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De l’urgence d’un nouveau paradigme économique

Point de vue mai 2013

De l’urgence d’un nouveau paradigme économique

Il a fallu attendre que le gouvernement annonce une coupe budgétaire de 15 milliards de dirhams du budget 2013 pour que l’on réalise que le Maroc est en crise. Quelques jours après cette annonce, le ministre des Finances parlait de manière frontale de crise et en des termes on ne peut plus clairs sur les colonnes de notre confrère Les Inspirations Eco: «Il y a le feu. Nous n’allons pas attendre que l’immeuble brûle pour dire qu’il aurait fallu faire autrement». Personne n’avait donc senti la fumée.
Certes, c’est une première, même si le gouverneur de Bank Al-Maghrib y avait fait clairement allusion dans une interview accordée à notre mensuel en septembre 2009! Mais, depuis, il faut dire que l’Etat a préféré faire comme si de rien n’était et a continué d’engager des investissements colossaux.
A l’occasion, Abdelilah Benkirane s’est encore une fois fait lyncher pour avoir touché à un sujet «sensible». Partis d’opposition, patronat, syndicats, think tanks, media, tout le monde a critiqué les coupes budgétaires du gouvernement. Même des membres de sa propre coalition et actuels ministres l’ont critiquées. Tellement de bruit pour ça, dirait l’autre! Comme si le budget était un sujet de «souveraineté» ou un tabou (…)
En réalité, en s’attaquant au budget, le chef du gouvernement ne pensait pas une seconde qu’il aller toucher aux fondamentaux même du modèle économique national qui a fait ses preuves cette dernière décennie. Celui-ci reposait sur l’Etat providence. Il faut comprendre qu’au lendemain de la transition monarchique, c’est l’Etat avec toute sa grandeur et ses moyens qui a joué le rôle de locomotive économique. Et, il faut l’admettre, cette politique a fait le Maroc moderne que nous vivons aujourd’hui. Mais, face à la profonde crise économique mondiale et un camembert fiscal, le gouvernement actuel doit gérer un niveau d’endettement critique et un déficit budgétaire qui ne lui permet plus de maintenir cette politique.
Malheureusement pour le Maroc, le débat sur la coupe budgétaire est un débat de façade qui élude un problème de fond, celui du modèle économique que l’on doit choisir en cette époque annonciatrice d’un nouvel ordre économique mondial. Mais, entre nous, heureusement que le gouvernement a mis les pieds dans le plat. Il est en effet temps de revoir notre schéma de croissance, car même les rapports les plus profonds (50 ans de développement humain au Maroc et perspectives pour 2025, ou Maroc 2030 du HCP) ne sont plus d’actualité. Pour que notre pays sorte de cet espace de crise, et qu’il puisse maintenir les niveaux de croissance à même de répondre à la pression sociale, nous devons revoir d’urgence notre modèle de développement et s’adapter à la nouvelle donne.

«Aucun des schémas de croissance passés n’est valable aujourd’hui. Même les rapports les plus profonds ne sont plus d’actualité. Le Royaume doit revoir son modèle de développement et s’adapter à cette nouvelle époque.»

Des questions de fond s’imposent donc. A l’aune de la nouvelle Constitution, voulons-nous une économie axée autour des pauvres ou de la classe moyenne? Voulons-nous une économie basée sur la demande ou une économie basée sur l’offre?
En attendant de sortir de ce débat malsain qui a tout l’air d’un débat purement politique, le Haut Commissariat au Plan prend de la hauteur. Sur les colonnes d’E&E du mois d’avril 2013, Ahmed Lahlimi ouvrait le débat sur le choix du modèle économique comme pour donner un sens à ce qui se passe. Un débat qui doit impliquer toutes les forces vives du Royaume et qui s’articulera autour des grandes composantes économiques telles que le budget, la fiscalité, la monnaie, etc. Et peut-être que ce débat donnera un sens à la décision du gouvernement de couper dans le budget de l’Etat, même si, dans la forme, cette décision peut paraître gauche.