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Thanks Dwight!

Point de vue avril 2014

Thanks Dwight!

L’approbation par le Sénat américain du nouvel ambassadeur à Rabat est l’occasion de revenir sur la relation du Maroc avec les Etats-Unis. On a beau dire que le Maroc est le premier pays à avoir reconnu l’indépendance des Etats-Unis, il reste très peu connu des officiels américains, qui décident lorsqu’il s’agit de politique étrangère. Les récentes tensions avec le pays de l’Oncle Sam sont la preuve que certaines personnes-clés dans l’appareil du pouvoir américain ne connaissent pas le Maroc, ses réalisations en matière de développement humain, économique et politique.
La nomination de Dwight Bush au poste de représentant de la Maison Blanche à Rabat est un énième rappel de la place du Maroc parmi les préoccupations US. Il faut savoir qu’au Département d’Etat, il y a deux clans, celui des ambassadeurs de carrière, de «vrais» diplomates qui sont très écoutés par leur hiérarchie et par les membres du Congrès. Ceux-ci sont nommés à des postes-clés pour la diplomatie américaine, là où il y a des enjeux géopolitiques ou des dossiers chauds à traiter.
Puis il y a l’autre clan d’ambassadeurs, ceux qui sont nommés par le Président pour avoir rendu des services lors des campagnes. On appelle ceux-là les «IOUs» (I Owe You. Ndlr: je te suis redevable), où le Président se sent redevable envers une personne et doit lui rendre l’ascenseur en échange de ses loyaux services. Les personnes-clés, qui collectent des fonds pour financer la campagne du Président, sont généralement gratifiées d’un poste d’ambassadeur, souvent dans le pays de leur choix.

«La nomination de Dwight Bush au poste de représentant de la Maison Blanche au Maroc est un énième rappel de la place du Maroc parmi les préoccupations US»

Mais, ce qui est le plus intrigant c’est que cette pratique centenaire ressemble à une bourse du mieux-disant; celui qui lèvera le plus de fonds pour la campagne présidentielle aura le meilleur poste. En d’autres termes, plus une personne collecte de fonds, meilleur sera le pays où elle sera nommée. Par exemple, l’actuel ambassadeur à Paris a levé 800.000 dollars lors de la dernière campagne d’Obama. Celui à Lisbonne a levé 500.000 dollars.
Ces ambassadeurs «friends» du Président occupent 30% des postes dans le monde, et depuis 40 ans le Maroc en fait partie. Ils sont des hommes d’affaires, des avocats ou des consultants qui ne connaissent rien à la diplomatie ni du pays d’accueil. Leur seule manière de se préparer est une formation de deux semaines au Département d’Etat et quelques cours de langue. Ils ont tous le mérite d’avoir réussi leur carrière, mais surtout aidé à financer la campagne du Président.
Au Maroc, et depuis 1973, tous les ambassadeurs en fonctions étaient des amis du Président. Le dernier diplomate de carrière à avoir occupé ce poste était Dick Parker, qui avait été nommé aussi ambassadeur US à Alger. C’est là où Feu Hassan II avait demandé aux américains de revoir le profil des ambassadeurs au Maroc.
L’ambassadeur sortant à Rabat, Samuel Kaplan, était un avocat de l’Etat du Minnesota qui a levé près de 100.000 dollars pour la campagne de 2008 d’Obama. Le nouvel ambassadeur Dwight Bush a, pour sa part, levé près de 500.000 dollars pour la campagne du Président en 2012.
Une fois qu’ils quittent leur poste de diplomates, ils reviennent généralement à leurs affaires personnelles et disparaissent des radars de la diplomatie et du monde de la politique américaine. D’autres réussissent à décrocher des contrats de consulting avec les gouvernements des pays où ils ont servi. C’est le cas d’Edward Gabriel qui était ambassadeur à Rabat entre 2000 et 2004 et qui a été ensuite recruté par l’Etat marocain pour piloter les actions de lobbying aux Etats-Unis pour pas moins de 20.000 dollars par mois.
Si cette pratique de nomination n’est pas conforme aux grands principes «d’orthodoxie» américains, il faut savoir que Barack Obama, à la veille de son élection en 2008, avait annoncé que son administration allait augmenter le quota d’ambassadeurs de carrière, afin de renforcer le poids de la diplomatie américaine dans le monde. Mais dans les faits, certains jugent que les Etats-Unis n’ont jamais eu autant d’ambassadeurs amis du Président que du temps de Barack Obama.