghana ont progressé de 7,3% en 2014, soit à peu près au même rythme des importations qui ont cru de 7%; près d’une trentaine d’entreprises marocaines exportent au Ghana. En valeur, les exportations du Maroc vers le Ghana n’ont toujours pas atteint le 1 milliard de dirhams, selon une note de l’Office des changes. Globalement, les pays de la Cedeao sont les plus dynamiques du continent. Ainsi, ces pays ont cru de 7,2% en 2014, alors que le continent africain réalise une croissance de 4,8% seulement. La population des pays de la Cedeao est estimée à un peu plus de 300 millions d’habitants, soit 30% de la population africaine.
Traditionnellement, le Ghana est connu pour les investissements en agriculture et en agro-industrie. Aujourd’hui, d’autres secteurs émergent comme les télécommunications, les services financiers et le tourisme. Ces derniers accaparent 50% de la valeur ajoutée du pays, alors que l’industrie et l’agriculture se partagent l’autre moitié du PIB. Par secteurs, les télécoms et l’immobilier peuvent intéresser les entreprises marocaines très bien positionnées en Afrique avec des incitations fiscales, comme l’exemption pendant les cinq premières années d’activité. Un autre secteur aussi important que stratégique pour le Ghana est le secteur aérien. En effet, le pays a vécu presqu’un an sans compagnie aérienne et cherche aujourd’hui des partenaires pour le lancement des activités d’une compagnie nationale. D’autre part, si le pays ne suscite pas l’engouement des banques marocaines c’est en raison de la fragilité du secteur bancaire. Une fragilité que reflètent les faiblesses de la réglementation et une supervision insuffisante entrainant la progression des créances douteuses.
Les exportations du Maroc vers le Ghana n’atteignent pas le milliard de dirhams
Priorité à la logistique
En attendant un développement des IDE, les pays semblent vouloir se concentrer sur le transport et la logistique. Ainsi, «le transport aérien et maritime sont les deux secteurs particuliers dans lesquels nous souhaitons identifier de meilleures opportunités de coopération avec le Maroc, à travers des partenariats avec le secteur public ou privé», a déclaré la chef de la diplomatie ghanéenne, à l’issue d’une réunion avec Aziz Rabbah, ministre de l’Equipement, du Transport et de la Logistique. C’est ce domaine particulier qui semble intéresser le plus les deux pays car Rabbah a aussi déclaré que «le Ghana est un pays très stratégique pour le Maroc avec lequel nous avons besoin d’avoir une forte connectivité logistique, notamment aux niveaux maritime et aérien». Avant d’ajouter que «cela pourrait réduire le coût de la logistique dans le continent africain qui s’élève parfois à 250% de ce qu’on paye dans d’autres continents». Si le domaine du transport maritime et aérien semble être au cœur des intérêts maroco-ghanéens, d’autres rencontres avec les ministres de l’Energie et de l’Industrie ont eu lieu.