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La diplomatie économique prend son envol

Dossier février 2010

La diplomatie économique prend son envol

Pour assurer sa promotion à l’international, le Maroc semble vouloir fédérer les efforts des différents intervenants institutionnels. Le point nodal serait de réactiver les cellules économiques au niveau des ambassades, en boostant leur expertise et leur action de lobbying.

Promouvoir le label destination ou l’offre d’un pays, à l’échelle internationale, n’est pas une mince affaire. Si certains pays ont choisi de confier cette tâche à un seul organisme, d’autres ont «éclaté» cette mission en plusieurs organisations, selon les enjeux en place. Le Maroc figure dans la seconde liste. Un positionnement pris depuis peu, après des années d’hésitations, quant à la création d’une seule agence pour la promotion du Maroc à l’international (comme celle de la Tunisie). Une idée qui a longtemps titillé nos officiels. Ainsi, à en croire plusieurs observateurs, on s’acheminerait plutôt vers le renforcement des organismes en place. Maroc Export, l’Agence Marocaine pour la Promotion des Investissements (AMDI) et l’Office Marocain du Tourisme (ONMT), puisque c’est d’eux qu’il s’agit. «La promotion du Maroc n’est pas et ne devrait pas être du ressort d’une seule entité. C’est l’affaire de tout le monde», indique Abdelhamid Addou, directeur général de l’ONMT. Par renforcement, on entend l’ouverture de nouvelles antennes, le rajeunissement des équipes, la revalorisation des budgets et une agressivité commerciale et marketing tous azimuts. Pas seulement. Il s’agirait aussi de créer des synergies entre ces «trois mousquetaires» de la promotion du Maroc, au niveau mondial. L’objectif est d’attirer plus de capitaux étrangers, plus de touristes et d’assurer de nouveaux marchés pour nos exportations. Rien que ça! D’ailleurs, le contexte s’y prête. La crise économique mondiale a apporté son lot de changements. Ces derniers se sont opérés au niveau de la carte mondiale de l’investissement, du comportement des touristes et celui des marchés cibles du Maroc.
Comment fédérer les trois institutionnels de la promotion pour avoir une part du gâteau? Tel est l’enjeu mis en place. Ses pistes ont déjà été investies. Comme celle du renforcement du rôle des ambassades, en tant que relais promotionnels. A en croire plusieurs experts de la diplomatie économique, on ne peut faire de la promotion du Maroc à l’international, sans intégrer les ambassades. «Le prestige de ces dernières permet d’ouvrir des portes et d’approcher plus facilement les donneurs d’ordres», indique cet ancien ambassadeur marocain. Un poste stratégique se distingue dès lors. Celui du conseiller économique. Un poste dont les potentialités n’ont pas toutes été exploitées.

Conseillers économiques à l’étranger, les nouveaux promoteurs du Maroc
De plus en plus sollicités, nos conseillers économiques. Et ce ne sont pas ces derniers qui démentiraient. Tantôt par Maroc Export, pour des sessions de formation, tantôt par leur propre ministère de tutelle, les Affaires étrangères, pour participer à des réunions et des rencontres. La dernière en date a été organisée fin décembre dernier à Rabat. Le message qui leur a été livré était sans ambages. Ils doivent redoubler d’efforts pour «mieux vendre» le Maroc. Des sources rapportent en coulisse, que les 35 conseillers économiques, que compte le Maroc à travers le monde, se sont vus «tirer les oreilles», lors d’une réunion interne. Ahmed Reda Chami, ministre du Commerce, de l’industrie et des nouvelles technologies les aurait particulièrement tancés en leur lançant: «Quand vous ne vous adressez pas à un opérateur économique intéressé par la délocalisation, c’est votre collègue tunisien qui le fera».
Le ministre a été on ne peut plus clair. Les concurrents du Maroc veillent au grain et ne rateraient aucun relâchement ou manque d’agressivité de la part des marocains. Pour étayer ses propos, le ministre du Commerce et de l’industrie brandissait les résultats de la fameuse étude, lancée par son département, qui a porté sur l’attractivité du Maroc auprès des industriels français et espagnols.
Cette étude a montré les considérables pertes de prospects pour l’investissement au Maroc et ce, à trois niveaux. D’abord, en ce qui concerne la considération. Il s’est, en effet, avéré que plusieurs opérateurs n’ont même pas le Maroc sur la carte de leurs investissements, comme destination de leur ouverture à l’international. Ensuite, on parle de la préférence. L’ensemble des opérateurs, qui boudent le Maroc, s’orienteraient ainsi vers la Tunisie, notre concurrent direct. Enfin, les pertes sont aussi constatées au moment de la conversion de l’intention en action. Des pertes généralement liées à des lourdeurs et des problèmes administratifs. Taï, eb Fassi Fihri aurait pris la défense de ses subordonnés, en précisant que, pour bien s’acquitter de sa mission, le conseiller économique doit être bien outillé pour pouvoir réaliser ses objectifs. Ces moyens, Chami s’est engagé à les fournir.

Une opération séduction à l’intention des investisseurs
Et c’est justement au niveau des moyens que le besoin se fait ressentir. De l’avis de cet ex-conseiller économique dans une capitale européenne, il faut alimenter les conseillers économiques sur le plan financier et en moyens et leur fournir toutes les informations et documentations essentielles à leur action. «Il faut leur assurer un budget. La promotion, c’est d’abord une affaire d’argent», témoigne notre interlocuteur, qui estime que les conseillers économiques des ambassades sont le point nodal d’une stratégie de promotion concertée.
En plus des moyens, il faudra veiller à véhiculer un message unique, qui s’articule autour de trois volets, identifiés par l’étude de Chami : faire part des grands chantiers en cours au Maroc, ainsi que des  grandes opportunités de croissance, sans oublier le renforcement de la compétitivité qu’offre le pays.
Pour ce faire, le ministère des Affaires étrangères a annoncé le déploiement de représentants de l’AMDI, aux côtés des conseillers économiques. Il s’agit de quatre représentants qui seront installés en France, en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. L’AMDI se fera, de plus, représenter en Allemagne et aux Etats-Unis, par le biais d’agents. A en croire le tout nouveau directeur général de l’AMDI, Fathallah Sijelmassi, ces quatre représentants sont des experts sectoriels qui défendront l’offre Maroc pour l’investissement dans les pays où ils agissent.

Quid du tourisme et de l’export?
Dans un premier temps, l’ONMT a signé l’année dernière une convention avec le département des Affaires étrangères, pour «réactiver» la collaboration des conseillers économiques avec l’Office. La convention s’est transformée en circulaire, envoyée à toutes les ambassades marocaines à l’étranger. L’objectif est d’avoir une grande implication des conseillers économiques et des ambassadeurs dans la promotion de la destination, surtout dans les pays, où l’ONMT ne dispose pas de délégations locales. Tandis que Maroc Export tente, tant bien que mal, d’établir un lien permanent avec les ambassades, notamment pour l’organisation des salons et foires internationaux.

Des cellules dédiées à la promotion
Est-ce suffisant? Plusieurs observateurs seraient plutôt sceptiques. Car, pour eux, il serait préférable d’imaginer un autre schéma, qui regrouperait l’ensemble des intervenants, dans la promotion du Maroc à l’international. L’idée est de créer des «structures dédiées à la promotion» dans chaque ambassade. Cette cellule sera chapeautée par un conseiller économique, lui-même épaulé par plusieurs experts spécialisés dans l’investissement, l’export, le tourisme ainsi que l’agriculture et l’artisanat.
Qu’est-ce qui empêcherait un tel scénario? «Seule une décision politique pourrait accélérer le processus», indique ce haut responsable.
Pour lui, que ce soit Maroc Export, AMDI ou ONMT, seule une décision politique peut redynamiser les choses.
Les directeurs de ces établissements publics dépendent, en effet, des ministères et leurs propositions doivent être validées.  

L’ONIX, un projet mort-né

En 2003, l’ex-directeur général de la Direction des investissements (future AMDI), Hassan Bernoussi, créait un «Office pour la promotion des investissements et des exportations» (ONIX). Une sorte d’organe unique pour la promotion du Maroc à l’étranger. Un projet de loi a même été bouclé et plusieurs ministères l’ont approuvé. Mais l’idée d’une telle structure remonte à la période, où Abderazzak El Mossadeq était au département du Commerce et de l’Industrie. Le schéma retenu, à l’époque, s’étendait à l’ONMT. Contrairement au schéma proposé par Bernoussi, qui regroupait trois organes : la Direction des Investissements Extérieurs, le Centre Marocain de la Promotion des Exportations et la Maison de l’Artisanat. La mission de l’ONIX était de contribuer à la mise en œuvre de la politique marocaine, en matière d’investissements et d’exportations. Ce projet n’a finalement pas abouti.